Birds In Row

Birds In Row est présent sur cette édition 2023 du Motocultor. Nous n'avons que peu de temps d'interview avec Bart (Guitare / Chant) qui enchaine les entretiens avec différents média après un excellent concert en ce début d'après midi. C'est ainsi que nous avons décidé de concocter un petit blind test pour Bart avec des morceaux bien évidemment en lien avec l'histoire et le parcours du groupe de Hardcore de Laval.

On a sélectionné des morceaux que tu peux trouver normalement et sur lesquels tu peux développer étant donné qu'il y a des connexions avec Birds In Row. C'est donc parti pour le premier titre.
(Cult Of Luna  - The Silver Arc - The Long Road North (2022))

Bart : Cult Of Luna ! On a joué avec eux et Caspian. Mine de rien Cult Of Luna fait parti des influences de Birds In Row depuis le début. On a tourné avec eux en octobre dernier (2022) avec Caspian qui fait parti d'un des rares groupes de Post-Rock que j'écoute encore. Parce que quiconque à découvert le Post-Rock en 2005/2006, tu as vite fait d'en faire une overdose, mais je les ai connu en lien avec les Defeater qui sont des amis à nous. Donc j'avais écouté et je suis resté accroché à certains albums de Caspian parce qu'il y a tout de même une touche particulière dans leur musique. Et Cult Of Luna sont des monuments de la scène Post-Hardcore Européenne. Tu as un peu l'impression que dans le monde, tu as l'école Neurosis et tu as celle Cult Of Luna. Est-ce que tu as envie que ça dégueule ou est-ce que tu as envie que ça soit bien propre, nickel et froid. Nous on aime les deux donc ça va. C'était une grosse tournée, c'était très fatiguant, c'était la première depuis la sortie du covid pour nous, on n'avait plus le physique et surtout on se tapait des trajets de huit heures entre chaque date. Eux étaient en tour-bus, mais nous on faisait le parcours en camion comme des petits chiens derrière et il fallait qu'on arrive plus ou moins tôt tous les jours. Tu charges et décharges à la vitesse grand V. Je me suis explosé le dos en Espagne et j'ai du faire le reste de la tournée sans pouvoir bouger.



Lorsque tu nous as vu à Nantes c'était deux jours après ma blessure, on avait fait Porto - Nantes, c'était compliqué car on a repris sur les chapeaux de roue. C'était costaud, mais on avait le privilège de voir Cult Of Luna et Caspian tous les soirs et de tourner avec des mecs qui sont vraiment cool donc ça faisait du bien. On avait de belles salles, malgré quelques trucs un peu chelou comme en Allemagne où c'était un accueil très froid. On a l'habitude de jouer dans des squats en Allemagne où les personnes sont aux petits soins, alors que là c'était à l'arrache et on s'est vite dit qu'on allait devoir tout faire (rires). On était hyper préparé pour cette tournée car on n'avait pas beaucoup de temps pour les changements de plateau, on était le plus autonome possible, mais l'on a encore monté d'un cran en découvrant que ça allait être plus dur que ce que l'on pensait. Aujourd'hui, de fait, on est pratiquement autonome, on n'a presque plus besoin des techniciens autour de nous et ça c'est un super sentiment de savoir ce qui va se passer à tel endroit, à tel moment.

 Je t'envoie le second morceau, en espérant que ça fonctionne avec tes airpods.
(Touché Amoré - Rapture - Stage Four (2016))

Bart : (en quelques secondes) Touché Amoré ! On a réalisé plusieurs tournées avec eux et quatre fois aux Etats-Unis. Touché Amoré c'est la famille. Pour l'anecdote, on a été sur le label Deathwish pendant dix ans et c'est grâce à Jeremy Bolm (Chant) de Touché Amoré en fait. C'est toute une histoire : il avait écouté ce que l'on faisait, il a fait écouté à Deathwish qui ont aimé nos morceaux et il se trouve que Jacob Bannon (Converge) avait écouté nos titres ailleurs et ils se sont tous retrouvés pour se dire qu'ils aimaient Birds In Row et qu'ils allaient nous signer. Ca c'était dès le premier album. On a enregistré deux eps, Rise Of The Phoenix (2010) et Cottbus (2011), puis on était chez Deathwish. On a ce rapport là avec eux un peu intime où je me rappelle de commencer Birds In Row pendant que le chanteur de Touché Amoré parle de vous sur le forum de Bridge 9.

