Rob Cavestany (Death Angel)

par Grum (29/01/2014)

Alors que Death Angel vient de sortir en octobre dernier son 7e album, le 4e depuis sa reformation, nous avons pu nous entretenir avec Rob Cavestany (guitare) à propos des conditions extrêmes dans lesquelles cet album a vu le jour et aussi de leur passage au prochain Hellfest... Et c'est d'ailleurs lui qui plaça le premier mots :

Sympa ton t-shirt !

Tu connais ce groupe ? (NB : je portais un t-shirt Dr Living Dead).

Non.

Ils sont suèdois et font un crossover thrash qui fait beaucoup penser à Suicidal Tendencies.

J’adore Suicidal Tendencies, je jetterai une oreille sur ce qu’ils font.

D’ailleurs ils étaient au Hellfest en 2013, et vous, vous avez été annoncés officiellement pour le Hellfest 2014…

OUI !!!

En 2012 vous y aviez joué en intégralité votre premier album, The Ultra-Violence. Est-ce qu’on peut s’attendre à quelque chose de spécial pour cette année ?

Je ne pense pas qu’on préparera quelque chose de particulier à proprement parler, mais il faudra s’attendre à beaucoup de chansons du nouvel album. On prend notre pied à jouer nos nouveaux titres, en partie justement à cause de la nouveauté, et il faut assurer la promo de l’album. Ça coule de source.

En 2012 il y avait pas mal de groupes de Thrash à l’affiche du Hellfest, vous avez dû y retrouver des vieux potes du coup ?

Oui, il y avait Exodus ! Il y avait qui d’autres ?

Il y avait Sacred Reich

Ah oui ! On les a croisés il y a quelques années, mais on ne s’est jamais trop parlé. Par contre on traine beaucoup avec Exodus et si on se retrouve en tournée ensemble, ça finit souvent mal (rires !)

Sur votre précédent album, Relentless Retribution, il y avait beaucoup d’éléments propre au Metalcore, avec le chant clair sur Claws In So Deep, les choeurs sur Truce ou Relentless Revolution, les riffs typiques et les moshparts sur Into The Arms of Righteous Anger… Est-ce que c’était de la « faute » de Jason Suecof, votre producteur ?

Peut-être un peu, mais pas entièrement. C’était un truc qu’on voulait faire à ce moment là, incorporer des éléments de metal moderne dans notre musique.

Avec The Dreams Calls For Blood, vous avez fait un album thrash à cent pourcents, vous vouliez aboutir à un album sans concession ?


Exactement ! Avec cet album c’était notre but, de coller au plus près de notre style.

Vous avez repoussé vos limites pour ce qui est de la technique pure sur cet album.

Oui, ça doit être le résultat naturel qui découle des tournées qu’on a faites pour Relentless Retribution et des groupes avec qui ont a été en tournée : Kreator, Exodus, Testament, Anthrax, Sepultura… On a été pris au milieu de plein d’influences thrash. A côté de ça, il y a aussi le fait de rejouer The Ultra-Violence qui nous a replongé dans le bain. Donc en combinant tout ça, il était clair pour nous qu’il fallait qu’on fasse, comme tu as justement dit, un album de thrash sans concession.

Ce n’est pas trop chaud du coup, d’avoir élevé le niveau ?


C’est la conséquence logique de passer tout son temps en tournée, tu joues tous les soirs, tu rencontres des musiciens d’autres groupes, d’autres horizons, ça peut t’inspirer de nouvelles influences et te donner également envie de progresser dans ton jeu, car les autres sont si bons que tu n’as pas envie d’être moins bon qu’eux (rires). Avec ce nouvel album, je savais que mes amis qui sont dans le milieu de la musique, notamment dans d’autres groupes, Gary Holt (Exodus), Andreas Kisser (Sepultura)…, seraient impressionnés. Je voulais que leur sentiment en écoutant The Dreams Call For Blood soit « putain c’est une tuerie ». C’était ma motivation principale pour sortir le meilleur de moi sur cet album, ce fut dur, on a vraiment repoussé nos limites. Je pense que ça s’entend sur l’album, ce qui est cool ! Et au final, ça a été le cas, j’ai reçu pas mal de messages sympas de mes potes pour me dire qu’ils avaient vraiment apprécié The Dreams Call For Blood, donc c’est le pied !

