Nesseria

A l'occasion de la sortie du premier opus de Nesseria, nous avons pu interviewer Julien et Jérôme suite à quelques échanges de mails : 

1/ Tout d'abord bonjour Nesseria. On s'était entrecroisé pour une interview déjà à la sortie du split avec Venosa. Lors de l'écoute de ce premier album, je dois dire que j'ai été estomaqué par la hargne et l’atmosphère noire de cet opus. Que s'est il passé depuis pour que votre son atteigne ce degré de violence ?

Julien : Tout un tas d’emmerdes en fait… On est passés par la maladie, les embrouilles personnelles, les problèmes de thune, les prises de tête… La Loi de Murphy à tourné à plein, et musicalement ça en forcément pris la teinte. On a composé ça la nuit, dans un appartement minuscule… Et ce n’est pas pour ça que les emmerdes se sont arrêtées pour autant.
Jérôme : Ahah en effet on a vraiment composé la nuit en plus ! Bon il est aussi clair qu'au delà de tout ce que Julien te raconte nous avons résolument décidé de composer une musique plus sombre car c'est un axe que nous voulions prendre depuis longtemps et ça colle bien a nos idées et au message que l'on veut faire passer. On était pas forcément assurés qu'elle le soit mais vu ta réaction je crois que c'est réussi donc...victoire !

2/ Initialement, le disque ne devait pas sortir sur Trendill mais sur The Spew. Comment s'est passé le changement ? Voyez-vous une différence par rapport à vos précédentes expériences au niveau de la gestion du groupe ou de certaines démarches ?

Parmi « les emmerdes qui ne se sont pas arrêtées » il y a eu cette baltringue, The Spew. On avait trouvé ce label italien, ça semblait marcher dans le bon sens… Et on lui a demandé une licence pour sortir une petite édition vinyle sur des petits labels DIY, puisque lui ne comptait pas en faire. Là il nous  réclame un prix qui rendait l’opération impossible. Ses réponses se sont mises à puer la prétention et l’agressivité.
Puis on à passé un accord avec Trendkill, son catalogue est nettement plus intéressant et on pourra communiquer correctement, je ne me fais pas de soucis.
Jérôme : ça l'histoire de Spew ce fut notre feuilleton de l'été...c'est allé assez loin, on se voyait déjà engager un avocat et aller au tribunal mais finalement ça c'est réglé sans effusions de sang. Depuis quelques temps on lorgnait sur Trendkill et au final on est chez lui je pense que c'est ce qu'il nous arrive de mieux au niveau des labels en France et on pense avoir trouvé quelqu'un en qui avoir confiance. L'avenir nous le dira.

3/ Vous nous aviez promis une "nausée permanente". C'est chose faite, j'ai clairement l'impression d'écouter un son plein de haine, proche des premiers Converge, sans tomber dans un grindcore parfois rébarbatif. Comment s'est passé cette évolution ?

Merci du compliment. On a souhaité être plus honnêtes qu’auparavant, et paradoxalement c’est passé par la recherche d’un vocabulaire plus approprié. Des accords, des structures…
Jérôme : avec Julien on a passé pas mal de temps a revoir nos partitions. Comme tu l'as dit l'album est plus sombre car nous avons révisé la façon de composer, les structures des morceaux ainsi que les harmonies, la façon d'agencer les riffs etc etc d'autre part la composition générale a été relativement plus spontanée qu'à l'accoutumée, du coup plus violente en un certain sens. Et l'état, l'ambiance dans lesquelles on se mettait participe un temps soit peu a tout ça.

4/ De fait, j’ai eu énormément de mal à rentrer dans le disque lors des premières écoutes. Tellement dense, peut être trop au final si on ne s’accroche pas. Est-ce voulu ?

On a remarqué cet effet roboratif qu’après l’enregistrement. C’est autant une satisfaction qu’un sujet à travailler. On souhaitait créer un « bloc » d’intensité, mais il sera peut-être bon de trouver quelques « respirations » dans nos futurs morceaux… Tout en conservant l’aspect extrême, ce sera un challenge intéressant à relever.
Jérôme : en un sens c'est bien que tu ais eu ce sentiment car on voulait faire un album vraiment agressif ce qui rejoins ta remarque sur le fait que ça peut sonner un peu comme les premiers Converge, mais avec le recul on voit où sont nos erreurs et il est évident que ça manque de respirations par moment. Je ne m'inquiète pas trop les prochaines compositions ne seront que meilleures !

