Chris Henderson (3 Doors Down) Gibson France, Paris, le 8 mars 2016

5 ans d'attente depuis Time Of My Life sorti en 2011 pour voir arriver un nouvel album de 3 Doors Down. Après un changement de line-up important en 2012, le groupe a pris le temps de faire les choses bien, ce que nous a expliqué le guitariste Chris Henderson lors d'une rencontre chez Gibson France.

L’artwork de Us And The Night fait penser à un négatif photo de celui de votre Greatest Hits sorti en 2012, est-ce une façon de marquer un nouveau départ pour vous avec l’arrivée de Chet et Justin ?

Oui c’était vraiment cette symbolique : pour The Greatest Hits c’était comme si on s’en allait ; Pour Us And The Night, on va de l’avant, dans la nuit, l’inconnu, en perdant en chemin deux membres du groupe et on ressort de l’obscurité avec deux nouveaux membres à nos côtés.

J’ai lu que vous vouliez passer du bon temps à faire cette album. Est-ce que ça a été le cas ?

Oh oui ! (rires) On s’est éclaté et en plus on l’a enregistré dans mon propre studio, qui s’appelle le Rivergate Studios, à côté de Nashville. C’est cool quand tu n’as pas besoin de prendre ta bagnole pour aller bosser (rires). On a amassé tellement de matos depuis toutes ces années, du bon comme du moins bon, du neuf, du vintage, on sait maintenant très bien s’en servir et on connait bien les lieux aussi maintenant. On est arrivé sans pression, on avait déjà quelques idées de riffs pour les chansons, on a fait le reste sur place. On avait tout le temps qu’on voulait, on pouvait rester tard le soir si on avait l’inspiration. D’ailleurs on a vraiment pris notre temps, car on a mis en tout un an et demi pour boucler l’album (rires).

Comment s’est passée la collaboration avec Matt Wallace à la production ?

C’était génial. Ce mec est tellement talentueux, c’est un vrai musicien, un très bon compositeur et un excellent producteur. C’est difficile de trouver quelqu’un qui cumule toutes ces casquettes. Il n’a pas peur d’expérimenter de nouvelles choses, ni de travailler pour des groupes qui ne correspondent pas forcément avec ce qu’il a déjà fait précédemment. Et pour ne rien gâcher il est super sympa.

Il devait tout juste avoir fini de travailler avec Faith No More sur Sol Invictus quand il est venu vous rejoindre au studio ?

En fait, on lui a même fait se bouger les fesses pour qu’il finisse au plus vite le mixage de Sol Invictus. On l’avait eu au téléphone et il nous avait dit "je pourrais être là pour le 25" "oui mais on a besoin de toi à partir du 15 !" "ok, je me magne alors..." (rires).

Qui a eu l’idée de ces petites pointes de musique électro qu’on entend sur certains des chansons de Us And The Night ?

C’est moi le coupable ! On n’était pas parti en se disant "il faut qu’on mette un max d’électro dans notre musique" comme c'est pas mal le cas dans les productions actuelles, mais simplement je me suis servi d’un logiciel pour faire en quelques sorte les démos des chansons : guitare, basse, batterie, j’ai programmé tous les instruments sur ordinateur et j’ai apporté ça en répétition aux autres en leur disant "allez-y, rajoutez vos parties là-dessus, pas besoin de reproduire exactement la même chose, faites votre truc". Et finalement ça rendait pas mal comme ça, alors on a gardé pour chaque titre les deux pistes en overdub sur la majeure partie de l’album.

Justement il y a un énorme beat électro en intro de The Broken, qui ouvre l’album. J’ai l’impression que vous avez fait ça de façon à faire peur 2 secondes aux auditeurs, du genre "oh merde, ils ne font plus du Rock maintenant !"

(Rires) C’est presque ça, oui ! On voulait faire quelque chose de différent et que les gens se disent "mince, c’est vraiment 3 Doors Down là ?!?".

I Don’t Wanna Know tranche beaucoup par rapport au reste de l’album, avec ses influences latines dans le riff et le rythme. Comment ça vous est venu ?

J’avais programmé un beat électro avec des bongos (il se met à le taper sur ses genoux « tacatacatac ») et on a eu une chanson pour laquelle on ne savait pas trop quoi mettre niveau batterie, j’ai sorti ça et ça collait plutôt bien.

Personne dans le groupe n’a des origines latines ?


Hmmm, non ! (rires)

Vous avez apporté aussi un touche et un son groovy sur votre nouvel album, avez-vous utilisé un matos différent par rapport à vos précédents disques ?


