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Fall Of Summer (Jessica Rozanes) le Black Dog, Paris, le 10 août 2016
Jamais deux sans trois. Voila un proverbe à la con qu'on est heureux de voir se réaliser concernant le Fall Of Summer. Pour cette troisième édition, vous pourrez donc retrouver dans le magnifique site de Torcy : Paradise Lost (anniversaire des 25 ans de Gothic), Satyricon, Tankard, Whiplash, Memoriam (supergroupe avec des membres de Bolt Thrower, Sacrilege et Benediction), Samael (set classique), Shining (SUE), Unleashed, Vader, Goblin (Rock Prog italien culte, qui a notamment réalisé les bandes originales des films Profondo Rosso et Suspiria de Dario Argento, ainsi que celle du montage européen de Zombie de George Romero), Riot (Heavy Metal US culte !), Skepticism, The Monolith Deathcult, ADX (cocorico !), Massacra (tribute pour l'anniversaire des 30 ans) Exciter, Revenge, Nifelheim, Hell Militia, Oranssi Pazuzu, Merrimack, Abigail, Dead Congregation, Manilla Road, Phazm, Hexecutor, Die Hard et Grim Reaper. Nous sommes donc allés poser quelques question à Jessica Rozanes, programmatrice du festival, pour en savoir plus sur les coulisses du Fall Of Summer.
Bonjour Jessica. Alors, pas trop dur après trois ans ?
En
charge de travail c'est sûr que c'est énorme mais ça je le savais.
Malheureusement et heureusement, je savais où je mettais les pieds. Mais
ça fait partie du jeu et je crois que c'est pareil par exemple pour
vous, avec le webzine, vous savez que vous n'êtes pas là pour faire de
l'argent mais c'est avant tout la passion pour la musique le véritable
moteur.
Les festivals Metal en France sont de plus en plus
nombreux, est ce que ça peut vous poser un problème au niveau de
l'affluence ?
Même s'il y a plus de festivals, je ne pense
pas que ce soit un véritable problème. Je vois plutôt ça comme une
richesse à vrai dire, surtout qu'on arrive à maintenir notre originalité
parce que ça n'intéresse pas grand monde de faire jouer des groupes de
Heavy ou des musiciens de plus de 60 ans en France. On a une spécificité
« carte vermeil » et personne semble vouloir nous embêter sur ce
terrain (rires). Il y a toujours eu énormément de festivals en Allemagne
et du moment que des organisateurs arrivent à se démarquer et que le
public bouge et fait confiance aux festivals français ça ne pose pas de
problème.
Qu'est ce qui va changer pour la troisième édition ?
Les
groupes ! (rires) D'ailleurs je suis assez fière d'avoir une troisième
édition avec de nouveaux groupes, qui ne sont jamais venus nous voir.
C'est d'ailleurs un des objectifs du Fall Of Summer : se renouveler et
offrir une direction artistique qui soit la même tout en bougeant un
peu, en s'ouvrant sur d'autres genres par exemple. On n'a pas de formule
qui soit « tant de groupes de Heavy, tant de groupes de Black, etc » on
veut de la cohérence et des groupes intéressants. Si on doit se diriger
vers un genre au détriment de l'autre pour une édition, ce n'est pas un
problème, on ne remplit aucun quota. Ce qui va changer aussi, ce sera l'organisation de la nourriture vu que ça semble être le nerf de la guerre (rires). Cette année on aura un stand vegan dont une partie des bénéfices sera reversée à une association pour la protection animale. On aura également un stand de galettes bretonnes, dont le gérant fait partie de l’organisation du Samaïn Fest en Bretagne, et dont le but est de reverser des fonds à une école bretonnante. Nous aurons un food truck Black Dog avec des sandwichs de viande argentine. Et enfin un pôle de restauration avec des burgers, le barbecue classique et la torcyflette (une sorte de tartiflette au coulommiers), avec une organisation différente pour minimiser le temps d'attente. Pour les douceurs, il y aura même un stand dessert avec des bonbons, des glaces et bien d'autres choses : manger un Mr. Freeze devant Shining, beaucoup en ont rêvé : le Fall Of Summer l'a fait (rires). Mis à part ça, pas de gros changements, on finalise la mise en place d'un bar à bière près du market, pour avoir un espace détente à disposition des amateurs de musique, qui sont aussi des amateurs de bonne bière avec assiettes de charcuterie et de fromage et des wraps sur tous les autres bars.
Est ce qu'on peut amener notre maillot de bain cette année ?
Comme
les années précédentes, il faut passer par l'entrée officielle de
l'UCPA et le problème est que s'il ne fait pas assez beau, l'accès ne
sera pas ouvert. Donc on ne peut pas garantir la baignade au Fall Of
Summer, malheureusement.
