Interview Elysian Fields

par Angel O (12/11/2006)

Elysian Fields, mais aussi La Mar Enfortuna, Lovage ou vos activités respectives en solo, est-ce que vous avez besoin de projets stimulants pour être davantage créatifs?
Jennifer : Non, je ne pense pas. J'ai une grande imagination. Si l'on me déposait sur une plage abandonnée, j'aurais encore beaucoup d'idées.

Le dernier album de Elysian Fields, Bum Raps & Love Taps semble s'inscrire dans une veine plus réaliste, sans doute du fait de la mort de la grand-mère de Jennifer, ou de ce que vous avez vécu ensemble avant l'enregistrement (ils se sont séparés), vous êtes d'accord avec une telle vision?
Oren : C'est vrai qu'on a connu des moments difficiles, plus qu'à l'accoutumée, et cet album reflète ça inévitablement. Mais, il y a aussi un processus de composition qui a été plus riche, avec l'intervention de musiciens talentueux qui font partie de notre histoire depuis longtemps comme Ed Pastorini, ou qui l'ont rejointe depuis quelques temps comme Thomas Bartlett.
Jennifer : Il y a une progression naturelle quand tu sais où tu veux aller musicalement et où tu en es actuellement. Je nous trouve plus matures. Et puis il y a une certaine liberté à n'avoir personne sur ton dos pour te mettre la pression ou te coincer avec ses propres attentes. On n'a pas de label, on fait de la musique avant tout pour nous-mêmes. Ce n'est pas comme ci un type plein de pognon nous disait "allez; faites donc un produit que les gens adoreront". C'est juste nous, nos amis, notre musique, comme une famille.

La couverture de cet album est vraiment intéressante, vous pouvez m'en dire plus?
Jennifer : C'est le travail d'un étonnant photographe et un véritable artiste. Cette photographie a été prise en Pologne, ça a à voir avec le ton de l'album. Tu vois quelqu'un qui a vécu avant toi, quelqu'un qui a vraiment traversée toute une vie, avec tout ce que cela suppose de difficultés.
Oren : Pour moi, cette image montre comment le monde traite les gens.
Jennifer : La fumée tout autour de lui, c'est comme une aura, un souffle de vie qui s'en va. Je vois ça comme quelque chose de mystique, un esprit  sorti de la lampe, une âme.
Oren : C'est une photographie de l'âme. Comme tu le sais, on a perdu quelqu'un avant d'enregistrer ce disque. Il y a une chanson qui revient sur le destin de cette femme, et une photo d'un homme, les deux sont liés, je trouve qu'ils vont bien ensemble.

Votre musique est remplie de rêves, de sentiments et de fantasmes, pourtant vous avez souvent une approche plus intellectuelle au moment d'en parler, comment les deux se connectent?
Oren : Bien sûr quand nous composons, nous nous efforçons d'y mettre tout notre coeur. Mais quand c'est terminé, nous parlons de quelque chose de passé, que nous avons fait à un moment donné de notre vie, et qui n'est déjà plus vraiment nous. C'est pour cela que ça devient comme un retour sur soi-même, avec toutes les réflexions qui peuvent en être tirées. Ce n'est pas que nous voulons mettre plus de sens à ce que nous avons fait, c'est simplement un retour sur soi.

Qu'est-ce qui vous inspire quand vous composez? Qui des mots ou de la musique vient en premier?
Jennifer : Mes passions, mes peurs, mes amours, mes rêves et mes obsessions. Des choses qui ont trait à la vie comme à la mort.
Oren : Je me demande toujours ce que je pourrais faire de mieux ou de différent par rapport au disque précédent. Je pense aux futures chansons, comment elles pourraient être, elles tournent dans ma tête. Pour moi, c'est une nouvelle chance de progresser.
Jennifer : J'écris d'abord des bribes de textes, j'essaye de rendre mes mots musicaux pour qu'on puisse dénicher une mélodie, mais en fait ça dépend. Parfois la mélodie est déjà là et je crée quelque chose qui lui convient.

Est-ce que l'enfance est importante dans vos créations?
Jennifer : Chaque adulte porte un enfant en lui. C'est encore plus évident passé un certain âge. L'enfant n'est pas nécessairement pur, mais il est bien davantage naturel. Il a une certaine liberté parce qu'il n'a pas à suivre les règles qu'un adulte est supposé suivre, la façon d'agir qu'un adulte est sensé avoir. Quoique l'enfance signifie, ça peut être douloureux, mais c'est très important de rester en phase avec elle. Les enfants ont par rapport à nous quelque chose en plus, ils absorbent les choses, ils sont bien plus ouverts.
Oren : On est vulnérable à cet époque de la vie. C'est là que tout se met en place, la compassion, la compréhension, l'ouverture sur le monde. Tout ça a des résonnances. Il faut y prêter grande attention.

