The Old Dead Tree
par lelag (29/12/2013)
A l'occasion du Hellfest 2013, Metalorgie a pu poser quelques questions à Raphael Antheaume, batteur de The Old Dead Tree, réunis ici pour la première fois depuis cinq longues années, l'occasion de parler du bon vieux temps, et des perspectives pour la suite.
Salut Raphael, merci beaucoup pour cette interview, tout le monde a l'air d'être sur le pied de guerre niveau interviews, vous avez l'air pas mal occupé, je vais commencer par les questions classiques qu'on va vous poser cent fois ce week end, et après promis j'essaierai de vous poser des questions qu'on vous a pas posées ces derniers temps. En 2009 le groupe split, pas mal de tensions, des divergences artistiques, etc, si je me trompe pas il y avait un quatrième album en préparation, est-ce qu'il est toujours en pause, ou vous avez prévu de le dépoussiérer et de reprendre là où vous vous étiez arrêtés ?
Actuellement c'est pas prévu du tout, après je peux rien te garantir, ni dans un sens ni dans un autre, pour l'instant on est parti sur des concerts, on se concentre sur un répertoire, on avait travaillé un nombre de morceaux, certains de façon très approfondi, ils sont toujours là, mais on sait pas ce qu'on va en faire pour l'instant. Aujourd'hui on a pas prévu de rentrer en studio, voilà.
Bravo pour le concert, j'y ai assisté et j'ai trouvé ça (je dois pas être le seul) vraiment très bien, pas de stress, un concert qui venait du cœur, je sais pas ce que tu en penses.
Bah merci, mais on doit être de bons comédiens alors (rires). Parce qu'on avait beaucoup d'appréhension à remonter sur scène.
Pourtant j'ai trouvé que ça passait tout seul, tu sais, je regardais le public autour de moi et on sentait que les gens appréciaient énormément.
C'est vrai ? Bah ça fait super plaisir. C'est le premier concert depuis cinq ans, et pas des moindres, et on a oublié pas mal d'automatismes, des sensations qu'on avait oubliées, mais bon il y a des choses qui reviennent, ce sont des morceaux qu'on a pas complètement oubliés, et on se souvient de nos vieilles habitudes, ça revient au fur et à mesure tu sais. Mais si, je peux t'assurer qu'au début on avait pas mal d'appréhension à notre niveau, c'est une scène impressionnante, et on propose une musique, qui est pas décalée par rapport au festival mais c'est pas le groupe le plus extrême non plus, il y a des passages dans le show qui sont acoustiques, sans batterie, avec des voix très calmes, quand on entend d'autres groupes qui jouent à côté, ça fait toujours un peu bizarre de se retrouver là (rires). Donc ouais, pas mal d'appréhension à notre niveau, mais aussi beaucoup vis à vis du public, c'était pas évident.
Mais on a été agréablement surpris pas la réaction du public, ça s'est très bien passé comme tu disais.
J'entendais des personnes autour de moi, certains vous connaissaient et étaient très contents de vous retrouver, mais d'autres qui ne vous connaissaient pas ont été agréablement surpris. La tente était vraiment pleine à craquer en grande partie à cause de la pluie, et la réaction était vraiment sincère. Une bonne découverte en somme !
Alors c'est le premier festival où on souhaite tous qu'il pleuve, c'est formidable (rires). C'est aussi le but des festivals tu sais, qu'on soit groupe ou festivalier, c'est de découvrir des groupes qu'on irait pas forcément voir à un simple concert, donc on est ravis. Si on a pu toucher des gens qui viendraient pas forcément nous voir d'habitude, c'est génial, c'est en partie pour ça qu'on vient. Et si il faut qu'il pleuve pour ça, bah tant mieux ! (rires).
Beaucoup d'émotions non ?
Oh oui, j'ai cru que certains allaient chialer pendant le concert, t'imagines même pas le plaisir qu'on a eu pendant le show.
Si je me trompe pas, ce concert au Hellfest est le premier d'une tournée célébrant le dixième anniversaire de The Nameless Disease, comment ça s'est passé, vous vous êtes revus et avez décidé ça sur le tas, ou c'était une envie de remonter sur scène qui vous démangeait ?