Vous avez fonctionné différemment pour la composition de cet album ?

Oui, et pourtant on a gardé le même line-up et on s’est entouré des mêmes techniciens et producteurs. La principale différence vient du fait que j’ai tout composé alors que nous étions en tournée, alors que Relentless Retribution au contraire avait été composé à la maison, au calme. Là j’étais à l’arrière du bus ou dans les loges à écrire et composer tout au long de la tournée. De ce fait, j’étais dans un état d’esprit totalement différent, car tu es un peu une personne différente quand tu es en tournée. Je n’avais jamais fait ça pour aucun de nos albums ! L’autre différence est que nous sommes partis en studio immédiatement après la fin de notre tournée. Du coup le résultat s’en ressent, car plus le temps passe entre le moment où tu composes et le moment où tu enregistres, plus il y a de chance que ton état d’esprit ait changé entre temps, et que la façon de jouer ce que tu as composé ne soit plus la même non plus. En particulier pour un style comme le thrash où tu as besoin d’être féroce, agressif, intense et puissant. Donc le fait d’enchainer l’enregistrement cinq jours après la fin de la tournée a fait qu’on avait encore l’énergie et l’état d’esprit de la « scène ». J’ai pris le temps de laver mon linge sale chez moi, dire à nouveau au revoir à ma famille et j’ai rejoint les autres au studio…

Tu devais être sur les rotules !


Carrément, mais en même temps tellement excité, car on savait ce qui nous attendait. C’était comme si on était toujours en tournée d’ailleurs, tout le monde était au taquet, on était confiants et à l’aise. C’est pour ça que je pense que notre album n’est pas seulement les titres que nous avons écrits plus la production de Jason Suecof et son apport sur notre son, mais également l’émotion que nous lui avons insufflée par la manière dont nous l’avons enregistré. Ça a été très intense pour nous, très « heavy », nous ne pourrions pas faire ça tous les jours ! (rires).

C’est une sacrée responsabilité d’être à la fois le compositeur principal du groupe et le co-producteur de l’album ?

J’ai été pas mal sous pression pendant des semaines, mais ça ne m’a pas empêché d’apprécier chaque moment passé à faire cet album et de mettre dedans tout ce qu’on pouvait, car une fois que c’est terminé, tu ne peux plus revenir en arrière et faire des modifications. On a apporté beaucoup de soin au son de l’album, car ça nous paraissait important. Le précédent album avait marqué un tournant pour Death Angel, avec un important changement de line-up (NB : le bassiste et le batteur originels avaient quitté le groupe juste avant l’enregistrement), mais on voulait malgré tout continuer à déchirer, c’est ce qui nous faisait avancer à ce moment là. Quand l’album est sorti, il a été plutôt bien accueilli par la critique, puis nous sommes partis en tournée. Tout ça a fait que pour The Dreams Call For Blood, nous ne voulions pas donner l’impression que nous avions passé notre temps à nous la couler douce. Nous voulions au contraire que les gens se disent « putain, c’est leur album le plus puissant depuis The Ultra-Violence ». Le contrat est rempli apparemment d’après ce que j’ai pu lire ou entendre (rires). Ça nous fait extrêmement plaisir d’y être arrivé, ça n’a pas été simple de retrouver la même intensité après toutes ces années, mais nous voulions montrer que c’était possible de le faire !

En parlant de The Ultra-Violence, vous avez célèbré ses 25 ans en sortant une réédition qui a été très rapidement en rupture de stock. Avez-vous prévu une ré-réédition ?

Oui, c’est prévu pour 2014, mais là on s’occupe avant tout du nouvel album.

Il y a un truc qui est devenu à la mode : beaucoup de groupes, dont vos potes d’Exodus avec Let There Be Blood, réenregistrent avec leur nouveau line-up d’anciens titres ou carrément d’anciens albums, ça vous a traversé l’esprit de faire pareil pour The Ultra-Violence ?

Non, désolé ! Ce qui est fait est fait, et a été fait comme il fallait au moment donné, avec tous les petits défauts qui lui donnent sa particularité et font que ça sonne bien !

Tu n’es pas comme George Lucas avec Star Wars qui rajoute de nouveaux effets spéciaux partout.