Est ce qu'il y a eu des groupes particulièrement difficiles à convaincre cette année ?
Les
réponses négatives, c'était principalement dû à des histoires d'agenda.
La plupart des groupes contactés sont intéressés et très contents de
venir jouer puisque ce sont avant tout des musiciens et des fans de
musique et quand ils voient Exciter à l'affiche, ben ça les intéresse
même quand ce sont des groupes de Black Metal. Cette année on a eu un
peu de mal à boucler l'affiche mais surtout parce qu'on est assez
exigeants et qu'on ne commence pas l'année en envoyant dix mille mails
pour avoir une programmation équilibrée. Il faut savoir que si tu
envoies une centaine de mail et que tous les groupes de Death te disent
oui, tu es bien embêté... On avance donc petit à petit et on essaye de
rééquilibrer au fur et à mesure et c'est ça la plus grosse difficulté
parce que, comme on a un budget fini, on attend souvent plusieurs
réponses avant d’enchaîner sur d'autre demandes.
Quel(s) groupe(s) es-tu la plus fière d'avoir fait jouer ?
Je cite toujours Venom
parce que le premier amour compte plus que les autres. Ça a été très
important pour moi, parce qu'ils nous ont suivis depuis le début et
parce que ça a été un grand moment d'émotion quand je les ai vus sur
scène. C'était un peu l’achèvement de la première édition, pouvoir voir
enfin tout ce travail se concrétiser et c'est devant Venom que j'ai enfin pu prendre le temps de me poser devant une scène. Et puis, quand la pression est retombée après le premier Fall Of Summer, le premier mail que j'ai reçu ça a été un énorme « Merci » de la part du groupe et donc... j'ai pleuré, je l'admets. Pour cette année je pourrai citer Exciter
que j'avais essayé de faire venir l'année dernière et également parce
que c'est un vrai plaisir de communiquer avec eux. Concernant la
dernière annonce, je suis très heureuse de faire jouer Monsieur
Simonetti (Goblin) et ça me fait d'autant plus plaisir parce qu'il n'y a pas de doute vis-à-vis du Fall Of Summer.
Ils ont déjà fait quelques festivals de Metal, mais on peut sentir un
véritable intérêt parce qu'il va venir avec son équipe de jour, et c'est
vraiment ce genre de relation avec les artistiques que je recherche. Je
me rends également compte que de plus en plus de groupes, au fur et à
mesure des années, demandent à rester pendant tout le festival donc
bientôt, on va peut-être devenir un centre de vacances pour musiciens
(rires). Mais ça fait plaisir, ça montre qu'ils veulent vivre
l'expérience du festival et pas simplement jouer et partir.
Cette
année il y aura beaucoup de sets spéciaux au programme du Fall Of
Summer et la programmation semble tendre en partie vers ce que des
festivals comme le Roadburn pourraient programmer. C'est un festival qui
t'intéresse ?
Le Roadburn
est un festival que je respecte énormément pour sa programmation, même
si je n'y suis jamais allé. Le but, c'est pas de faire un Roadburn-bis.
En revanche, on essaye de se distinguer et on pourrait dire qu'on est un
mélange de Keep It True, de Roadburn et de Party San, même si c'est plus un constat qu'une direction artistique. Ce
qui est assez drôle, c'est qu'on est différents d'eux parce qu'on est
en Open Air, on aime les musiques extrêmes, on aime le Heavy et le
Thrash qui a du mal à faire son trou en France et on aime les musiques
étranges et spécialisées. Mais tout ça est arrivé comme ça. L'objectif
de départ c'est de créer un festival pour amoureux de la musique et je
pense que c'est la même chose pour les organisateurs de tous ces
festivals : d'offrir un moment musical dont les gens pourront se
souvenir.
Est ce que ça a été dur de ne pas faire revenir des
groupes et de se concentrer sur des artistes que vous n'avez jamais
fais jouer ?
Je n'avais pas envie de faire revenir des artistes qui avaient déjà joué au Fall Of Summer
parce que je pense que 28 groupes c'est une petite programmation et
c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la programmation est si longue à
mettre en place. On ferait jouer une centaine d'artistes, on pourrait
balancer plein de noms très rapidement mais ce n'est pas le cas. On doit
donc faire des choix très précis et ça en devient un peu compliqué.
D'autant plus qu'avec la multitude de groupes qui existent, ce serait
dommage de déjà faire revenir certains d'entre eux après seulement trois
éditions. Bien sûr, je sais que beaucoup n'étaient pas présents lors de
la première édition et que les demandes pour tel ou tel groupe sont
nombreuses mais ce n'est pas le but. Il y a, je pense, assez de groupes
pour réussir à se renouveler et même si la solution de facilité
consisterait à contacter des groupes qui ont déjà joué, ce n'est pas ce
que nous voulons. Cela peut sonner prétentieux mais je pense que c'est
une des missions du Fall Of Summer que de proposer
de petites pépites encore enfouies et, malgré le fait qu'on me dise
depuis deux ans que je n'arriverai pas à proposer une affiche aussi
belle que la première, ben je trouve celle de cette année magnifique.