C'est pareil, j'ai un rapport avec ce groupe où j'étais en vacances avec mes parents, les écouter et me dire que ça défonce, qu'ils explosent au fur et à mesure et que c'est mérité quelque part, même si je n'aime pas cette notion de mérite, mais quand tu vois que ça explose, t'es trop content ! Pour nous Touché Amoré c'est ça et on a eu la chance de faire trois tournées avec eux. Notre première tournée américaine c'était soixante dates au total et on avait réalisé quinze dates avec Touché Amoré, Defeater et Code Orange Kids et l'on a fait deux tournées européennes. L'une très chaotique avec pleins de groupes différents, l'autre avec No Omega. A chaque fois qu'on se revoit avec Touché Amoré, ça fait parti de ces gens là, c'est comme une famille que tu as choisis. C'est un peu difficile à expliquer pour les gens que ce que c'est d'être un groupe sur la route, mais tu créés des amitiés particulières car se sont des gens que tu ne voies jamais, mais lorsque tu te vois tu as l'impression de ne jamais t'être quitté. Tout comme les musiciens de Coilguns que j'avais vu en décembre dernier avec lesquels on a un projet sur lequel on doit avancer, les gens de Brutus c'est pareil et aussi pour Quentin Sauvé (Basse) qui a tourné avec eux.

Tu créés des amitiés comme ça et Touché Amoré c'est comme ça, un jour je vais recevoir un message d'un des gars, je vais aller les voir en concert et tu as l'impression de ne jamais t'être quitté. Ils m'ont demandé de dessiner la pochette d'édition des dix ans de ...To The Beat Of A Dead Horse leur premier album et pour te dire, je n'avais pas réalisé l'ampleur du truc. J'ai fais un dessin pour mes potes, je leur ai envoyé, puis le guitariste m'a dit "est-ce que tu peux enlever l'ombre qui ressemble à une énorme teub ?" Je lui ai dis que "je n'avais pas vu, je suis désolé copain" et j'ai refignolé tout ça. Ils ont envoyé tout ça au pressage, ils ont sorti le repress et je me suis rendu compte que Touché Amoré n'était pas juste mes potes, qu'ils étaient super connus, désormais signés chez Epitaph Records. Donc tu rends pas forcément compte de ça, que tes amis font des choses fabuleuses.

C'est peut-être un peu plus underground, mais il y a un lien avec ce que tu as fait. (Syndrome 81 - Vivre Et Mourir - Prisons Imaginaires (2022))

Bart : La voix m'aide beaucoup généralement pour trouver. C'est pas Terrible Feelings ? Ca me dit grave quelque chose et j'écoute tellement de choses dans le style que j'ai tendance à mélanger. Ah, mais c'est Syndrome 81 ! Ca me dit quelque chose maintenant. 

Tu avais dessiné la pochette concernant le split Syndrome 81 et Urban Sauvage. J'enchaine sur une autre piste.
(Birds In Row - Rodin - Gris Klein (2022)) 

Bart : (rires) Ah ben Rodin, c'est nous.



C'était pour parler un peu du dernier album, notamment de ces éléments électroniques qui occupent plus de place dans les compositions.

Bart : C'est bête à dire, mais on n'écoute plus beaucoup de Screamo ou de Hardcore. Joris, le batteur est arrivé dans le groupe à la sortie de We Already Lost The World (2018) il a amené ses influences Post Punk, Quentin (Basse) il n'écoute plus du tout ce genre de son, il va davantage écouter tout ce qui est Pop, Folk. De mon côté je me suis pas mal mis à l'Electro ces derniers temps et même si j'adore toujours écouter Envy et avoir les larmes aux yeux, à un moment donné on se dit que Birds In Row c'est nous, ça nous ressemble, donc on va mettre des éléments qui logiquement nous ressemblent et quoi qu'il arrive c'est ma voix, c'est notre son de basse / de guitare, c'est notre jeu de batterie donc ça ressemblera à Birds In Row quoi qu'il arrive. Et de toute façon on n'essaye de pas sortir deux fois le même disque, c'est hyper important pour nous.

Je détesterai être Pennywise, qui a certes une valeur inestimable dans le Punk Rock, mais lorsque Pennywise sort un album, tu sais déjà à quoi t'attendre. On préfère se dire que si les gens n'accrochent pas et bien tant pis, mais nous on aura livré quelque chose qui nous plait vraiment à cet instant T. Nos albums c'est un peu Birds In Row en 2018, en 2022 etc c'est essentiel pour nous. On a rajouté pas mal de petites choses dans cette lignée Electro. J'ai découverts Radiohead pendant les confinements, Portishead que j'ai davantage creusé. Il a ce son sur Machine Gun de Portishead et je trouvais ça mortel, je découvre cette pédale incroyable sur le net qui peut faire des sons similaires et donc Rodin c'est littéralement le premier riffs que j'ai joué. Je l'ai fait tourné, j'ai développé quelques trucs autours et c'était plié. Puis ensuite on a composé le reste de l'album.

