Doodseskader

par Pentacle (18/07/2023)

Interview de Pentacle - Propos recueillis par Maxwell

Le dimanche du Hellfest, peu après leur concert du matin, Tim et Sig, les deux membres de Doodseskader nous rejoignent à la tente d’interview pour quelques questions.

Alors cette première expérience au Hellfest, qu'est-ce que vous en pensez ?

Sig : C’était super cool, je suis enthousiaste maintenant, j’étais très stressé hier, mais tout s’est bien déroulé.

Tim : On s’était dit hier que l'on est un petit groupe, on joue tôt et qu'il n'y aura personne. Je m’imaginais déjà le tableau avec uniquement trois personnes devant la scène, un mec en train de prendre son petit dej dans le fond et finalement il y avait du monde et les gens étaient enthousiastes. Certains portaient nos t-shirts, ça fait un bien fou au cœur.

Tim, ce n’est pas trop perturbant la Valley découverte par rapport à celle que tu as connu il y a quelques temps avec Amenra ?

Tim : Non, ça ne me dérange pas qu’elle ne soit plus couverte. Je sais que peu de gens aiment jouer en open air mais moi je préfère. Je trouve ça moins agréable d’écouter sous un chapiteau, tu dois trouver où te placer sous la tente à cause des réverbérations sonores, tu te demandes si ça vaut la peine de galérer, alors qu’ici les gens passaient, ils voyaient. Je pense que beaucoup de gens ne connaissaient pas et se sont arrêtés pour écouter alors qu’ils n’auraient peut être pas fait la démarche de rentrer pour nous écouter. C’est fort cool, moi j’aime bien.

Il y a un énorme taf et une énorme différence de production entre Year Zero et Year One, comment est-ce que tout ça s’est mis en place ?

Tim : C’était un processus volontaire et conscient. Quand on a commencé le groupe on s’est dit qu’on allait faire un truc très carré, sans production du tout. On a écrit tout l’album en un seul jour et encore même pas, peut-être en six heures. On l’a écrit et enregistré d’abord en démo, puis, deux jours plus tard, on l’a finalisé, mais on s’est dit qu’on allait garder ce matériaux de manière simple, parce qu’on voulait que ça reste accessible. Le but n’était pas de faire peur, on ne voulait pas éloigner les gens tout de suite. On s’était dit que l'on savait ce qu’on voulait être dans l’avenir et qu'on y irait lentement et surement. L’idée des albums Year était déjà là dès le départ. On s’est dit qu’on allait faire cinq disques et qu’on allait sortir directement Year Zero, un truc net, Sludge, un peu grungy. One, on s’est dit qu’on allait rajouter de la prod ainsi que des influences qui montrent un peu l’avenir. C’est un peu plus ambiance crackhead et puis…

Sig : La suite ca va encore être autre chose, un palier du dessus. C’est une route qu’on a pris, aujourd’hui on a la base et on va doucement vers le futur, ainsi, petit à petit on va arriver à Year Three.

Tim : Oui, c’est genre Zero : clean. One : début de prod. Two : plus de prod et plus d’idées bizarres. Three sera quasi filmique et Four sera le style qu’on comptait faire dès le début et ensuite on continuera vers des albums qui possèderont leur propre nom.

Pour l’instant on ressent une sorte de colère froide quand on vous écoute. Qu’est ce qui vous met dans cet état d’esprit ?

Tim : On raconte notre histoire, c’est vraiment ça. On a beaucoup discuté du contenu, comme au début du groupe, on a quelques morceaux qu’on avait écrit parce qu’on s’est dit que ça ne nous faisait pas mal à nous de le dire, mais on veut être le plus honnête possible parce qu’on pense que l’honnêteté est quelque chose de rare. C’est rare que tu sois 100% honnête, même avec tes proches. Tu ne racontes pas tout ce que tu penses intérieurement ou tout ce que tu vis et nous on s’est dit que si on lançait Doodseskader on allait tenter d’aller au bout de l’honnêteté même avec nous-mêmes. En écrivant, on s’est posé la question de savoir ce qui nous avait vraiment formé. Quelles sont nos expériences marquantes ? Parce qu’on a un parcours fortement atypique et lourd. On s’est dit qu’on allait tout dire tel quel sans tergiverser ou faire des métaphores.

Sig : Il nous a vraiment fallut aller chercher du courage pour écrire certains textes. On détient la base musicale et après on rentre dans un nouveau monde dans lequel tu te cherches toi-même et tu cherches comment tu peux relater au mieux les événements qui se sont produits dans ta vie et qui te définissent. C’est fou. La musique colle à l’image de la situation.

Tim : Oui, c’est pour ça que stylistiquement c’est un truc bizarre, parce qu’on est des gens bizarres. Quand on raconte quelque chose de difficile, il faut le vivre musicalement aussi.

Sig : Sur Zero, tu as un morceau pour ma sœur et sur le troisième album il y en aura un pour ma mère. Je n’ai même jamais réécouté le morceau après l’avoir enregistré parce que c’est trop dur. Mais je vais le faire et peut être qu’en le criant sur scène, j’arrêterai de me sentir mal pour ça.