Non, on a vraiment utilisé les mêmes instruments, les mêmes amplis, beaucoup de mon matos. On a rien changé depuis l’album 3 Doors Down (NB : leur 4e album sorti en 2008), on a seulement déménagé le studio entre temps, mais c’est exactement le même matos. Ça doit venir de la façon dont on a enregistré et peut-être, paradoxalement, de l’usage qu’on a fait de l’ordinateur sur ce disque (rires).

Vous avez mis en ligne la vidéo de In The Dark il y a quelques jours, un clip plutôt badass avec RJ Mitte (NB : Walter White Jr dans Breaking Bad) et une Dodge Challenger, c’est vous qui en avez eu l’idée ?

Non, en fait on a envoyé la chanson à une quinzaine de réalisateurs afin qu’ils nous expliquent la façon dont ils voyaient les choses. Et on a eu Magnus Jonsson et Martin Landgreve de Gaucho Film qui nous ont apporté leur projet avec déjà RJ Mitte, qui était chaud bouillant, pour jouer dedans. Bon, on leur a dit oui tout de suite sans une hésitation (rires). Un putain d’acteur, une voiture qui déchire, que demander de plus !

L’album est une succession de "feel good songs", et je pense en particulier à la chanson Us And The Night. Pourquoi ne pas avoir fini l’album avec elle et avoir placé une ballade en conclusion ?

On voulait que l’album soit constant dans son ambiance avec seulement de la douceur sur la fin. Pour Us And The Night, étant la chanson titre, on ne voulait vraiment pas la placer à la toute fin de l’album, car on sait que maintenant, avec le streaming notamment, les gens n’écoutent plus les albums jusqu’au bout, ils écoutent les 4 ou 5 premières et arrêtent à la première baisse de régime. C’est dommage mais c’est comme ça.

Vous avez une vingtaine de dates de prévues aux États-Unis, est-ce que vous avez déjà prévu quelque chose pour la France ?

On est en train de travailler sur une vraie tournée européenne qui devrait avoir lieu en octobre 2016, mais rien de confirmé pour l’instant.

Est-ce que vous referez une tournée acoustique comme vous aviez pu faire en 2013-2014 ?

Oui, j’en ai vraiment envie ! On s’est éclaté à faire ça et c’était vraiment très simple, très chaleureux, d’être assis face à son public. J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup plus d’échanges entre le groupe et le public dans cette configuration là. C’était génial.

Beaucoup de groupes disent que c’est compliqué d’arranger des chansons "électriques" pour les faire sonner comme il faut en acoustique, ça a été le cas pour vous ?

Pas du tout, ça s’est fait tout seul ! Ça nous a même surpris lors de la première répétition (rires). On a joué les chansons comme on avait l’habitude faire, en utilisant simplement des guitares acoustiques à la place de nos guitares électriques et c’était parfait, sans rien avoir à changer.

Comment c’était que de jouer au Hellfest en 2013 ?

Effrayant !!! (rires) On était très certainement le groupe le plus soft de toute la programmation cette année là, c’était dingue. Krokus avait joué juste avant nous, je suis ultra fan de ce groupe donc j’étais allé les voir sur scène et en repassant en backstage, j’avais encore du mal à croire qu’on allait jouer juste après eux. Et après nous : Papa Roach, Down, Coal Chamber. Oui, c’était vraiment flippant ! (rires)


Brad Arnold et Justin Biltonen lors du Hellfest 2013

Est-ce que c’est une chance ou une malédiction d’avoir eu un tel succès, dès votre premier single, avec Kryptonite ?

C’est un peu des deux mais c’était vraiment une chance ! Notamment quand nous jouons dans des endroits comme le Hellfest : nous ne sommes pas un groupe de Metal, donc une bonne partie du public s’en foutait très certainement de nous voir sur scène, mais au moment de jouer Krytonite, les gens ont vraiment bien réagi ! Cette chanson sert de catalyseur en quelque sorte, pendant nos concerts elle met tout le monde d’accord pendant, au moins, 5 minutes (rires).

As-tu une explication à ce succès éclair dès le premier album, même si le groupe existait depuis déjà 4-5 ans quand vous l’aviez sorti ? C’est votre maison de disque qui avait bien bossé niveau promotionnel derrière ?

Avec le recul on ne sait toujours pas vraiment comment c’est arrivé (rires). C’était la bonne chanson au bon moment, certainement. Après c’est vrai que notre label a bien bossé, et le fait toujours bien puisqu’on est toujours chez eux après tout ce temps.