Exact, c'est le tout premier. C'est un petit peu les deux, c'est une longue histoire. On a eu quelques divergences artistiques, on s'en est jamais caché, mais on est toujours restés très proches humainement tu sais, ce sont des liens qui vont au delà de la musique entre nous, je parle autant des musiciens que de l'équipe technique, qu'on a autant de plaisir à revoir. Donc on se voyait toujours de temps en temps. Pour faire des restos, des cinés, ce que font les amis en somme, et puis au fur et à mesure on s'est dit on se voit le samedi et puis le dimanche on va répéter non ? De fil en aiguille on s'est remis à jouer ensemble, sans prétention aucune, et puis après deux trois essais, on s'est dit ce serait pas mal de refaire un concert un de ces jours. Pourquoi pas. On a proposé à notre ancien manager d'essayer de voir s'il pouvait nous gérer ça, il nous a dit ok, et nous a re-contacté quelques jours plus tard en nous disant : "bon bah j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle, la bonne nouvelle c'est que j'ai un concert, la mauvaise c'est que j'en ai plusieurs (rires). Qu'est-ce que vous voulez faire les gars ? J'en prends un et je refuse les autres ?" On s'est dit, quitte à y aller, autant faire ça à fond. Donc c'est un peu les deux, un concours de circonstances et on allait pas refuser un truc pareil.
Pendant ces cinq années de retraite vous faisiez quoi, d'autres projets persos ? Musicaux ou autres ?
Certains se sont consacrés à la vie de famille, avec un certain nombre de naissances, d'autres ont repris des carrières plus "sérieuses" (rires), puis niveau musique on a jamais vraiment arrêté, Nicolas (guitariste) a monté un autre groupe, Gilles (bassiste) aussi, Manuel (chant / guitare) a participé à d'autres projets, pas forcément en tant que chanteur et moi pas forcément dans le même contexte, c'était pas du métal, mais voilà on a jamais abandonné la musique, c'est quelque chose qui nous quittera jamais. Mais malgré tout on avait pas les mêmes sensations qu'on a en jouant dans un groupe de métal, en faisant des concerts régulièrement tu vois ? Il y avait quand même une certaine envie de remettre ça, et de remettre ça avant d'être vieux tant qu'à faire (rires).
En tout cas ça fait rudement plaisir de vous revoir les gars, ça fait quoi de retrouver le public après quatre années de silence ?
C'est quelque chose de difficilement rationnel, premièrement comme je te disais on savait pas trop comment on allait réagir, ni comment le public allait réagir, la réaction du public a fait rudement plaisir, on a revu des têtes qu'on connaissaient, des gens qui étaient venus à des concerts il y a très longtemps, ils nous ont dit "je voulais absolument vous revoir", des gens qui attendaient pendant qu'on installait le matériel, ça fait super plaisir, on est pas déçu.
Est-ce que le fait d'avoir joué au Hellfest vous a ouvert la porte pour d'autres concerts, ou même d'autres festivals en Europe ?
Effectivement, c'est une belle locomotive, et ouais c'est indéniable, un gros coup de pouce.
Goth Metal, Death Progressif, finalement vous brassez assez large niveau genres, c'est quoi vos influences à l'heure actuelle ? Des trucs en particulier ?
Ouais, plein, mais c'est pas forcément de la musique actuelle, sans dénigrer ce qui se fait actuellement, au contraire, mais on est très influencés par la musique des années 60-70, je pense notamment aux Beatles et à Pink Floyd, qu'on aime tous vraiment énormément, et puis de gros incontournables pour nous, sans aller dans la chronologie, il y a Paradise Lost, My Dying Bride (d'ailleurs ils étaient juste à coté de nous quand on s'installait, ça nous a fait extrêmement plaisir), les débuts de Muse, Down, enfin vraiment plein de choses très différentes, et c'est ce qui fait que notre musique est un peu particulière tu vois ? Faut pas se focaliser, il y a dans toutes les époques des choses formidables, même les années 80 (rires), il y a des choses qui ont mieux vieilli que d'autres, de très bonnes inspirations dans chaque époque.
