Pär Sundström (Sabaton) Hotel Alba Opera, Paris, le 23 juin 2016

Il y a des groupes qu'on aime détester et Sabaton fait indéniablement parti de cette catégorie. Mais fort d'une fanbase très solide, le groupe enchaîne les succès et ce n'est pas son huitième album, The Last Stand, qui devrait déroger à la règle. Après les avoir raté en interview lors du Download Festival France (explications ci-après), c'est dans le cadre plus reposant d'un hôtel parisien que nous avons pu rencontrer Pär Sundström, bassiste et fondateur du groupe, afin d'en savoir un peu plus sur l'histoire de ce nouvel album. Une interview qui pourrait vous faire changer d'avis sur le groupe.



Vous avez joué au Download Festival France en juin dernier, vous n'avez vraiment pas eu de chance ce jour là !

Oh oui, il s'est passé beaucoup de choses ce jour là. On jouait au Sweden Rock Festival la veille et on n'a pas pu beaucoup se reposer pendant le transit. Tout d'abord il y avait la grève des pilotes chez Air France, notre vol Copenhague-Paris était concerné, on a été re-routé sur un vol pour Francfort où on devait changer pour reprendre un vol pour Paris. À l'aéroport de Francfort on s'est retrouvé en compagnie de 200 supporters irlandais qui ont mis un bordel monstre, ils chantaient et criaient, et avaient des cornes de brume et des trompettes. Impossible de se reposer. Ensuite l'enregistrement a été retardé, puis l'embarquement, puis le décollage ! Arrivé à Paris on était super à la bourre, on n'a eu le temps de manger que des cheeseburgers de chez McDo avant notre concert. On monte enfin sur scène et là, une énorme averse s'abat sur le festival... Sans déconner quoi, on s'est demandé alors si les choses pouvaient empirer, mais le public nous a vite fait oublier tout ça ! La première chose que nos techniciens nous ont dit, c'était qu'il fallait reculer tout le matos vers le fond de la scène à cause de la pluie mais on leur a dit "merde, tant pis, on n'a plus le temps !" Et on ne voulait pas avoir l'air de se dégonfler à cause de la pluie ! Ils ont donc laissé le matos tout au bord de la scène, afin que l'on puisse jouer le plus près possible du public. Mais on n'aurait peut-être pas dû (rires). On en a payé le prix : La pluie a niqué les deux micros de Joakim, les deux miens aussi, mes deux moniteurs haute fréquence et le pédalier d'effet d'un des guitaristes également... Les conditions étaient très mauvaises mais on a donné le meilleur qu'on pouvait !

Pour vous consoler, la pluie a quand-même donné un rendu très sympa aux photos du concert prises ce jour-là !

C'est vrai, et puis pour une fois, on était simplement mouillés sur scène, et pas trempés de sueur ! (rires) Ce n'est pas notre genre de nous plaindre mais ce type d'expérience live est assez éprouvant. Tu es tranquille backstage, au sec et d'un seul coup tu te retrouves trempé et gelé sur scène. C'est vraiment difficile pour un groupe de garder sa puissance dans ces conditions, c'est très difficile de jouer tout court, même ! Mais au bout de quelques chansons tu finis par t'y habituer et tu fais avec.

Passons au nouvel album : The Last Stand est sacrément épique !

Merci (rires).

Comment faites-vous pour réussir à mettre la barre toujours un cran plus haut à chaque album sur cet aspect là ?

On a vraiment bossé dur sur cet album, mais comme pour les précédents, on ne s'est jamais posé la question de savoir comment il devrait sonner. On se contente de composer les meilleures chansons possibles et sur cet album, on a l'impression de s'être bien débrouillés. Sur Heroes, tu distinguais de suite quelle chanson allait être le single. Sur The Last Stand, ce n'est pas du tout évident, et on n'arrête pas de changer d'avis sur le sujet d'ailleurs ! D'autant qu'on reçoit pas mal de retours de la part de journalistes et personne ne semble s'accorder, ce qui ne nous facilite pas la tâche. Par contre pour notre premier single, The Lost Battalion, on a su dès les premières démos que ce serait une chanson très accrocheuse. C'est pourquoi on l'a choisie !

