Peter Tagtgren (Hypocrisy)

par Grum (08/11/2022)

En ce 10 octobre 2022, Hypocrisy joue à Rennes avec Septicflesh, The Agonist et Horizon Ignited. Forcément c'est un peu l'occasion de s'entretenir avec son leader chanteur et guitariste Peter Tagtgren fort aimable, qui nous accueille tranquillement après avoir pris une bonne douche. On voulait parler de leur dernier excellent album Worship, mais aussi revenir un peu plus spécifiquement sur la carrière du groupe sur son esthétique et sur ce qui fait d'Hypocrisy un groupe un peu à part de la scène Death Metal.

Vous étiez en concert à Paris hier, ça s'est bien passé ?

Ouais, super cool. Le public était chaud et a bien envoyé. On va voir comment ça se passe ce soir !

La dernière fois que je vous ai vus en concert, c'était à la Machine du Moulin Rouge le 3 novembre 2018 avec Kataklysm. J'étais sur le cul dès les premières notes, tellement le son était parfait avec la basse qui groovait sans couvrir les guitares. C'était incroyable ! Tu travailles toujours avec le même ingé-son en tournée ?

Alors, 2018... Attends, je réfléchis. Oui, c'est le même gars ! Mais chaque salle a des régisseurs différents, des sons différents. Aujourd'hui par exemple, je trouvais que ça sonnait bizarre... Je n'ai pas l'habitude d'intervenir dans tout ce qui est son, mais là j'ai dû dire quelque chose parce qu'avec nos effets prévus sur ce concert, j'avais peur que ça ne le fasse pas. Mais l'ingé-son m'a dit qu'une fois les gens dans la salle, c'est encore différent, donc parfois il vaut mieux laisser comme ce qui était prévu. Donc je lui ai fait confiance, même si je trouvais que ça sonnait chelou !

Depuis sa sortie l’an dernier, es-tu satisfait des retours sur l'album et de l'accueil du public ?

Ouais, mais à vrai dire je ne fais pas trop attention aux chroniques, je m'attache plus à l'accueil public et ils ont l'air d'aimer donc... Je sais pas ce qu'on aurait pu faire de différent sur cet album car il est déjà bien varié, avec différentes couleurs et émotions. On aura toujours un pied dans le Death Metal de toute façon, on aura toujours cette étiquette. Après, Hypocrisy est ce qu'il est, on a notre style avec nos mélodies, nos morceaux speeds,  etc. On essaie toujours de pousser les limites, entre titres rapides et pistes plus lentes, d'être plus sombre aussi, de toujours faire plus à chaque album. Et mieux aussi, on espère ! (rires)

Huit ans se sont écoulés depuis End Of Disclosure, ça n’a pas été trop dur de se remettre à l’écriture pour Worship ?

Non pas vraiment, c'était juste une question d'avoir le temps de tout faire en fait. À l'époque, j'avais trois groupes, j'étais en tournée, il y avait l'album avec Pain aussi et c'était trop de choses à gérer en même temps ! Donc j'ai reporté un peu la phase d'écriture pour l'album d'Hypocrisy. C'est en 2018-2019, qu'on a écrit, puis enregistré. Et il y a eu le covid. J'allais commencer le mixage en 2020, mais je me suis dit "heu... on va attendre en fait". C'était trop le chaos pour tout le monde, et qui a envie de se concentrer sur la musique quand c'est le chaos ?

Du coup, le covid, le confinement, ça t'a permis de souffler un peu ?

Ouais, carrément ! J'étais content de me poser sur le canapé pendant six mois à mater des films. J'avais besoin de repos. Mais là on est de retour !

Dans quel état d’esprit tu étais au moment de composer l'album ?

Je ne saurais pas trop te dire... J'essayais juste de me concentrer et d'écrire de bons morceaux ! Et d'écrire des titres qu'on retient dès la première écoute, pas juste une succession de riffs. Des morceaux bien speed. Mon fils a écrit un morceau d'ailleurs, Dead World, c'est lui. On a un projet ensemble donc on a écrit une douzaine de morceaux. On n'avait pas de voix ou quoi que ce soit sur ce morceau, donc je lui ai demandé si je pouvais le prendre pour Hypocrisy et il a accepté. Donc on a un bon truc un peu brutal en plus sur l'album grâce à lui et c'est cool ! Tout est une question de goût finalement.



Ah oui, en regardant dans les crédit de l'album j'avais vu que ton fils, Sebastian Tägtgren, était crédité sur le morceau Dead World. J'ai vu qu'il avait participé sur des sessions rythmiques de Pain et de Lindemann. Tu peux nous en dire d'avantage ?

Ouais, il écrit plein de choses, il a beaucoup de talent. Il a écrit le morceau Matematik, avec Lindemann. C'était assez inattendu comme son, un peu Hip-Hop (Peter nous gratifie d'un "Yo, Yo !"). La première fois qu'il a écrit c'était sur End Of Disclosure en fait, avec le morceau Soldier Of Fortune. Il a composé quelques riffs là dessus. C'était en 2013, il est né en 1998, donc il n'avait que 15 ans !

