Eths Métaphone, Oignies (2016)

Metalorgie a profité du passage de Eths fin avril dernier au Métaphone, à Oignies (62), en compagnie de Gorod et Dagoba, pour rencontrer Staif (guitare) et Rachel (chant) pour une interview. Au programme : Ankaa, le nouvel album, l’avenir proche, le remplacement de Candice et bien d’autres choses.

Rachel, Staif, merci d’accorder cette interview à Metalorgie. Votre nouvel album, Ankaa, est sorti il y a peu de temps, comment se passe la promo jusqu'ici ? 

Staif : La période est un peu chargée mais c’est bien, c’est bon signe ! On donne beaucoup d’interviews en direct, par mail, par phoner, c’est vraiment cool.
Rachel : Comme dit Staif, tout se passe bien. J’avais hâte que l’album sorte et que cette période commence. 

Staif, c’est toi qui as composé la quasi-totalité de l’album. Je crois savoir que tu es un passionné d'Egypte ancienne, cette passion a-t-elle influencée l'écriture d'Ankaa ?

Staif : Indirectement oui. C’est un sujet qui me passionne vraiment et ça s'est même renforcé ces dernières années. Déjà sur l’album III, je m'en étais inspiré, cet amour pour ces anciennes civilisations et une passion commune que je partage avec Candice d’ailleurs. Mais ce n’est pas la seule chose qui m’a influencée. Quand tu écoutes Ankaa, tu peux déceler des références aux civilisations japonaises et hindous. Tu vois j’ai brassé assez large.



Une chose qui frappe sur Ankaa, c’est qu’il est violent mais en même temps parcouru d'ambiances plus aériennes et éthérées. Quelles ont été tes méthodes de travail ? Comment es-tu parvenu à conjuguer les deux ?

Staif : C’est des choses que je ne calcule pas vraiment, du moins au départ du processus de composition. Pour Ankaa, j'ai néanmoins changé ma façon d’écrire, au lieu de commencer par le riff de gratte comme j'ai toujours fait avec Eths, cette fois, j'ai commencé par les ambiances. Ensuite j’ai transformé ces ambiances en "morceaux Metal", ce travail à vraiment été passionnant. J'avais besoin de changement, toujours commencer la création par la guitare me donnait l'impression de tourner en rond ! J’avais clairement le besoin d’explorer d'autres méthodes. J'ai fait énormément de choses avec Contact, qui est un sampler fantastique avec des banques de sons très réalistes qui te permettent d’aller loin dans l’exploration. Cela a été une sorte de déclic, dès que j’ai découverts les possibilités offertes par Contact, j’ai beaucoup créé.

Ce nouvel album marque l'arrivée de Rachel en remplacement de Candice. Comment s'est passé son recrutement ? Pourquoi elle et pas une autre ?
 
Staif : Après le départ de Candice, nous avons lancé un appel à candidature pour la remplacer. Nous avons eu énormément de réponses, dont Rachel. Dans un premier temps, les auditions se passaient à distance, j'envoyais des instrus, les candidates posaient leur voix et me renvoyaient le fichier. Le choix de Rachel s'est vite imposé du reste, c'est celle dont je trouvais le timbre de voix le plus adéquate pour Eths. Je l'ai contactée pour une audition sous forme de répétition et ça l'a fait. 

De ton côté Rachel, comment s’est passée ton intégration ? As-tu eu de l’appréhension ? Remplacer Candice qui était très appréciée par les fans a dû te mettre un peu pression ?

Rachel : Effectivement, j'ai eu un peu d’appréhension, notamment au moment de monter sur scène les premières fois. Avant d'intégrer Eths mon expérience n’était pas énorme, j’avais surtout évolué avec des groupes locaux qui n’ont pas la même ampleur. Aux premières répétitions j’ai été assez impressionnée par le son que le groupe dégageait, je n’avais pas l'habitude que ça claque comme ça. Pour la scène, j’ai été un peu stressée, mais je l’ai transformée en énergie, ça m’a motivée, j'ai vu ça comme un challenge. 