Je me demandais comment tu faisais pour rendre ces effets là sur scène, s'il y avait du sample ou non ?

Bart : Non on n'a aucun sample. Si tu veux, il y a pas mal de gens qui pensent qu'on a du backtracking (NDR : ce sont des bandes-son d'instruments de musique (synthétisés ou joués) qui offrent aux musiciens un accompagnement musical pendant qu’ils jouent sur scène.) mais on en a pas en dehors de la toute première intro parce que l'on a la flemme d'arriver sur scène, de la jouer, de se rendre compte qu'elle n'est pas bien enregistrée donc la refaire, donc on s'est dit que ça fait plus pro que les petits coups de "tit, tit, tit" sur Water Wings on va l'enregistrer dans la pédale, mais sinon non, il y a zéro backtrack, tout est joué.

C'est super important pour nous parce que lorsqu'on a commencé à parler de l'esthétique de Gris Klein, c'est au moment où l'on a joué au Cabaret Vert avant le covid, c'était un grand festival mainstream, on jouait avec Patti Smith ou d'autres artistes et il y avait Foals. Je n'avais jamais trop écouté, mais j'ai pas mal de potes qui adorent donc je suis allé voir et j'ai pris une énorme taloche, c'était monumental et tout est joué. Ce sont des musiciens super doués qui jouent l'intégralité de leurs compositions et ça sonne comme sur album. Et surtout, les gens dansaient à fond. On est ressorti du concert en se disant que nous aussi on avait envie que les gens dansent à nos concerts, mais en étant tristes (rires) en mode "la vie c'est de la merde mais j'ai quand même envie de bouger" (rires). Cette idée de "danse triste" est venue de là et ça a modelé le reste de l'album où on s'est dit que l'Electro c'était tellement bien pour faire danser les gens.

Je ne sais pas si tu vas trouver la suivante, mais c'était pour parler de cette "nouvelle scène" Hardcore engagée.
Soul Glo - Jump!! (Or Get Jumped!!!)((By The Future)) - Diaspora Problems (2022))

Bart : (en quelques secondes) Soul Glo ! C'est marrant parce qu'on a un rapport particulier avec eux, même si on ne se connait pas très bien. En fait, on les as découvert en jouant aux Etats-Unis en compagnie d'une tournée avec Portrayal Of Guilt et on venait de faire les dates avec Converge et Neurosis, donc c'était la première tournée américaine pour défendre We Already Lost The World. On joue à Philadelphie avec Zeta, Portrayal Of Guilt, Soul Glo et après nous. Pour les personnes qui ne connaissent pas Zeta, c'est un des meilleurs groupes du monde. Imaginez The Mars Volta avec Envy fait par des gens qui viennent du Venezuela et qui savent faire de la musique qui danse de ouf. Zeta joue, on se prend une claque monumentale comme on en a rarement eu, c'était dans un tout petit bar de Philadelphie et on se disait que ça allait être compliqué de jouer après eux tellement sils étaient extraordinaires. Si vous avez la chance de voir Zeta en live un jour... nous on aimerait bien les amener en Europe un jour, en plus ils sont une histoire particulière, ils sont Vénézuéliens sont bloqués aux Etats-Unis de force avec tout ce qui se passe actuellement au Venezuela (NDR : grave crise présidentielle depuis 2018). Ils tournent comme jamais aussi et dernièrement ils tournaient avec Sparta notamment.

Bref, on découvre ce groupe là, Portrayal Of Guilt c'est excellent et là Soul Glo joue et c'est mortel aussi, mais surtout, je me rends compte que le public a changé. Les trois premiers rangs sont constitués de meufs noires qui dansent et chantent les paroles. Soul Glo c'est le moment où j'ai eu vraiment l'illustration parfaite de l'importance de le représentation. Des personnes noires, des femmes d'autant plus, vont avoir plus de mal à se reconnaitre ou s'identifier dans ce que l'on fait, alors que là, le fait d'avoir trois personnes racisées (et le batteur est blanc) dans le groupe, ça créé une représentation importante, en plus ils ont leur style à eux, c'est génial et ils ont des choses à dire. Ce jour là je me suis retrouvé un peu comme un con de mec cis blanc, j'avais pourtant intégré ces discours là, mais le fait d'avoir l'illustration de tout ça, ce n'est pas que de la théorie et de la sociologie. Ces femmes là elles n'étaient pas au premier rang lorsque l'on a joué, elles étaient là pour Soul Glo. Donc c'est très fort et ça montre l'importance de l'inclusivité dans nos scènes musicales.