Pour moi, tu ne peux pas refaire le passé, point final ! C’est comme une capsule temporelle figée dans le temps, peu importe ce que tu fais, à quel point tu es doué et tout, jamais tu ne pourras atteindre le niveau de l’original. Je le sais et c’est pourquoi je n’ai pas envie de me lancer dans un truc qui sera au final un échec ! (rires) On ne peut pas le refaire ! Si quelqu’un fait une reprise d’une de tes chansons, c’est bien s’il apporte sa touche personnelle et de la nouveauté… Mais si c’est toi-même qui fais une reprise d’une de tes propres chansons, ça devient une perte de temps et d’énergie qu’il vaudrait mieux consacrer à la composition d’un nouvel album.

Concernant l’artwork des deux derniers albums, est-ce que c’est Jason Suecof qui vous a suggéré Brent Eliott White ? (NB : il s’occupe entre autre de l’artwork de Trivium, dont Jason Suecof est également producteur)

Non ! En fait c’est notre manager qui l’a contacté. On m’a montré ses dessins et j’ai tout de suite adoré ce qu’il faisait, son style. Ça fait deux fois qu’il bosse pour nous et j’aime énormément les pochettes qu’il nous a dessiné. Celle de The Dreams Call For Blood est ma préférée.

Rodrigo y Gabriela font une apparition sur Claws In So Deep sur votre précédent album, comment s’est passé cette rencontre ?

Ah, ils ont l’air d’être très populaires en France et en particulier à Paris, ils m’en parlent tout le temps ! Du coup ça me fait plaisir de jouer ici, même si on n’a pas forcément le même public. Quand Rodrigo a reçu notre nouvel album, il m’a envoyé des sms au fur et à mesure qu’il écoutait les chansons pour la première fois pour me donner ses impressions, il l’a vraiment aimé. Voila encore un exemple de personne que je connais et que je voulais impressionner…  Mais c’était quoi ta question déjà ? (rires).

Comment ça s’est passé pour leur featuring sur le précédent album ?

J’ai fait leur connaissance par l’intermédiaire de mon ami Alex Skolnick de Testament. Je savais qu’il était pote avec eux et un jour où ils passaient en concert où j’habite en Californie, j’ai demandé à Alex s’il pouvait les contacter et leur demander s’ils avaient déjà entendu parler de Death Angel. Il m’a rappelé peu de temps après et m’a dit que Rodrigo était un grand fan. Donc on a pu organiser une rencontre après leur concert, on a pas mal discuté, on est resté en contact et on a fini par devenir amis. Lorsqu’on était en train de bosser sur Relentless Retribution, Rodrigo m’a appelé et m’a dit, sur le ton de la rigolade : « j’ai entendu que vous étiez actuellement en studio, alors comment ça se fait que tu ne nous ais pas encore invité à venir jouer avec vous ? » « tu me fais marcher ? » « bah, qu’à moitié ! » « ok, si tu y tiens vraiment, fais toi plaisir !!! ». On en a discuté un peu, et puis un jour m’a envoyé ce qu’ils avaient fait. En l’écoutant j’en avais presque les larmes aux yeux tellement c’était beau, et ça s’intégrait parfaitement dans l’album ! C’est une très grande fierté pour moi d’avoir eu leur participation sur un de nos disques.

Beaucoup de coups durs ont frappé le groupe depuis ses débuts, l’accident de bus en 1990 qui a conduit à la séparation du groupe, plus récemment  Andy Galeon et Dennis Pepa qui ont quitté le groupe après Killing Season… Comment peux-tu rester autant dévoué à la musique malgré tout, tu as ça dans le sang ?

C’est un peu ça oui ! Et puis il y a mes « frères » du groupe qui sont avec moi, et même si certains sont partis en laissant un grand vide, il faut bien continuer à avancer, mettre ça de côté et se replonger dans la musique. La musique est quelque chose qui se nourrit des bons comme des mauvais moments. Si je n’avais pas la musique et mon groupe dans ma vie, qu’est ce que je ferais d’autre ? (rires). Pour moi, c’est à la fois une bénédiction et une malédiction, c’est quelque chose que j’essaie d’accepter, c’est ma trajectoire dans la vie. Il y a des gens qui viennent, des gens qui partent et heureusement il y a en plus qui restent que ceux qui partent, parmi mes amis, ma famille, qui continuent de me soutenir alors que je suis tout le temps parti soit en tournée, soit en studio. Être dans un groupe ça te bouffe toute ton énergie, mais ça fait partie du jeu.