Il a un groupe ?

Non. Il est plutôt branché Electro, du style de Carpenter Brut, sans guitare, mais avec un son disto malgré tout. C'est cool, c'est un mix entre Korn et Carpenter Brut et d'autres trucs, c'est assez unique. Mais il ne trouve pas de chanteur, il sait ce qu'il veut et c'est plus compliqué du coup. On va voir ce que ça donne ! Mais j'essaie de ne pas trop m'en mêler. Il fait son truc et c'est cool.


Il y a quelque chose que j'aime beaucoup dans Hypocrisy c'est l'aspect mélodique qui est très accrocheur, mais sans tomber dans des choses faciles ou mièvres. C'est quelque chose à laquelle tu fais gaffe, dont tu prends vraiment soin au moment de la composition ?

Oui, bien sûr ! Des mélodies et des bons riffs dont on se souvient, c'est important pour moi . Avec tous mes groupes c'est important : avec Pain, c'est les mélodies qui priment, et avec Lindemann c'était aussi le cas. Le Death Metal, le vrai, pour moi, c'est Cannibal Corpse, SuffocationDeicide ou Morbid Angel par exemple. Mais même Morbid Angel, sur le premier album, ils avaient des chœurs en plus des guitares et ça les rendait unique. Nous aussi, on essaie de faire notre truc à nous. Notre premier album était plus dans l'esprit Death Metal, puis pour le troisième, j'ai trouvé un clavier dans le studio alors on a ajouté des nappes. Il n'y a pas eu vraiment de réflexion, c'est venu comme ça en gros.

Tu as déjà eu envie d'en mettre plus du clavier, du coup ?

Nan , j'ai plutôt privilégié les guitares. On trouve un équilibre sur Worship avec du clavier, mais je voulais pas en faire trop ! C'était juste pour créer une atmosphère, tu vois ?

Ok, je vois. Donc, pour l'ambiance justement, les intros sont longues pour chaque titre. C’est un élément important pour toi ?

Oui, très. Si tu écoutes et fermes les yeux, tu as pleins d'images qui te viennent en tête, c'est ça que je veux. Un son qui te transporte tu vois ? Je ne sais pas trop comment expliquer, mais chaque album a un son différent et donc procure une émotion différente. C'est comme voir un tableau par exemple, ou un paysage. Tu écoutes et tu es ailleurs, j'essaie de créer ça.

Un des éléments que je préfère chez Hypocrisy, c’est l’usage modéré de la double pédale, y-a-t’il une raison particulière à cela ?

Je ne sais pas trop. On utilise quand même la double sur les morceaux mid-tempo, ça groove pas mal, sans être trop extrême. Après, ça dépend de ce que le batteur peut faire aussi. Sur certains titres, c'est trop rapide, par exemple, donc pas de double ! (rires)

C'est peut-être parce que le son est super bon en live aussi que ça passe mieux ?

Ouais peut-être, je ne sais pas! On essaie de jouer carré et avec les morceaux très rapide, il faut faire attention à ne pas trop faire exploser la guitare et c'est dur de jouer et chanter en même temps, mais on y arrive ! Encore trente ans et on sera super bons ! (rires)

Même chose, au niveau de l’absence de solo ? C’est marrant car les soli sont quelque chose à laquelle je suis très sensible, mais chez Hypocrisy je trouve que l’absence de solo ne crée pas de vide...

On n'en a pas besoin avec toutes les mélodies ! Après, quand tu as quelque chose à dire avec les soli, c'est cool ! J'admire les guitar-heroes qui bossent comme des oufs et deviennent des virtuoses. Mais ce n'est pas moi, ça. Je me concentre sur la composition. Sur le nouvel album de Joel Lynn Turner, j'ai pris un des meilleurs guitaristes au monde. Quand vous entendrez les soli, vous serez là "ah ouais, ça claque!" Et avec le feeling aussi, il fait un mix entre guitar-hero et un son bluesy . Mais moi je n'ai pas envie de ça, m'entraîner tous les jours, ça fait chier ! La vie est trop courte ! Je préfère écrire de bons morceaux.

Est-ce que sur Worship tu as laissé Reidar Horghagen (Batterie - Immortal) apporter ses propres idées ou tu dirigeais le projet selon ton point de vue ?

À la batterie tu veux dire ? Oui, il a un jeu unique très féroce, un peu mécanique. Il est comme ça, il a son style. Quand je compose, je programme une ligne de batterie, juste pour pouvoir jouer dessus et je lui envoie juste les guitares pour qu'il puisse mettre son jeu dessus. Parfois, c'est 99% ce que j'avais programmé mais il apporte aussi sa finesse dessus.

Tu as sorti treize albums sous le nom d'Hypocrisy, huit sous le nom de Pain. Est-ce que tu ressens l'angoisse de la page blanche ces dernières années ?