J'ai l'impression que l'artwork donne des indices quant au contenu de l'album, des périodes historiques abordées...

C'est le cas, mais pas de façon exhaustive ! Tous les personnages, enfin plutôt toutes les chansons n'y sont pas représentées. D'habitude, je dessine un croquis qu'on envoie à l'artiste. Cette fois on a envoyé le croquis à plusieurs artistes mais c'est encore celui de Peter Sallaí qui était le meilleur. Il fait nos artworks depuis Carolus Rex ! Alors qu'il était en train de réaliser l'artwork, nous avons eu de nouvelles idées pour l'album, dont on lui a fait part afin qu'il les intègre à son oeuvre, mais on ne lui a pas tout dit, car on voulait garder quelques éléments de surprises. Il y a le soldat américain, le guerrier spartiate, le samouraï... Voila pour les indices, pour le reste il faudra écouter attentivement l'album (rires).

Sur cet album, vous remontez loin dans le temps et explorez des périodes historiques très différentes les unes des autres...

Oui, c'est le titre de l'album, The Last Stand, qui dévoile le fil rouge : chaque chanson parle d'une dernière bataille héroïque, désespérée. Certaines sont connues, d'autres beaucoup moins !

L'histoire racontée dans The Lost Battalion prend place lors de la dernière bataille de la Première Guerre Mondiale, l'offensive de Meuse-Argonne ?

Oui, mais attention, cette histoire ne se déroule pas au moment de la toute dernière bataille. On raconte l'histoire d'un régiment américain qui s'est retrouvé piégé entre la ligne allemande et la ligne alliée et qui, oublié de tous, a subi de lourdes pertes sous le feu allié. L'armée américaine a payé un très lourd tribut lors de cette offensive.

Vous avez une nouvelle fois travaillé avec Peter Tägtgren sur cet album.

Oui, c'était une chose très naturelle pour nous de faire encore une fois appel à lui. Il habite à quarante cinq minutes de chez moi et c'est vraiment une icône chez nous ! C'est un excellent producteur et ingénieur du son, on le connait depuis des années maintenant et on travaille avec lui de façon très détendue. Il n'y a rien de pire que d'arriver en studio en étant stressé. Pour un concert, ça peut être une bonne chose que d'être nerveux, mais jamais en studio. Peter sait nous mettre à l'aise et il sait aussi comment nous prendre, comment s'adresser à nous pour nous dire ce qui ne va pas, il a une façon très personnelle de le faire, à l'opposée d'un gros connard qui ne prendrait aucune pincette pour te dire que ce que tu fais, c'est de la merde (rires). De cette façon il arrive à nous motiver et à faire que chacun se dépasse.

C'est votre deuxième album avec le line-up actuel, est-ce que du coup l'enregistrement de The Last Stand a été plus simple que celui de Heroes ?

Oui, pour Heroes, comme on n'avait jamais été ensemble en studio, on ne savait pas comment allaient se comporter les nouveaux, musicalement parlant j'entends, et ça nous a rendu un petit peu nerveux. D'ailleurs les chansons avaient été beaucoup plus écrites et travaillées, au niveau des démos, que d'habitude, afin d'éviter qu'on se perde en route et surtout afin que les nouveaux sachent vraiment ce qu'on attendait d'eux et ce qu'on voulait qu'ils jouent ! Là pour The Last Stand, comme on a pu apprendre à se connaître et à se faire confiance après ces quelques années ensemble, on s'est laissé plus de place sur l'album, ça s'entend surtout au niveau des guitares et de la batterie je trouve. L'album en sort meilleur je pense, et c'est également une démarche beaucoup plus gratifiante pour tout le monde !

Vous aviez pris un peu l'habitude de rendre hommage à des groupes avec les dernières chansons de vos albums, ce sera le cas sur The Last Stand ?

Tu dois penser à Metal Crüe et aux autres chansons j'imagine ? Pour le nouvel album, ça ne collait pas, on en est resté au concept de "dernière bataille". Mais c'est quelque chose qu'on refera très certainement dans le futur

Comment êtes-vous devenus à ce point des geeks d'Histoire ?