5/ Vous avez un peu la haine contre tout ce qui vous passe sous la main si l'on en juge les paroles fournies avec le cd. Est-ce un exutoire ou simplement un constat d'une société actuelle, avec ses travers ?

Sur la société d’hier, d’aujourd’hui et certainement celle de demain ! Avec le temps on accumule d’avantage de déceptions, de raisons d’être écoeurés. C’est un fait, l’avenir ne nous réserve pas grand-chose et tout le monde s’en branle… On constate oui, on n’essaye pas de prêcher, on tourne juste le couteau dans la plaie.

6/ Je suppose que l'on vous posera régulièrement une question concernant "Les Filles De Dieu". Pourquoi ce morceau ? D'où vous vient cette idée ? Dans le même sens, êtes-vous croyants ou reniez vous aussi toute sorte d'appartenance à une quelconque religion ?

J’ai des passe-temps à la con, comme étudier la religion, lire les textes « sacrés ». J’y ai trouvé un monceau de bêtise, de misogynie (c’est le relevé présenté sur Les filles…), d’homophobie, de racisme… La bible, le coran, la torah, les textes fondateurs du bouddhisme… Tous à la même enseigne de la débilité crasseuse, et ce sont ces choses qui forment la base de notre société. Essayez de les lire, vous constaterez à quel point c’est laid et infiltré à tous les niveaux de nos vies. Essayez de lire l’apocalypse de Jean : un mauvais trip à la mescaline. Regardez quand il s’agit des femmes du prophète : parmi elles une gamine d’une dizaine d’années… Regardez le bouddha, à quel point il haïssait les femmes…
Vous pouvez aller jeter un coup d’œil sur atheisme.org si le sujet vous intéresse.
Jérôme : je me permet de compléter la réponse car j'ai composé les parties grattes pour ce morceau. A la base c'est juste un riff fait avec un delay en répète. En moins de deux heures tout était composé et ça donnait un nouvel aspect à l'album : on ne tombait pas dans la disto à fond et la double pédale mais malgré tout une ambiance très sombre s'en dégageait. Je le trouve encore bien malsain une fois le texte ajouté par dessus. On a fait pas mal d'essais pour les voix, on ne voulait pas d'un chant hurlé classique et quelque chose de parlé avec un effet c'est vite imposé. Sur le coup ça peut paraitre étrange mais on s'y fait vite.
Perso je ne suis pas croyant.

7/ L'artwork est clairement lugubre, violent, une sorte de support visuel à votre musique. Qui l'a réalisé ? Peut-on voir une quelconque métaphore derrière ces deux chiens s'entretuant ou alors est-ce juste une quelconque manière d'agresser l'auditeur, le préparer au choc du premier morceau ?

Alex Eckman Lawn, un illustrateur qui vit à Philadelphie. L’idée, c’est que les chiens mangent les chiens… Le monde dispose d’une quantité de ressources limités, et l’instinct de survie, amène chacun d’entre nous à vouloir le contrôle de ces ressources. Alors les chiens mangent les chiens, et ce sera toujours le même scénario.
Jérôme : on aime pas trop le "choc" gratuit qui racole. Donc la pochette a clairement un sens tout comme les paroles. Ce n'est pas juste pour faire joli ou se donner un style.

8/ L'album, ensuite la tournée. Comment cela va-t-il se passer ? Une tournée principalement axée sur la France ou alors encore un détour par le Japon qui a l'air de vous accueillir avec plaisir ?

On va faire quelques dates en France en effet, étrangement on n’y joue pas tant que ça… Je sais qu’en février on est repartis pour une tournée, mais encore rien de définitif. On devrait aller vers l’Autriche en tous cas. Le Japon ce serait avec plaisir, mais là encore pas de plan pour le moment. On s’est dit qu’on allait y retourner un de ces quatre de toutes façon.
Jérôme : Ah ça le Japon c'était vraiment le pied. L'ouverture d'esprit musicale n'est en rien comparable à celle de la France. J'espère aussi qu'on fera quelques dates dans notre pays mais bon pour le moment je suis assez impatient de voir comment notre album va être reçu par la critique. On va peut être nous prendre enfin un peu plus au sérieux ! Et puis personnellement ne jouer qu'à l'étranger ne me dérange pas du tout.