Non, pas vraiment ! Je compose tout le temps, je pourrais sortir dix albums par an si j'en avais envie mais c'est écrire les paroles, puis trouver le bon timing avec la mélodie qui me prennent un temps fou. Je ne suis pas un grand parolier, donc là, parfois, je manque d'idées et ça peut être long à venir si je suis pas dans le bon état d'esprit. Il faut que j'aie une idée de ce que je veux écrire, et là, ça vient plus facilement.

D'où te vient l'inspiration ? De films ou d'autres histoires ?

Parfois oui. Par exemple, Fire In The Sky est inspiré du film du même nom (Visiteurs Extra-Terrestres en VF, 1993). Les paroles en tout cas. Mickael a co-écrit ce morceau. Ouais, donc parfois, on a des idées plutôt cool qui nous viennent. Sur l'album précédent, par exemple, j'ai été pas mal inspiré par The Walking Dead, parce que je me dis qu'on y est déjà, avec nos téléphones, toujours la tête dedans comme des zombies. Le monde peut s'écrouler autour de nous, on ne verra rien !  Aujourd'hui c'est pas dur d'écrire des paroles, il y a juste à regarder les infos pour avoir des idées ! Mais je ne veux pas être trop engagé ou politisé parce que je risque de diviser les fans. Je veux que les gens gardent l'esprit ouvert et j'écris les choses comme je les vois, sans pousser dans le politisé. De toute façon, c'est tous les mêmes, droite ou gauche, ils sont juste là pour te pomper ton fric. Ce sont juste des putain de psychopathes narcissistes, qui sont là pour faire souffrir les gens et c'est comme ça. Et en plus ils s'en sortent, ces connards !



Tu parles souvent d'aliens dans tes chansons et d'enlèvements par des extra-terrestres. J'imagine que tu es intéressé par les progrès de la science. Est-ce que tu as été inspiré par les photos prises par le téléscope James Webb ?

Ah, non pas vraiment. Parce qu'en fait, je pense que s'ils voient vraiment quelque chose, ils ne nous le diront jamais, pour éviter la panique. Il y a tellement de conneries, de mensonges. S'ils avouaient que oui, il y a une forme de vie extra-terrestre, ça voudrait dire qu'ils nous mentent depuis 75 ans. Donc ils ne peuvent rien dire. Maintenant il ne faut plus dire UFO (OVNI) d'ailleurs, mais UAP (NDLR : Unidentified Aerial Phenomenon, en français ça donne PAN, pour phénomènes aérospatiaux non identifiés (oui, le "i" a disparu)) parce que du coup, s'ils disent qu'il existe des UAP, ils pourront dire qu'ils n'ont pas menti sur les OVNI, quand ils disaient que ça n'existait pas, parce que ce n'est pas la même chose (rire ironique). À voir... Ou alors, tout ça c'est du baratin et on vit tous dans la matrice ! (rires)

Pour la pochette de Worship c'est Blake Armstrong (In Flames, Kataklysm) qui a travaillé dessus et je trouve qu'il a bien réussi à retranscrira l'univers d'Hypocrisy. Comment s'est passé cette collaboration ? Tu lui avais donné des indications au préalable ?

En fait j'étais à Los Angeles, à l'hôtel et je réfléchissais. Je me suis mis à dessiner des trucs sur une serviette en papier, une pyramide, une croix, d'autres trucs... J'ai envoyé la photo à mon patron de chez Nuclear Blast Records en lui demandant s'il pouvait trouver quelqu'un pour me faire ça. Et ce qu'il a fait est top ! Il a vraiment un truc. 

Et il a gardé l'esprit de l'imagerie d'Hypocrisy aussi ?

Ouais, carrément, il a tout créé? Je lui ai juste dit que je voulais des pyramides et que les croix ressemblent à des vaisseaux spatiaux comme dans les années 70-80, un peu à la manière des pochettes d'albums de Boston par exemple, tu vois ? Ils avaient toujours des vaisseaux dans l'espace avec leur logo sur leurs pochettes, ou façon Electric Light Orchestra aussi. J'ai toujours trouvé ça très cool !

Est-ce qu'il y a morceaux que tu as composés qui n'ont pas fini sur Worship ?

Non, j'ai tout pris ! Ils voulaient garder des bonus tracks pour plus tard, mais je n'avais pas envie, je leur ai dit : "non les fans ont attendu trop longtemps déjà, on leur donne tout !". On verra quand on se remettra à écrire plus tard !

Tu as enregistré et produit de nombreux albums culte de groupes comme Dimmu Borgir, Immortal, Children Of Bodom. Il y en a un sur lequel j'aimerai revenir c'est à propos de Monotheist de Celtic Frost que tu as enregistré, mixé et produit. Comment s'est passé le fait de travailler avec Tom G Warrior, et le fait d'enregistrer Celtic Frost ? Est-ce que tu as des anecdotes à ce sujet ?

C'était génial ! Ils étaient très nerveux, ils avaient peur de ce que pouvaient penser les gens, il y avait pas mal de tension dans le studio. Ils étaient très bien préparés par contre. J'aime pas trop le chant clair, mais finalement quand tu écoutes l'album en entier, tu vois que c'est cool, et qu'ils ont fait du bon boulot.

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