Il y a une revitalisation de cette scène qui dans les années 80 étaient portée par ces messages politiques, par des minorités...

Bart : C'est ça, le Hardcore vient des personnes de couleurs, de Bad Brains. C'est assez intéressant quant aujourd'hui tu lis les études sociologiques sur le milieu du Metal, par rapport au Hellfest, par rapport au Punk, on a participé à des conférences là dessus, on a aussi un ami qui fait une thèse sur la scène Punk, tu te rends compte que la plupart des gens sont des classes moyennes, encore plus dans le Metal où les gens ont des masters, qu'ils sont éduqués. Donc on est loin de gens comme Madball qui vivaient dans des taudis à New-York, qui étaient pauvres, qui sortaient de taule. Le milieu a vachement évolué et je trouve ça important de le savoir car ça te force aussi à te dire que tout ce que j'aime vient d'un endroit, de certaines personnes, que tu te sens comme d'un marginal, un paria, tu as l'impression que personne ne te comprends et que tu ne comprends pas la société et ça il ne faut l'oublier.

Ce n'est pas parce qu'il y a Arte qui s'intéresse à ce qu'on fait où parce que l'on joue à Dour ou aux Francofolies, que c'est bon c'est ingéré, que les gens sont OK avec les nerds. Non non tu joues aux cartes Magic tu te fais toujours taper dans la cours de l'école. C'est important, d'autant plus quand tu n'es pas victime d'oppressions que certaines minorités subissent. En tant que nerd ou personne neuro-divergente tu t'es sentie oppressée au lycée, sans doute que les mecs en sport étude ils se foutaient de ta gueule, mais c'est à relativiser avec une meuf qui va en festival, avec une personne de couleur qui va en festival de Black Metal... Tout ce qu'on fait ça vient du fait de revendiquer notre existence, le droit à exister, malgré le fait qu'on soit rejeté par le reste de la société pour quelque raison que se soit.

Un petit dernier pour la route. On va voir si tu connais bien tes amis. 
The Brutal Deceiver - Never Ending Scorn - Go Die. One By One (2013))

Bart : Alors je connais, mais je suis incapable de retrouver. Merde, le riff de guitare je le connais grave. (après une minute et quelques indices) C'est pas The Brutal Deceiver ? Waaah je n'avais tellement pas reconnue la voix Slam. Mais oui, on a la chance d'avoir pleins de gens très doués autour de nous et ça c'est cool. C'est super frustrant lorsque tu joues en festival et que tes potes jouent pendant que tu t'installes ou pendant que tu fais des interviews. C'est un super sentiment d'être ami avec des personnes dont tu respectes le travail. Soit parce que tu connaissais leur musique avant, soit parce que tu les as découverts sur scène en tournée. Typiquement, Coilguns par exemple, je ne connaissais que le groupe parce qu'à chaque fois qu'on poussait la porte d'un squat et que je kiffais un groupe, c'était Coilguns (rires). On a tourné avec eux et en plus d'être de supers musiciens, se sont des crèmes. J'ai tendance à me le rappeler et à le dire aux gens : on a la chance et le privilège de découvrir des gens tous le temps. J'ai ce truc de ne pas aller voir des concerts lorsque je suis en tournée parce que je vais déjà a beaucoup en concerts, de fait, donc quand je rentre chez moi je souhaite juste me poser avec mon chat et jouer à Baldur's Gate, c'est tout (rires).

Le nombre de groupes locaux avec lesquels on a joué, des groupes qu'on a croisé comme par exemple The Chariot aux Etats-Unis. On fait leur tournée d'adieu et on croise un groupe à la Silverchair qui s'appelle Silver Snakes et si vous ne connaissez pas c'est incroyable. Le chanteur / guitariste il se trouve que c'était le producteur de Touché Amoré à leurs débuts, il a enregistré pleins de groupes de Californie. Tu te retrouves face à un groupe dont tu n'attends rien, dont tu ne connais pas le nom et ils sont excellents en live et tu te rends comptes que les musiciens sont adorables et donc tu deviens pote ensuite. On a ce bonheur là et d'autant plus que l'on vient d'une ville où l'on connait pas mal de personnes qui font de la super musique. Merci à vous, profitez bien du reste du festival et moi j'espère voir un bout de Russian Circles et Amenra, mais c'est pas dit qu'on ait le temps.