Il fallait bien qu'on ait un sujet sur lequel chanter et on voulait parler de choses concrètes, réelles, mais qui ne soient pas personnelles, car on veut garder nos vies privées... privées (rires). Il y a beaucoup de groupes qui parlent de batailles légendaires ou mythologiques. Il y a également beaucoup de groupes qui s'inspirent des Vikings. Avec Joakim on est vraiment passionnés d'Histoire depuis très longtemps, et en particulier de la Deuxième Guerre Mondiale, mais on n'était pas sûrs que l'Histoire de l'Europe intéresse tant de monde que ça. Au moment de composer les démos de Primo Victoria en 2003 on était toujours à la recherche d'un thème pour nos paroles, on ne cherchait pas forcément à tomber dans les clichés du Metal, le Mal, le satanisme, et on s'est retrouvé un soir à regarder ensemble Il Faut sauver le soldat Ryan. Ça a été une révélation et on s'est immédiatement dit qu'il fallait qu'on écrive nos chansons sur ce sujet ! C'était beaucoup plus stimulant que tout ce qu'on avait écrit jusque-là. Et nous voilà treize ans plus tard avec huit albums au compteur et nos fans en redemandent encore ! Maintenant, on ne se verrait plus changer de direction et, malheureusement, notre planète est partie complètement en couille depuis l'apparition de l'humanité et il n'y a pas un jour sans qu'il se passe quelque chose. C'est triste mais tous ces conflits deviennent pour nous une source intarissable d'inspiration.

Combien de temps vous ont pris les recherches historiques pour les paroles de The Last Stand ?

Je ne saurais pas te dire, car en fait je collecte en permanence des infos, de partout ! Je reçois de la part de fans du monde entier beaucoup de mails bien documentés que je conserve. C'est une bonne chose de faire ça, car personne n'est parfait, je ne connais pas tout sur tout et ça permet également de recouper les informations. Je suis assez calé sur l'Histoire de la Suède mais on n'aurait surement jamais rien su sur la situation de la Serbie lors de la Première Guerre Mondiale sans nos fans (rires). Donc je ne fais aucunes recherches, je collecte, je classe, je trie par sujets, je compulse mes dossiers et mets de côté les idées qui pourraient être intéressantes dans le futur pour le groupe ! Quand on a trouvé le concept pour The Last Stand, beaucoup d'idées nous sont venues toutes seules grâce à cette veille historique : "tiens, il faudra qu'on parle de ça, de ça et puis de ça aussi". Comme on n'avait quand même que des "dernières batailles" très connues, j'ai fait quelques vérifications sur Internet et en bibliothèque pour voir si on n'avait pas oublié quelque chose d'intéressant. On a regroupé toutes ces idées et on les a réparties suivant les musiques qu'on avait déjà composées et on s'est fait un planning d'écriture des paroles, tel jour on écrit sur telle idée ! Et voila.

En France, on ne sait rien sur l'Histoire de Suède, peux-tu me dire un mot sur les faits les plus marquants ?

Ah ! (rires) En fait, on peut dire qu'on a fait un album complet sur le sujet avec Carolus Rex, qui retrace 1000 ans de l'Histoire de Suède. C'était une nation majeure, toujours en guerre et en voie d'expansion, l'Empire suédois était une superpuissance. Techniquement ce n'était pas un empire puisque c'était un roi qui en était à la tête. Il y aurait des tas de choses à te raconter, beaucoup de groupes racontent une partie de notre Histoire à travers les Vikings qui, avec le coté mythologique et la violence de l'époque, rencontrent beaucoup de succès. On ne s'intéresse pas trop aux Vikings, on n'est jamais remontés aussi loin dans nos chansons.

Avez-vous déjà joué dans des lieux chargés d'histoire, des endroits où s'étaient déroulées des batailles célèbres ?

Oui, notamment en septembre 2009 on a joué sur un champ de bataille en Pologne, où a eu lieu la bataille de Wizna, et en plus on y a joué le jour du 70e anniversaire de cette bataille et le concert a débuté à la minute près à l'heure à laquelle cette bataille a commencé. Il n'y avait pas d'autre groupe en première partie, et la scène était installée en plein champ, au milieu de rien ! On pensait qu'il n'y aurait personne mais des milliers de fans ont fait le déplacement, principalement de Pologne. En ouverture de notre concert, il y avait eu une reconstitution de la bataille, avec des tirs de mortier, c'était impressionnant ! Et on a joué juste après ça, c'était complètement fou.