J’imagine que tu as beaucoup accompagné Rachel au départ, Staif ?

Staif : Tout à fait ! Je lui ai fait part de l'expérience que j'ai avec le groupe, je lui ai donné certaines clés que les autres membres du groupe et moi avons mis une dizaine d'années à comprendre ! (rires) Le gros du coaching se fait évidemment sur le live, mais aussi en studio, les deux ont beau être différents, ils n'en sont pas moins complémentaires. On ne travaille pas de la même façon ces deux aspects, nous avons donc passé beaucoup de temps ensemble pour vite progresser. 

Rachel : Les gars ont eu beaucoup de patience avec moi, ils ont été très pédagogues. Je suis plus jeune et je débarquais un peu dans le milieu sans réelle expérience, j'avais beaucoup de choses à découvrir, ils ont vraiment été super. 

Vous n’avez pas peur que l’ombre de Candice plane longtemps au-dessus de Eths ? Que Rachel soit sans cesse comparée à elle ?

Staif : Si, mais c'est normal et légitime. Sans nous comparer à eux, bien entendu, mais regarde Metallica, l'ombre de Cliff Burton plane toujours au-dessus d'eux, tout le monde se souvient de lui, de son style, et en plus il n'était pas le chanteur ! Je ne pourrais pas en vouloir à nos fans s'ils ont du mal à oublier Candice. Je suis un gros fan de Sepultura, sans Max Cavalera ce n’est pas pareil, ce n’est pas pour autant que je n’aime pas ce qu’ils font depuis, mais j'ai toujours cette nostalgie de l'époque avec Max. Je ne conçois pas en vouloir aux fans de la première heure de Eths qui ont grandis avec le groupe, de toujours penser à elle. Puis quand même, il faut l'avouer, c’est une super chanteuse, avec une grosse présence scénique, elle fait partie de l'histoire du groupe. 

D'ailleurs, Rachel, Candice a-t-elle été une référence pour toi ?

Rachel : En toute honnêteté, pas vraiment. J'ai beaucoup écouté ce qu'elle a fait, mais ce n'est pas elle qui m’a influencée le plus. J'ai été bien plus influencée par Corey Taylor (Slipknot) par exemple, ou encore Angela Gossow (Arch Enemy) et Candace Kucsulain (Walls Of Jericho).  



Revenons à l’album si vous le voulez bien. Le titre Seditio est inspiré d’un de tes cauchemars Staif, est-ce que le fait d’en avoir fait une chanson, t'en a libéré ?

Staif : Absolument ! Comme je t’ai dis plus haut, j’ai débuté la composition par les arrangements et notamment la ligne de piano que l’on entend dans Seditio. Un jour ça m’a pris comme ça, je me suis mis derrière le piano et hop, c’est sorti tout seul ! J’ai ensuite écrit les textes, qui sont ma foi très sombres, je me suis presque choqué en les écrivant, mais j’en avais besoin. Pour Ankaa, je souhaitais des textes violents de toute façon, autant, voire plus que la musique. J’avais ce besoin d’extraire une part d’obscurité qui était en moi. 

La transition est toute trouvée, parlons de Nixi Dii qui traite d’un sujet très sensible qui est l'infanticide. Comment en es-tu venu à t'aventurer sur ce sujet, Staif ? 


Staif : Depuis quelques années je suis devenu père. Ce sujet m’interloque d’autant plus depuis. Ces dernières temps il y a eu pas mal d’affaires horribles sur le sujet, je trouve ça tellement inconcevable que j’ai voulu m’aventurer pour tenter de comprendre ce mécanisme, le pourquoi du comment. Ce titre a été écrit avec la collaboration de Faustine Berardo, j'estimais ne pas avoir assez de recul pour aborder ce thème, j’avais besoin d’aide pour trouver les mots justes. Pour l'anecdote, c’est Rachel qui m’a envoyée un mail avec une histoire folle qui s’est passée il a quelques temps en Angleterre, où on a retrouvé dans une sorte de fosse derrière un couvant, pas loin de 800 cadavres de bébés qui ont visiblement été jetés là par des nonnes, durant près de 100 ans. Cela m'a littéralement horrifié ! Dans le texte on retrouve certaines références à cette histoire. 