L'industrie a énormément évolué, Internet n'y est pas pour rien, ça vous inspire quoi ce qui se passe actuellement ?
On constate que l'apparition des réseaux sociaux a changé un peu la façon dont on communique avec le public, nous on utilisait énormément les forums à l'époque, on jouait beaucoup là dessus, et on constate qu'aujourd'hui ils deviennent de plus en plus inutiles, on constate que le format de diffusion a aussi radicalement changé, aujourd'hui les gens préfèrent payer 1.29 euros pour une sonnerie de téléphone qui va durer 20 secondes que pour un morceau qui va durer cinq minutes, c'est fou. Une sonnerie de téléphone coûte très souvent plus cher qu'un morceau, c'est bizarre tu vois, l'argument des maisons de disque qui t'assure que ça va pas marcher parce c'est payant, il tombe, on le voit bien. Malgré tout, ils s'accrochent à des branches, sans jeu de mots parce que je joue dans The Old Dead Tree, c'est un combat complètement rétrograde, ils paient le défaut d'adaptation, ils essaient de rattraper le retard mais il faut s'adapter à la réalité des choses... Certaines personnes acceptent de diffuser librement leur musique, d'autres non, on a pas vraiment d'opinion là dessus, tout est possible, la seule chose c'est de s'adapter à son public.
Avec du recul ç'aurait changé quoi d'avoir les outils dont on a à disposition aujourd'hui (myspace, twitter, facebook, bandcamp, spotify, etc...) à l'époque où vous avez sorti Blossom ?
Effectivement ça a bien changé, aujourd'hui je pense qu'il n'y a plus beaucoup de gens qui tractent, comme on a pu le faire à nos débuts, plus de personnes qui arpentent les rues pour distribuer flyers et autres, les rues de Paris à l'époque on les a fait en long en large et en travers, on essayait d'aller à tous les concerts, de distribuer à un maximum de gens, ça se faisait à la sueur de notre front. Aujourd'hui les groupes préfèrent passer du temps à créer des profils sur Facebook pour diffuser et surtout augmenter artificiellement le nombre de likes, tout le monde le fait, après c'est juste différent, et c'est difficile de se projeter sur ce qui aurait pu se passer à l'époque avec les outils d'aujourd'hui. Peut être qu'on aurait jamais percé, peut être que ç'aurait été mieux, je préfère pas y penser (rires).
Vous avez failli être ultra célèbres à l'international un peu avant Gojira, vous commenciez à avoir un peu de renommée, et aviez vraiment un gros potentiel à l'époque, vous pensez quoi de la scène française aujourd'hui ? Est-ce qu'on est toujours considérés comme un pays en retard niveau métal ?
C'est difficile de répondre aujourd'hui, je pense que Gojira a beaucoup œuvré pour rattraper le retard, par contre je peux te garantir qu'il y avait effectivement un gros retard. Sur la tournée 2008 on a eu la chance de jouer dans pas mal de pays étrangers, et après le concert on nous disait "ça alors on pensait pas qu'un groupe français était capable de faire ça"... T'imagines même le nombre de fois qu'on s'est pris la remarque (rires), du genre "maintenant on sait que les français ils savent jouer", techniquement comme artistiquement, donc ça veut bien dire qu'on avait un certain retard à ce niveau là. Après si on a pu un tant soit peu œuvrer dans ce sens là, on en est ravis mais je pense que c'est un retard qui est en train de se combler petit à petit.
Et concernant notre petit succès, avec du recul c'est difficile de comprendre ce qu'on aurait pu faire de plus, tous nos efforts étaient dirigés dans le groupe à cette époque, on est très fiers de ce qu'on a pu faire, mais il y a toujours une grande part d'irrationnel là dedans. La création artistique, le milieu de la musique, c'est complètement incontrôlable. Moi personnellement je pense pas qu'on puisse avoir de regrets à ce niveau là, on peut toujours rêver de faire mieux, de cartonner, mais se contenter de ce qu'on a fait c'est déjà pas mal. On a la chance de vivre des moments comme aujourd'hui, et je souhaite ce genre de chose incroyable à tous les autres groupes.