Justement tu fais de la batterie et tu chantes, c’est vraiment devenu une spécialité Belge (NDR : la batteuse / chanteuse de Brutus...)

Sig : Oui, non… enfin peut être. Il y a Code Orange aussi qui fait ça, mais c’est simplement le hasard. Moi je joue de la batterie et pas de la clarinette, ça s’arrête là.

Tim : Ca fait partie aussi de l’identité du groupe, c’est la paire. Nous deux on est égaux, de fait, on joue chacun de notre instrument et on crie tous les deux. On est juste là pour être honnêtes et te partager une expérience, on n’est pas en train de te vendre un truc. Nous ne sommes pas un groupe qui créeront un album pour le vendre. On s’est juste dit, toi tu racontes ton histoire, moi la mienne et on se soutient tous les deux, pour que ce soit moins pénible à le faire.

Vous faites souvent référence au 45. Il est sur la pochette de Meat Suit le single, sur votre mail et tu l’as aussi en tatouage. Ça correspond à quoi ?

Tim : Ça me correspond à moi. En fait, en Belgique tu as beaucoup de petites frappes et de mecs qui t’emmerdent dans la rue pour t’agresser. Ces gars qui s’identifient par l’indicatif du code postal. Par exemple j’ai habité à Bruxelles, tu as le 1080, ailleurs tu as le 90 et ainsi de suite. Moi je suis originaire du 45 alors ça devient moi et je m’identifie à ça. Parce que quand tu as un mec qui veut te schlasser, il voit ton tatouage 45 il sait qu’il va manger ses dents et que tu vas pas te laisser marcher dessus, donc il y réfléchit à deux fois. Et ce 45 c’est devenu moi.

Comme on évoquait précédemment on ressent beaucoup de nouvelles influences dans Year One, notamment du Néo, du Hip-Hop et du Grunge. Tout ça fait j’imagine partie de vos influences, comme un peu tout le monde. Vous avez des groupes cultes issus des années 90 par exemple ?

Tim : Oui et non, en fait énormément de choses nous inspirent. Quand on est dans le van et qu’on se dirige vers un concert, on écoute plein de choses différentes. Ça va des trucs style Thunderdome à du R’n’B. On écoute Nonstop de Drake donc des trucs de Hip-Hop. Il n’y a pas beaucoup de musique lourdes ou sombres, on peut même presque dire que l’on n’écoute pas ça parce qu’on fait ce type de musique par besoin. On a besoin de traduire ça par ce style.

Sig : Moi j’essaye de ne pas chercher trop d’influences, parce que je ne veux pas copier. Je considère que c’est mon boulot de chercher comment imposer ma personne et mon identité musicale dans le style de Doodseskader. J’essaye de ne pas écouter spécifiquement par exemple du Deftones ou je ne sais quoi qui pourrait trop m’influencer. Tu aimes bien Alice In Chains, Deftones, Nirvana ou je ne sais quoi, c’est parce que ce sont des personnes qui ont leur propre style qui colle à leur personnalité et leur expression musicale à eux. Tu écoutes Black Hole Sun de Soundgarden, c’est un morceau qui a une identité, il a eu une raison de faire ce morceau, il ne l’a pas copié sur quelqu’un d’autre.

L’année dernière vous avez sorti trois singles, FLF, Non-Stop et Gabos, pourquoi avoir choisi ce format la spécifiquement ?

Tim : Parce qu’on a une histoire à raconter et qu’avoir uniquement les albums, ce n’est pas assez pour nous. On n’aime pas dépendre d’un format et comme je disais tout à l’heure, on n’est pas là pour te vendre un produit, ni pour reproduire ce schéma devenu classique du « je sors un trucs pour le vendre, puis je tourne pour promouvoir les morceaux et puis tu réenregistres un nouveau truc et tu retournes etc. ». Nous on est constamment en studio. J’ai mon propre studio et donc il se peut qu’on soit chez moi, on est en train de jammer et on se regarde parce qu’on vient de trouver quelque chose. On vient de trouver un morceau parce que j’ai eu une pensée précise et boom, on l’enregistre directement. Si on ne fait qu’un morceau on se dit qu’on ne va pas mettre ça sur un album. L’esprit "album" n’est pas installé dans le morceau, c’est quelque chose à part. Le titre a sa propre vie et on essaye de la respecter en le sortant tout seul sans chercher à y accrocher d’autres choses qui pourraient le dénaturer. Mettre FLF sur Year Two, ça n’aurait aucun sens. On a déjà Year Two, il a été enregistré il y a deux ans maintenant. On sait ce qu’il est et FLF ne colle pas dessus. Pareil, on aura un autre morceau qui sortira avant Year Two en single et on refera surement d’autres sessions d’enregistrement d’ici là. C’est comme quand on a eu Non-Stop, la reprise de Drake, là ce sera aussi une reprise mais ce sera encore autre chose, parce qu’on a un lien mental avec ce titre. Pour Non-Stop j’étais dans une période assez hardcore dans ma vie et j’écoutais ce morceau là un soir dans le tour bus avant d’aller dormir et je me suis dit « holy shit ! » je le comprends. Je comprends exactement ce qu’il a essayé de dire parce que j’ai ce ressenti aussi et il fallait que je fasse une reprise. Toute autre idée est là dedans aussi, on ne veut pas se limiter à une formule, un gimmick ou dans une case bien définie. On veut faire ce qu’on aime et ce qui nous représente, c’est ça le principal.