Sans le concert “Thrash of the Titans”, est-ce que tu penses que Death Angel se serait quand même reformé, plus tard ?

Je ne crois pas, car ce concert a vraiment été le déclic…

On peut dire que c’est une bonne chose…


Oui !

Même si malheureusement c’est en raison de la maladie de Chuck Billy (Testament) que ce concert a eu lieu…

(Rires) C’est vrai que présenté comme ça, c’est vraiment bizarre comme circonstance ! Mais justement, c’était vraiment bien que la reformation de Death Angel soit due à une bonne cause comme celle-là, cette reformation n’était pas une décision égoïste, on ne le faisait pas pour nous, mais pour aider un pote ! C’était je pense un bon signe pour le groupe de renaître dans ces conditions

À peu près vers le moment où vous vous êtes reformés, il y a eu l’émergence de la scène Metalcore et le début du “revival” Thrash. Quel est ton regard sur cette scène, alors que certains membres de ces groupes n’étaient même pas encore nés à la grande époque ?

C’est génial, j’adore ça ! Généralement, j’écoute surtout de la vieille musique, les trucs qui ont été fait avant moi quoi. Dans les trucs récents il y a souvent un manque d’originalité. Mais je ne sais pas ce que c’est, d’être dans un nouveau groupe de nos jours, ça ne doit pas être simple de sortir du lot après tout ce qui a été fait avant. A l’époque où on a commencé, on s’est contenté de faire notre truc et heureusement on avait un son original ! Il faut bien un début à tout, et à partir du moment où les mecs jouent du thrash et participent à promouvoir ce style, notre style, ça le fait. Plus on est de fous, plus on rit, en quelque sorte. Et c’est cool de voir autant de personnes s’intéresser à nouveau au thrash !

Vous étiez très jeunes quand vous avez débuté avec Death Angel, est-ce vous vous moquez de vos potes  de l’époque en leur disant combien ils sont vieux ?

(Rires) NAN !!! De toute façon nous aussi nous faisons partie de la génération old-old-school comme eux, ça ne fait plus de différence maintenant. Bon, ok, parfois les années se font sentir pour certains au moment de monter sur scène, mais ce n’est pas une raison pour se foutre de leur gueule (rires).

De cette époque bénie des années 80, est-ce qu’il y a des groupes avec lesquels vous trainiez qui n’ont pas réussi à percer mais qui aurait mérité de le faire ?

Difficile question… Je pense que les groupes de l’époque qui méritaient d’y arriver ont tous réussi ! Là j’arrive pas à me souvenir, j’ai des problème avec ma mémoire à long terme (rires). Ça serait une bonne question à poser à Ted (Aguilar, guitare) ou Will (Caroll, batterie), ils ont des mémoires d’éléphants.

Pourquoi ta guitare signature chez Jackson a mis autant de temps à être disponible auprès du grand public, depuis 2009 seulement, alors que tu l’avais conçu dès la fin des années 80 ?

En fait elle était disponible, mais il fallait passer par la custom-shop. Il n’y avait pas une production industrielle, c’était seulement sur commande et c’était assez cher. Je pense que c’est après la reformation du groupe que le modèle a connu du succès, les gens me voyaient jouer dessus, donc ça a aidé.

Quand tu n’es pas en tournée avec Death Angel, j’ai vu que tu donnais des cours de guitare, c’est important pour toi, de transmettre ce savoir ?

Bien sûr ! Mais le groupe m’occupe déjà tellement que je ne vais pas en plus me tuer à la tâche avec des cours à donner (rires). Donc c’est seulement quand j’ai vraiment du temps libre, pour le plaisir. Car c’est très grisant cette sensation d’être une sorte de missionnaire qui répand la bonne parole. C’est gratifiant de donner le goût pour la musique à des jeunes, et ça l’est encore plus quand ils se mettent à jouer très sérieusement, montent leur propre groupe et commencent à avoir du succès, et que tu as apporté ta contribution à cette réussite.

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