Dans vos chansons, vous parlez de sujets très sérieux, mais sur scène, vous êtes un des groupes les plus drôles que j'ai jamais vus !

On ne peut pas mentir sur ce que nous sommes, même si on parle de batailles et de guerres dans nos chansons, on doit rester honnêtes et rester nous-mêmes, sinon on ne serait pas crédibles. Nous sommes tous de purs metalleux et je peux te dire que nous prenons tous notre pied à chaque fois que nous montons sur scène et donc il nous est impossible de jouer de façon sérieuse, solennelle, sur scène tellement nous nous éclatons !

Vous organisez au mois d'août le Sabaton Open Air (Tolun, du 18 au 20 août 2016) est-ce vous qui vous occupez de la programmation du festival ?

J'ai toujours été très impliqué dans l'organisation de ce festival, surtout dans le choix des groupes. Ce festival est mon idée au départ. Mais au fil des années, j'ai beaucoup délégué même si je reste encore très impliqué. Car il faut que ce festival représente ce qu'est Sabaton, il faut donc que l'affiche propose des groupes qu'on aime, des groupes qu'on souhaite faire découvrir... On ne cherche pas à avoir de groupes qui font vendre des tickets, ça c'est notre boulot (rires). Ça passe donc par le feeling !

À vos côtés, il y a Saxon en tête d'affiche du festival, j'imagine que ce groupe fait partie de vos influences ?

Tout à fait, on les aime beaucoup ! C'était un choix très naturel que de les faire jouer cette année, surtout qu'on voulait déjà les faire jouer l'an dernier mais ils n'étaient pas disponibles. Chaque groupe à l'affiche du festival signifie quelque chose pour nous et Saxon représente beaucoup !

Lordi est également à l'affiche du festival. Est-ce qu'on vous déjà proposé de représenter la Suède à l'Eurovision ?

Oui ! La délégation suédoise à l'Eurovision, ou je ne sais pas comment ça s'appelle, nous a contacté plusieurs fois. Il y a chaque année un groupe de Metal qui passe les sélections suédoises. Chaque année on refuse et on ne s'en porte pas plus mal ! Sabaton n'a jamais été un groupe mainstream en Suède, on ne passe pas à la télévision, ni dans mes journaux, ni sur les grosses stations de radio. On se contente de jouer notre Metal et on se débrouille bien ! Et jouer à l'Eurovision ce serait un peu se fourvoyer, on préfère consacrer notre temps et notre énergie pour donner des concerts en face de publics composés de vrais metalleux.

Toujours à propos de l'Eurovision, sur l'album Heroes, votre single To Hell And Back a une mélodie qui me fait beaucoup penser à du ABBA !

(rires) Ce n'est vraiment pas fait exprès ! Je pense que lorsque tu grandis en Suède, tu te retrouves imprégné par ce type de mélodies, ça devient quelque chose d'inconscient. Je ne crois pas qu'on ait jamais fait le lien avec ABBA pour cette chanson.

Vous avez joué au Bataclan en janvier 2015 et Joakim portait ce jour-là sous son plastron un tshirt "Je suis Charlie", où l'avait-il dégoté ?

C'est un fan qui lui a donné avant le concert, il s'est dit que ce serait un beau symbole que de le porter sous sa veste, il n'y avait rien de prémédité à tout ça !

Il y a eu une sacrée réaction de la part du public !

C'était aussi une façon pour Joakim de remercier le public, il n'avait pas vraiment réfléchi à la portée de son geste. Bien sûr Sabaton est pour la liberté d'expression, même si en tant que groupe nous sommes apolitique, donc ça a été un geste très naturel pour Joakim de retirer sa veste ce jour-là.

Grum (Août 2016)


Merci à Roger et Olivier de Replica Promotion pour nous avoir organisé cette interview.

Crédit photos : Nicolas Fruchart / DNF Music Productions

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