Je sais qu'il y a eu pas mal de tensions dans le groupe à une époque et que vous revoir pour de bon sur la scène j'imagine que ça va être compliqué, est-ce que la solution c'est pas de changer de style ? De faire du Hip-Hop ou du Dubstep comme Korn ?
(rires) On aurait pas cette prétention là... nous. (rires)
La tendance actuelle est à la reformation de vieux groupes, sans dire que vous êtes vieux, loin de là, vous pensez quoi de groupes comme Rage Against The Machine, System Of A Down, Carcass et bien d'autres qui se reforment juste pour un ou deux concerts et puis plus rien ?
C'est tout à fait notre cas, la seule différence c'est que tout ce qu'on fait, c'est entièrement bénévole, on a jamais gagné des millions mais là ce qui nous anime c'est vraiment de rejouer notre musique, de la proposer à des gens qui n'avaient pas forcément eu l'occasion de nous voir, et de pas laisser un goût d'inachevé. Ces groupes là que tu cites ont des envergures financières tellement importantes, nous ça se résume à zéro euros.
Là par exemple aujourd'hui vous faites ça bénévolement ?
Alors je dis pas que le groupe joue gratuitement, (rires), je dis que les musiciens sont bénévoles parce qu'on met tout l'argent dans la logistique, et l'équipe technique, pour la production du show. Les quatre musiciens prennent zéro euros.
Question plus personnelle, désolé, je sais que The Namelesse Disease est un album important pour le groupe, mais moi c'est plus Perpetual Motion que The Nameless Disease qui m'a marqué, je l'ai écouté tout le long du lycée...
Merde ça nous rajeunit pas ça (rires).
... et pour moi c'était vraiment un disque "hit machine", une chanson, un tube, il m'a vraiment beaucoup marqué. Est-ce que si je vous invite chez moi, vous me jouez l'intégrale de l'album dans mon salon ?
Avant toute chose on ira voir tes voisins (rires)... si ils sont sympas on les invitera ! On jouera, pendant la tournée qui suit des titres de Perpetual Motion, même si le concept c'est de jouer Nameless Disease en entier, pour l'anniversaire, on fera pas l’offense au public de jouer que ça, on panachera avec quelques titres de Perpetual Motion et Waterfields également.
Juste avant de venir je regardais la file d'attente pour les dédicaces, une bien belle file d'attente d'ailleurs, c'était comment ? Qu'est-ce que vos fans vous ont dit ?
Bah il y a deux profils :" enfin je peux vous revoir, j'ai attendu si longtemps, merci beaucoup", et le profil, comme tu disais tout à l'heure, qui ne connaissait pas, qui était là par hasard - merci la pluie (rires) - et qui a adoré, donc ça fait super plaisir.
Les interviews, les groupies en chaleur et les questions pourries ça vous manquait ou au contraire c'est un truc qui vous débecte aujourd'hui ?
Effectivement pour une reprise c'était intense, mais le groupe c'est un tout, et c'est quelque chose qui nous plaît beaucoup, pas de soucis.
Pas de projection plus loin que la mini tournée pour l'instant ?
Nan, pour le moment on se prend pas la tête, on fait notre truc et on verra plus tard. On en discutera dans le tour bus pendant la tournée.
Toi qui a connu la dernière tournée justement, qu'est-ce qui change par rapport à cette époque ?
Bah le contexte est différent, on a pas d'ambition autre que le concert du jour j, pas d'ambition à faire un meilleur concert que l'année précédente pour revenir l'année d'après avec une meilleure place sur le line-up, tu vois, aujourd'hui on se contente de ce qu'on a, on est là pour faire plaisir aux gens et pour se faire plaisir nous mêmes.
Le mot de la fin ?
Merci Metalorgie, et merci pour toutes les réactions chaleureuses qu'on a rencontrées tout au long de cette journée qu'on est pas près d'oublier.