9/ Avez-vous pu tester les nouveaux titres en live ? Ressentez vous une différence niveau réception du public entre les plus récents et les anciens ?

Sur une petite tournée en Espagne, une autre en Angleterre. Il nous a fallu le temps de l’adaptation, ce nouveau set est carrément sportif. Je ne pourrais pas dire exactement ce que ça provoque en face, on est dans notre truc, je crois que ça agresse en tous cas.
Jérôme : Ouais en Espagne c'était pas top car on avait le set que depuis très peu de temps dans les mains. En Angleterre c'était carrément mieux. Comme l'a dit Julien c'est difficile de constater l'effet que ça provoque, ça nous demande encore pas mal d'efforts pour bien maitriser les morceaux, qu'ils soient compréhensifs et intensifs. D'après les premières réactions c'est plutôt violent...

10/ Quelle sera la prochaine étape ? Un son plus noir ? Pousser à l’extrême votre musique ou plutôt vous stabiliser sur ce son qui a l’air de faire mouche ?

Nous stabiliser certainement pas. Trouver à aérer les morceaux sans perdre une once d’intensité, ce serait parfait. Plus noir ça me conviendrait parfaitement. Allez on va dire que je voudrais que ça ait l’air d’un putain de cauchemar sur fond de gatling, pas mal non ? On verra bien, pour l’instant on pense à un problème à la fois, et là il s’agit de faire tourner ce disque. Mais c’est vrai que je suis assez pressé de rempiler sur la composition. Essayer des trucs.
Jérôme : la compo me tarde ! Surtout pour ne pas refaire les même erreurs. Si ça peut rester sombre ou encore plus c'est tant mieux. On va déjà aérer un peu le tout et tester de nouveaux trucs avec des effets pour la gratte ou des façons pour chanter ou agencer la batterie bref je pense que les idées ne manquent pas ! Disons qu'on veut rester extrême mais ne pas tomber dans le truc qui étouffe et que t'as envie  de dégager de ta chaine hifi au bout de 5 minutes. Donc je pars dans l'optique Sombre extrême lourd....tout un programme

11/ On le sait, personne n’est parfait, même si on tend parfois vers le summum. Par conséquent, si vous deviez reprocher une chose à ce disque, quelle serait-elle ?

Personnellement, je regrette d’avoir appris certaines choses au studio plutôt qu’avant. Le prochain disque sera probablement plus préparé. On va travailler sur les structures, les ambiances, pas opter que pour l’étouffant… Enfin tout ça, c’est pas des regrets mais des projets !
Jérôme : y'a à redire de plus c'est carrément ça et je rajouterai que dans mon petit ego de guitariste j'espère trouver encore plus de matos et d'effets à bidouiller en studio !

12/ L’heure est au partage, entre Internet et la diffusion de plus en plus rapide de la musique à travers le monde. Quelques récentes découvertes à nous faire partager, histoire de donner quelques idées aux lecteurs ?

Puisque c’est moi qui réponds aux questions, ça ne pourra refléter que mes découvertes… J’ai trouvé beaucoup de trucs novateurs ou juste violents en black ; Nihill, Arckanum, le dernier Xasthur… A côté de ça je suis retombé dans Joy division, ou les Cure, 1349 de la bonne période, toujours Burzum… Le dernier Kickback me botte bien.
Jérôme, un des guitaristes du groupe, a un side project qui s’appelle Exilym, il t’en aurait sûrement parlé. Adrien t’aurait peut-être dit Magrudergrind…
Jérôme : Exylim. merci à ceux qui prendront le temps d'y jeter une oreille et à Julien pour l'avoir cité !

13/ J’ai pu jeter une oreille sur le nouvel album de Venosa. Est-ce votre cas ? Du coup un avis sur leur évolution depuis votre split commun ?
Je l’ai écouté, et même si je ne suis pas trop dans ce type de son, je ne comprends pas les mauvaises critiques qu’ils ont pu recevoir ça et là. Je le trouve sincère et je leur souhaite une bonne continuation.
Jérôme : honte a moi je ne l'ai pas encore écouté....

14/ Bonne Continuation dans tous les cas, et à bientôt sur les routes de France et d’ailleurs !

Merci de ton attention, et comme tu dis, à bientôt en concert !