Vous êtes très connus aux États-Unis, mais ce n’est pas vraiment le cas en France, qui est un pays avec une culture rock très pauvre. Ça doit être étrange du coup de venir dans un pays comme ça pour faire parler de vous ?

Oui, c’est assez amusant et ça te permet surtout de garder les pieds sur terre, ça te rappelle d’où tu viens, tout le travail qui a été fait pour en arriver là... C’est un vrai défi de devoir remettre ça à chaque fois, mais on adore ça !

Vous devez jouer aussi dans de plus petites salles par rapport à celles dans lesquelles vous jouer d’habitude ?

Oui, mais je préfère jouer dans de petites salles en Europe car j’ai l’impression qu’ici le public déploie autant d’énergie qu’un stade aux États-Unis. Du coup, c’est une chance qu’on arrive à remplir de grandes salles chez nous (rires).

Vous aviez joué au Bataclan en 2012, j’imagine que les attentats ont dû vous remuer. Avez-vous prévu de vous y rendre avant votre départ ?

On aurait aimé, mais malheureusement le timing est trop serré, on est arrivé ce matin et on repart dès la fin des interviews. Ce concert était le dernier de notre tournée européenne cette année-là, on en garde un excellent souvenir. Quand on a vu les infos le 13 novembre, ça nous a vraiment touché comme ça a pu toucher toute la communauté Rock à travers le monde entier, on s’est senti tous concernés. J’y pense tous les jours. Et si on en a l’occasion, c’est là que nous reviendrons jouer quand nous repasserons en concert à Paris.

Vous avez créé une association caritative, The Better Life Foundation, qui vient en aide aux enfants. Qu’avez-vous prévu comme évènements pour 2016 ?

On est en train de préparer notre concert de soutien annuel, ça sera le treizième, et cette année on va devoir le déplacer de Tunica dans le Mississippi vers Charlotte en Caroline du Nord, où on a trouvé une salle plus grande, car ça prend de l’importance chaque année. On choisit nous-même comment est dépensé chaque centime au sein de cette association et on cherche à rester le plus transparent possible car il y a eu tellement de scandales aux États-Unis avec de telles structures qui faisaient n'importe quoi avec l'argent récolté. Il n’y a que les factures des téléphones portables du directeur de la fondation et de son assistante qu’on ne vérifie pas (rires).

J’ai vu que vous organisiez souvent des tombolas ou des ventes aux enchères avec des objets collector à la clé (guitare de Paul Stanley de Kiss...). Comment vous vous débrouillez pour obtenir tout ça ?

C’est le boulot du directeur, il passe beaucoup par internet pour contacter des groupes pour demander à récolter des objets en fin de tournée notamment. Ce qui est cool, c’est que les groupes jouent le jeu et acceptent presque tout le temps. On a aussi des équipes sportives qui nous soutiennent et nous offrent des pièces d’équipements (casque de football américain...) dédicacées.

C’est encore facile de nos jours de vivre de la musique aux États-Unis ? Je veux dire, on a toujours l’image de l’American Dream.

C’est très difficile, surtout que c’est un pays immense. Si vous voulez vous faire connaître, il n’y a pas de secret, il faut faire tournée sur tournée sur tournée et ne pas oublier de passer partout. Comme tu dois certainement le savoir, il est maintenant impossible de vivre uniquement de la vente de ses albums, le streaming ça ne rapporte rien, il faut donc faire des concerts et vendre du merchandising. Et même pour le merch, ça devient de plus en plus compliqué. À tous les niveaux de toute façon, l’artiste est toujours le dernier à être payé, tous les autres passent d’abord : l’agent, le booker, le promoteur... Je n’aimerai pas être à la place des groupes qui débutent aujourd’hui.

Pour finir, ça m’intéresserait d’avoir ton sentiment sur les élections présidentielles qui se profilent aux États-Unis, avec les primaires qui ont lieu actuellement.

Je suis très inquiet. Vraiment. Je n’ai pas de favori, car ils ont tous des défauts, mais là ça commence à devenir flippant, j’ai peur pour l’avenir de mon pays.

Grum (Mars 2016)


Merci à Roger et Replica Promotion pour nous avoir organisé cette entretien.
Merci à Gibson France pour leur accueil.

Partager :
Kindle
A voir sur Metalorgie

Laisser un commentaire

Pour déposer un commentaire vous devez être connecté. Vous pouvez vous connecter ou créer un compte.

Commentaires

Pas de commentaire pour le moment