On a cité Drake, est ce que par hasard vous êtes fans de basketball, ou des Toronto Raptors (NDLR : Drake en est co-propriétaire) ?

Tim : J’ai fait du basket oui j’aime bien, mais ne me pose pas de questions sur l’équipe parce que mes connaissances ne sont pas exhaustives en la matière.

Sur Blood Feud, vous avez des paroles en français qui sont à charge. Est-ce que ça cible pas mal de personnes de la scène Metal qui se la raconte grave ?

Tim : Oui, j’arrivais à un point ou je regardais autour de moi et j’avais limite honte. Je me sentais mal. Beaucoup de gens jouent de ce style, mais pas pour les bonnes raisons, ou qui pensent qu’ils font une chose alors qu’en réalité ils sont a coté de la plaque. Ça j’en ai ras le bol mon gars. Je ne m’arrêterai pas avant d’enterrer tous ceux qui le méritent. J’aime tellement ce genre de musique que je ne supporte pas qu’on y porte atteinte. J’adore la musique heavy, je trouve que c’est super beau, c’est fort marginalisé. Chez nous en Belgique, quand tu écoutes du Metal, tu es quelqu’un qui a d’office les longs cheveux, tu bois mille bières par jour, tu ne t'habilles qu’en noir, tu n’as aucun gout, tu ne ressembles à rien et c’est pas du tout le cas ! On est en train de nous mettre dans une case qui est complètement fausse. Par contre, il y a des groupes qui en font un modèle qui existe depuis toujours et qui prennent la place des jeunes. Il faut faire de la place pour les nouvelles générations. Moi, je ne sais pas combien de temps va durer ma carrière, mais le jour où il est temps de céder ma place à quelqu’un d’autre je le fait avec plaisir, par respect, par amour. Il y a des gars ici, ils pensent qu’ils sont les Johnny Hallyday du Metal mon gars et ils ne comprennent rien. Ils sont là à se vanter et à s’inventer un style de vie qui me fout la gerbe. Ça je n’en peux plus et c’est pour ça que je l’ai mis dans le morceau. Je tiens aussi à dire à ceux qui me liront ou qui ont entendu le morceau et qui se sentent concernés : vous êtes les gens à qui s’est adressé. Si tu ne te sens pas concerné, c’est que tu es dans le bon sens de la chose. Les gens qui le font mal, ils savent ce qu’ils font. Bonne chance à vous, bonne sortie de la scène, on vous escortera jusqu’au parking s’il le faut.

On arrive à la fin, et comme toujours, on va inverser les rôles, c’est vous qui allez poser une question aux lecteurs de Metalorgie et les réponses seront sur le site.

Tim : Alors attends, c’est dur, parce que si je n’ai qu’une question, je veux être sûr de poser la plus pertinente. Je l'ai. Alors ce n’est pas seulement une question je le sais, mais je vais quand même la poser parce qu’on est honnête jusqu’au bout. Voila. Il y a eu beaucoup de polémiques autour de ce festival. On en est forts conscients. Nous on n’a aucune tolérance envers les gens qui font des choses qu’il ne faut pas faire. C’est très simple ; tu touches quelqu’un, à un concert ou non, nous on l’apprend, on te cassera les genoux, on te mettra dans un sac et ta mère ne te reconnaitra pas. Ma question est : Nous, tous ensembles, on doit faire quelque chose pour nettoyer la scène. C’est clair ! Et je pense que ce n’est pas que dans le Metal, ce genre de trucs c’est partout pareil, la Pop, le Hip-Hop, tout ça. Par contre le Metal c’est une contre culture. On fait un truc qui va contre les idées reçues, à contre-courant. Ensemble on est tous des gens qui sont marginalisés, qui se sentent exclus ou différents et c’est une scène dont je suis fier et où j’ai trouvé ma place. Ma question est donc : Qu’est ce qu’on va faire tous ensemble pour faire que cette scène devienne quelque chose dont on peut tous être fiers et qu’on peut tous aimer ? Comment va-t-on la nettoyer ? Parce que c’est à nous de donner l’exemple je pense. On est les seuls qui peuvent faire ça parce que ce n’est pas dans la Pop que ça peut se passer mon gars, ni dans le R'n'B. On est différents, ça se sent. Même ici quand tu marches parmi les gens on est des gens différents et il nous incombe à nous de stopper ça. L’avenir ce sera le Metal. J’y crois fort et ça passera par ça. Ça a été l’heure de la Pop, du Hip-Hop pendant plus de dix ans et là maintenant le moment il est pour nous. Comment on va faire pour être exemplaires la dessus et que tout le monde soit safe ?

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