Y
aura t-il un jour des groupes de Pagan au Fall Of Summer ? Y-a-t'il
certains groupes qui trouvent grâce à tes yeux, ceux notamment qui ont
sur scène des musiciens pour les instruments traditionnels et pas une
piste enregistrée ?
J'arriverai à programmer un groupe de
Pagan qui n'est pas un truc de Folk fiesta. En fait, le vrai problème ce
n'est pas par rapport au Pagan en tant que style mais ce sont plutôt
certains groupes qu'on voit trop souvent. Ils sont pas nombreux, bien
sûr, puisqu'on parle de quatre ou cinq groupes en tout, mais on les
voit trop à mon avis donc ce n'est pas la priorité du Fall Of Summer. En outre le côté « Astérix chez les vikings » me freine un peu. Même si je me suis déjà amusé devant un set de Korpiklaani au Wacken, je trouve ça rigolo mais ça ne fait pas partie de la vision du festival.
Peux tu nous expliquer le choix des horaires et des temps de concert accordé à chaque groupe ?
Cette
année, les concerts finiront à une heure du matin et on a pris la
décision de ne faire jouer aucun groupe moins de 45 minutes par respect
pour leur travail. Malheureusement, l'année dernière on avait dû faire
quelques sets de 40 minutes mais ce ne sera pas le cas en 2016. Pour
moi, c'est vraiment le minimum pour un concert et réussir à rentrer
dedans, que ce soit pour le public ou les musiciens. Et enfin, aucun
groupe ne jouera en même temps qu'un autre : vous pourrez donc tout
voir, avec un battement de cinq minutes entre chaque set, pour plus de
confort.
Qu'est ce qui est prévu au niveau des afters ?
Comme
l'année dernière, laissons donc la place à la diversité. Il y aura des
afters sur le site qui sera en partie ouvert avec une scène et des DJ,
le bar va rester ouvert lui aussi et il y aura aussi un peu de musique
sur le camping, pas trop forte, rassurez-vous, pour ceux qui voudront
dormir. Je considère que c'est très important dans un festival : il faut
aussi s'amuser. Et puis, couche-tard comme je suis, si on me disait
d'aller me pieuter à une heure du matin, je serai déçue. Les concerts du
samedi commencent à midi en plus, donc tout le monde aura le temps de
faire la fête. Quant au dimanche, nous allons proposer des petits
déjeuners sucrés et salés avec des œufs brouillés, des saucisses, des
galettes de pomme de terre et des champignons et même un repas du midi
sur le camping pour pouvoir se requinquer avant de reprendre la route
dans de bonnes conditions.
Au niveau des préventes, est ce que vous constatez que la réputation du festival grandit ?
Cette
année pour les préventes, c'est un peu compliqué mais il paraît que ça
l'est un peu pour tout le monde depuis le 13 novembre en fait. Tu
ajoutes à ça la crise et le fait que les gens achètent souvent à la
dernière minute, en nous demandant très régulièrement s'il restera des
places. Il faut avouer que ça complique un peu les choses, au niveau
notamment de l'organisation pour la nourriture et de la boisson. Les
années précédentes, on était face à la même situation puisque le public
Metal achète beaucoup à la dernière minute ce qui nous vaut beaucoup de
sueurs froides.
Tu ne penses pas que la date peut influer
là-dessus ? Les gens attendent peut être de voir s'ils n'ont pas trop
dépassé leur budget vacances ?
Oui, bien sûr, on est un peu
les derniers et on est donc pas spécialement la priorité d'achat donc on
verra bien comment ça se passe. Et lors de la dernière annonce, il y a eu un effet visible?
Il y en a un depuis le début du mois d'août en fait mais on ne peut pas trop savoir vers quoi on se dirige.
Combien y a t-il de festivaliers ?
L'année
dernière un peu moins de 3000 par jour, la première moins de 2000 par
jour. Cette année on aurait besoin de faire 3500 personnes par jour pour
rentabiliser mais on peut bien évidemment accueillir plus de monde.
Mais si on fait 3500 entrées par jour, on sera très content et on sera
là l'année prochaine.
Et niveau financier, sans subvention, c'est quoi le secret ?