Quels groupes vous inspirent? J'imagine que Billie Holliday et Ella Fitzgerald ont eu leur importance pour toi Jennifer?
Jennifer : Oui, bien sûr, surtout Billie Holliday. Mais il y a tant d'autres choses par lesquelles je suis passée.
Oren : Je propose que chacun de nous trouve 10 artistes que l'autre aime par dessus-tout (NDLR : Jennifer semble hésiter, mais Oren se lance) . Jennifer était une grande fan de A.M. Radio quand elle était gamine, elle connaissait super bien toutes les chansons, même si elle ne savait pas forcément aussi bien de quoi elles parlaient. Elle aime profondément la musique classique, Chopin et les choses comme ça. Aussi beaucoup de jazz, Billie Holliday, des choses plus modernes avec des musiciens comme John Coltrane ou Archie Shepp. Charlie Mingus aussi. Elle aime les Beatles, Nick Cave. Oh et puis des musiciens un peu ambigus et sexy comme leur musique, David Bowie. Ou des musiciens vulnérables et forts à la fois comme Jeff Buckley.
Jennifer : Les gens qu'Oren aime par-dessus tout... Joni Mitchell, les Beach Boys... Kurt Weil.. Chaka Khan... (elle hésite longuement). Je ne sais pas, j'essaye de citer ceux qui comptent le plus, ils ne sont pas si nombreux. (NDLR : ils discutent entre eux, Oren s'amuse de ses difficultés à en citer autant)
J'ai écouté encore d'autres choses aussi importantes. J'aimais beaucoup la vague post-punk, Joy Division, Siouxie & The Banshees. Même le punk, The Clash quand j'étais adolescente. Et ensuite est venu le jazz. Mais j'écoute tellement d'autres choses, la musique africaine, des gens comme Fela Kuti.

La Mar Enfortuna devrait revenir cette année avec une second album, quelles nouveautés pouvez-vous annoncer?
Oren : On voudrait élargir encore l'univers musical. Le premier album s'intéressait à la littérature médiévale, et la musique sépharadique sur plusieurs siècles (NDLR : du 11ème au 16ème). On aimerait explorer de nouveaux territoires, avec de nouvelles vibrations. Tout est entremêlé quand il s'agit de cette musique venue de la péninsule ibérique. C'est juif, maure, celte, caribéen. Le chant est en ladino, arabe, en anglais. Aucune culture n'est jamais uniforme, tout est métissé. Pour la musique, ça ira du jazz aux musiques orientales et latines, en passant par le folk et le rock, toujours avec des réarrangements. Cela sortira encore sur le label de John Zorn, Tzadik.

Tu as également des projets solo, y aura-t-il une sortie de disque?
Oren : C'est toujours marrant ce mot de sortie pour moi (NDLR : le mot anglais release suggère aussi une libération). Tu sais, j'ai ma liberté. J'ai déjà mis 3 morceaux sur ma page myspace. Ils ont été produits avec Jennifer, j'ai des amis musiciens qui jouent dessus dont l'un joue dans Doveman, le groupe de Thomas, notre clavier pour Elysian Fields. Je ne prévois pas de sortir de disque, mais peut-être des morceaux sur internet pour une poignée d'euros si les gens veulent vraiment les avoir et que j'ai un deal pour ça.

Il y a une chanson qui porte le nom de l'astrophysicien Stephen Hawking, tu peux m'en dire plus?
Oren : Je m'intéresse à énormément de trucs, et ce type est un tel génie, le successeur de Newton. Ceci dit, laisse moi te raconter un truc. Tu sais qu'il a quitté sa femme pour son infirmière. Et il n'y pas si longtemps, il s'est cassé le poignet. Il ne peut pas bouger, à peine un doigt. Alors comment un truc pareil peut arriver?  Moi je pense qu'il est est encore mobile, et c'est pour ça qu'il a pu quitter sa femme pour son infirmière, plus jeune (tout le monde se marre).

Et toi Jennifer, un nouvel album de Lovage, c'est envisageable?
Jennifer : Je ne peux pas te dire pour le moment. Wait & see...

Très bien, merci à tous les deux.
Merci à toi.

 


 

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