Sur Ankaa il y a pas mal de guests, tu nous les présentes Staif ?

Staif : Avant tout, je tiens à remercier le batteur sur l’album, Dirk Verbeuren (ex Aborted, Soilwork… et nouveau Megadeth), qui a fait un travail exceptionnel ! Quand Guillaume nous a quittés, j’ai appelé Franky Costanza (ex Dagoba) pour lui proposer d’enregistrer les parties batterie. Après écoute, il a été très honnête et m'a dit qu'il verrait plus un batteur comme Dirk pour les jouer. Je lui ai dit, « t’es sûr ? ça me parait un peu gros pour Eths. Il m’a répondu que Dirk est un mec super cool, que je ne perdais rien à le contacter. Je l’ai fait et Dirk a adoré les morceaux, il s'est montré super enthousiaste à l’idée de les enregistrer et ça s'est fait tout seul. Faustine Berardo a également beaucoup participé, notamment à l’écriture des textes, mais elle a aussi posé quelques voix, tout comme Sarah Layssac (Arkan), qui est une excellente chanteuse et une personne adorable. Ensuite il y a Jon Howard de Threat Signal et Björn Strid de Soilwork, qui ont tous les deux été proposés par Rachel. Tout s’est vraiment fait naturellement, de plus, ils et elles se sont tous montrés motivés et ont adoré les morceaux sur lesquels ils interviennent. Cela a vraiment été appréciable de voir que tout le monde prenaient beaucoup de plaisir. 

Rachel, es-tu intervenue dans le processus de création d'Ankaa, ou tu as préféré laisser Staif gérer tout ça ?


Rachel : Staif avait beaucoup d’idées et savait où il voulait arriver. Il était vraiment préférable de le laisser faire, de le laisser s'exprimer. Dans l’avenir je m'investirais peut-être dans la création, mais pour le moment, ce n’est pas ma priorité. 

Eths a traversé une période un peu compliquée après la sortie de III, est-ce qu'à un moment tu t’es dis : « bon, allez, j’arrête tout » ?

Staif : Bien entendu. Ca m’a traversé l’esprit un bon moment même. J’en ai parlé avec beaucoup de proches, que je remercie infiniment de m'avoir soutenu dans ces moments de doutes, comme mon manager, notre tourneur ou les membres du groupe. Tous m'ont dit que ce serait dommage d’arrêter maintenant, que ça gâcherait un peu tout l’investissement qu’il y a eu pendant des années. Mais la période était difficile, je doutais, perdre Greg et Candice n'a pas été seulement perde des musiciens, ceux sont des amis, leurs départs m'a marqué l’air de rien même si je ne les en veux pas. Je suis content au final d’avoir persévéré, j’avais encore des choses à faire avec ce groupe. Maintenant, j’attends avec impatience de voir comment Ankaa va être accueilli, les premiers retours sont bons, j’espère que ça va continuer. 

Tu t’es également chargé de la production Staif, pourquoi ? Tu voulais tout maîtriser ou tu n’as trouvé personne avec la même vision du résultat final ?

Staif : Alors oui, effectivement, j’ai un petit côté maniaque ! (rires) Mais là j’avais vraiment une idée en tête et je voulais aller au bout de celle-ci. Nos précédents producteurs avaient fait un super travail, mais pour Ankaa j’ai préféré m’en charger. Puis ça me passionne, j'adore l’exercice de la production, ça n'a pas du tout été une contrainte, j'aime manipuler les sons. Et peut-être que quelque part, je voulais me prouver que j’étais capable de le faire. 



T’as pris certains risques visiblement, tu n’as pas hésité à faire des paris.
 
Staif : Exactement ! J’aime ça aussi, je fais "tapis" comme j’aime le dire !

Le fait de chanter en français n’est-il pas un frein pour l'exportation ? Comment se porte Eths à l’étranger ?