Perdre
de l'argent (rires). Et c'est d'ailleurs pour ça que c'est une grosse
source de stress. Malheureusement, s'il y a encore des pertes cette
année, on les assumera parce que contrairement à certains, on paye nos
dettes. Mais si on ne peut pas avoir de certitudes quant à la continuité
du Fall Of Summer, il faudra malheureusement s'arrêter ou, peut être, proposer quelque chose de plus petit.
Parmi les réponses négatives de cette année, est ce que certaines t'intéressent déjà pour 2017 ?
Ha
ben moi, j'ai déjà des groupes qui veulent qu'on confirme une édition
2017 et qui souhaitent venir mais c'est difficile de leur dire qu'on
n'est pas certain de l'existence d'une quatrième édition. Effectivement,
ça aurait été idéal de pouvoir annoncer en clôture de week-end quelques
noms et mettre en place des préventes.
Est ce que le climat politique pourrait influer, en 2017, sur l'organisation du festival ?
Pour
moi non, je ne pense pas comme ça. Bon il faut dire que je n'ai plus la
télé depuis le 1er avril à cause passage à la TNT HD, donc je m'informe
surtout sur internet et sur mon fil Facebook. Je ne sais donc pas trop
ce qu'il se passe dans le monde niveau politique et je ne sais toujours
pas si j'ai vraiment envie d'avoir la télé à nouveau début septembre... Cependant,
ce n'est pas vraiment le type de chose à laquelle je pense quand
j'organise le festival, nous sommes implantés localement donc on ne voit
aucune raison à ce que ça puisse poser des difficultés. Tout le monde
se pose des questions avec les attentats et le climat politique mais,
c'est peut-être mon côté insouciante, j'ai tendance à me dire qu'on ne
peut pas savoir ce qui va arriver. J'ai déjà beaucoup de choses à gérer
et je ne pense pas que le Metal soit en danger, que ce soit vis-à-vis
d'un danger physique ou des administrations. D'ailleurs, comme nous ne
sommes pas subventionnés, cela ne changera pas grand-chose si ce n'est
se faire interdire.
Au sein de la rédaction, nous avons bien
aimé ta prise de position concernant la venue de groupes NSBM en France ?
Ma position, quant à la venue de groupes de NSBM en France, c'est que s'ils n'ont pas joué ici depuis tout ce temps, c'est pour certaines raisons. Et je rejoins pas mal d'organisateurs de concert en France pour dire qu'on lutte depuis des années pour faire un peu le ménage nous-même et ne pas avoir des antifas qui viennent faire le ménage dans notre scène. Donc je pense que faire jouer des groupes de cet acabit, c'est tendre le bâton pour se faire battre et ça fait mal à une partie de la scène, aux organisateurs et à beaucoup de monde et je ne peux pas soutenir ça, déjà pour des raisons personnelles mais aussi pour des raisons idéologiques. Je n'arrive pas à comprendre comment on peut parler de « sous race » et estimer que des gens, à cause de leur naissance, ont une valeur inférieure à celle des autres. Je sais bien que le Black Metal a toujours critiqué les dogmes et les religions mais c'est aussi quelque chose dont tu peux te débarrasser alors que tu ne peux pas te débarrasser de ta peau si tu es noir par exemple, on n'est pas tous Michael Jackson. Et même s'il y a eu des déclarations comme quoi tous ces éléments appartiennent au passé de ces groupes, on sait tous que c'est faux. C'est donc très bien de sortir cette excuse devant Le Parisien pour qu'ils lâchent l'affaire mais il faut que la scène Metal se positionne face à ses propres problèmes. Je suis tout autant contre les antifas et leur manière de voir et faire que contre ce genre de discours haineux et raciste. Et je pense que la vraie question à se poser c'est « est ce que j'ai envie de donner de l'argent à ces groupes ? » Les gens doivent prendre leur responsabilité et ce qui est dommage c'est que, depuis cette affaire, je reçoive des messages personnels qui me demandent si je vais faire jouer des groupes de NSBM. Nous sommes donc mis sous surveillance et pistés à cause des prises de positions d'un autre festival.
Que peut-on souhaiter au Fall of Summer pour cette édition 2016 ?
Que
j'arrive à dormir quelques heures chaque soir et surtout que l'on ait
pas de grosse surprise, même s'il n'y a aucune raison. On voit le bout
du tunnel, il faut foncer et ne pas baisser les bras. Je fais confiance à
mes équipes et, un peu, à la météo.
Merci à À Jeter Prom pour nous avoir organisé cette interview.
Les Pass 2 jours et billets à la journée pour le festival sont disponibles ici. Le programme officiel du Fall of Summer peut-être téléchargé ici.
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Grands bravos à Jessica pour ses prises de position et pour un festival qui permet à tous les spectateurs de voir tous les groupes à l'affiche pour un prix très raisonnable avec des groupes de grande qualité. Big Up !!