Staif : Pour le moment les retours que nous avons de l'étranger sont exactement les mêmes qu'en France, c'est-à-dire bon. J’ai lu une chronique autrichienne très sympa, nous avons aussi fait une interview pour la version anglaise de Metal Hammer, la journaliste était super sympa, elle nous a fait énormément de compliments ! En ce qui concerne le chant en français, ça passe bien à l’étranger. Je me souviens que pour III, nous avions fait quatre titres en anglais et au final, les seuls qui n'ont pas trop appréciés ça a été les fans étrangers pour qui Eths, c’est forcement un chant français ! C'est aussi quelque part notre identité, le jeu rythmique de notre musique ne se prête pas vraiment au chant anglais, ce n'est pas du tout un frein. Par contre c'est plus compliqué à mettre en place. Deux titres d'Ankaa ne passaient pas en français d’ailleurs, j’ai donc pris le parti de tout modifier pour un chant en anglais et je me suis régalé. 

Tu as eu certaines difficultés pour apprendre le répertoire de Eths ?

Rachel : Un peu oui. Autant les nouveaux morceaux je les ai assimilés facilement, que les anciens titres ça a été plus complexe. Le rendu était assez brut, il a fallu que je féminise le chant. Au début je ne chantais qu'en anglais et ça a été assez compliqué de passer à un chant français. J'ai eu du mal à trouver la bonne ouverture, ça ne sonnait pas comme on voulait, j'ai beaucoup travaillé pour m’approprier ce style.

Staif : La force de Rachel c’est la puissance de son chant. Il a fallu qu’elle mette un peu de sensibilité dans son dedans.

Rachel : D'ailleurs, pour les chants clairs, j’ai pris des cours avec Pierre Rodriguez qui a en également donné à Candice. On se voit encore de temps en temps, et ça va beaucoup mieux aujourd'hui. 

Quel est le programme pour la suite de 2016 ?

Staif : Après un peu de promo jusque juin, on peut dire que l’été lui, sera calme. Nous n’avons pas eu le temps de booker des festivals comme on aurait voulu. Mais dans un sens, ce n’est pas plus mal, on va pouvoir travailler les nouveaux titres pour le live et on sera prêts pour la rentrée. Pour le moment notre set ne contient que deux nouveaux titres, on doit bosser pour en incorporer plus à la setlist, faire des arrangements dessus pour qu’ils rendent bien sur scène. On va travailler pour avoir un show béton dès septembre. 

Pourquoi pas Eths au Hellfest 2017 ?


Staif : Avec plaisir même !

Rachel : Ce serait génial ! 

La dernière question n'en est pas une. Je vous laisse un espace libre, si vous avez des gens à saluer, à remercier, ou un coup de gueule, allez-y. 

Rachel : Je tiens à remercier les fans pour leur soutien. Merci à eux d’être présents, de se déplacer aux concerts, de venir nous voir après pour discuter et de croire en nous.

Staif : Je veux remercier toutes les personnes qui ont contribué à cet album, que ce soit les musiciens, ou les techniciens. Un grand merci à Nelson Leroy qui a mixé Ankaa et Mobo du Conkrete Studio pour l'avoir masterisé. Ces gars sont vraiment deux cadors, ils ont fait un boulot incroyable. Sans oublier notre photographe, le concepteur de l'artwork, les fans, les personnes comme toi qui diffusent le Metal via les webzines et qui suivent le groupe depuis si longtemps. Merci à tous.


Shades of God (Août 2016)

Crédit Photos : Raphaël Meert.
Remerciements : Alex de M&O Office, Roger de Replica Promotion, Staif, Rachel et les membres de Eths, Franky Costanza, Gorod et l’équipe du Metaphone. Je dédie cette interview à Mika Bleu qui nous a quitté en juillet dernier. Personnage incontournable du Metal français, allez savoir pourquoi mais Staif et moi avons parlé de lui en off, il me disait à quel point Bleu avait été un indéfectible soutient dans les premiers pas de Eths à la fin des années 90. Repose en paix l’ami.

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