Les anecdotes de tournée n°4
par Pentacle (15/01/2021)
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Dans cette période sans concerts on a eu envie de vivre quand même un peu cette ambiance particulière. Du coup on a demandé à plusieurs musicien.ne.s de nous raconter leurs anecdotes de tournée. En effet être dans un groupe ce n'est pas tout le temps évident et ça l'est encore moins de tourner pour jouer en concert. D'un point de vue extérieur, on peut avoir l'impression que le groupe monte sur scène, joue ses morceaux et puis tout roule et on recommence le lendemain. Sauf que la réalité des tournées est toute autre : tourner en van, entassés à plusieurs ce n'est pas que du fun, les accueils craignos sont légions et les galères peuvent tomber à tout moment. C'est aussi des anecdotes marrantes, des rencontres étranges, des situations ubuesques et tout cela fait en quelque sorte partie "du jeu". Ainsi, qui de mieux pour parler de ces choses là que les groupes eux-mêmes ? On a donc recueilli plusieurs témoignages de musicien.ne.s qui nous racontent quelques anecdotes de tournées et on poursuit cette série d'articles avec Davy (No Vale Nada), Titouan (Stinky) et Abel (Head Records, Morse)
Davy (Chant - No Vale Nada)
Pour commencer, faut savoir qu'on est plutôt chanceux avec les plans galère, hormis un van épave sur l'autoroute, un set écourté, deux / trois contrôles conviviaux... pas de quoi chialer. Mons, Belgique, troisième date de notre tournée avec les copains de Dead Kiwis. On arrive donc sur place, on gare le van loué juste devant le bar ; on est consciencieux surtout avec les choses qui ne nous appartiennent pas bref, on réalise là, un magnifique créneau et on check les lieux. Au menu du catering : une salade de taboulé grosse comme une pomme et du pain rassis. Les concerts se déroulent dans la bonne ambiance, les gens présents acceptent de supporter nos trognes de moches, les pauvres.
Arrive ensuite le sleeping. On dort où l'on peut : directement dans la salle de concert, sur le carrelage, les banquettes boisées, bref, on se démerde comme d'habitude, pas de quoi se plaindre, on a un toit. Une porte, donnant sur la scène, conduit à l'appartement du patron. Réveil bien matinal, une voix teintée de romance résonne et je sens des coups donnés à ma tête. C'était la meuf du tenancier qui voulait se barrer et qui forçait, avec tant de douceur, cette porte, pensant sans doute qu'il y avait un baffle ou quelque chose de suffisamment lourd pour la bloquer (je vous laisse imaginer sa détermination). Mais c'était juste ma tête. Je me lève et là je vois Yann, le batteur de Dead Kiwis déjà réveillé, plein de sérénité. Ça sentait pas bon. Tout en s'étirant, il nous apprend que le van a disparu. Je crois d'abord à une blague. Mais non, à travers la vitre du bar, on découvre un marché et un stand de poisson à la place de notre van. Yann avait vu la fourrière qui enlevait le van, pendant la nuit. Problème, le mec du bar avait tout bouclé, impossible de sortir.
Le tenancier se réveille, on lui explique le truc et là, zéro réaction. Je crois n'avoir jamais vu une personne aussi dépourvue de vie. Il avait vu notre camion la veille et savait où on était garé (je précise que rien n'indiquait un stationnement gênant). D'habitude, on a toujours une remarque du genre « allez vous garer plus loin, trouvez un parking gratuit » etc. Mon chanteur, Davy, et Paul, bassiste de Dead Kiwis, sont donc partis rechercher le van, à pied, à l'autre bout de la ville. Deux heures plus tard, on reprend la route vers la quatrième date belge avec le van, mais les cachets de nos soirées précédentes en moins, c'est cher la fourrière en Wallonie.
Bons baisers de Belgique.
Ca s'est passé près de chez nous durant l'été 2016. Avec No Vale Nada on était invités à jouer sur un festival dans un champ organisé par des amis, le bien nommé Rock'n'Fist et avec pleins de bons groupes (Anna Sage, Dead Kiwis et bien d'autres). Par la même occasion c'était l'anniversaire de notre batteur qui voulait faire quelque chose de spécial pour fêter ça, et ayant tendance à aimer le feu (qui a dit pyromane?) je lui propose de brûler sa batterie à la fin du concert (hommage à Johnny toussa toussa, ahah). Nous arrivons sur le lieu et on voit l'organisateur qui nous accueille tout sourire et nous donne notre heure de passage. On en profite pour lui dire qu'on souhaite mettre le feu à la batterie à la fin de notre set et il explose de rire. On lui dit être sérieux et du coup il change un peu ses plans et nous avoue avoir un peu peur. En effet, la grosse canicule et la paille un peu partout dans le champ ne font pas forcément bon ménage avec notre idée.
On se retrouve a clôturer le fest et à 5h du matin, on commence le tout remontés à bloc. Tellement que la batterie qui devait brûler, voit sa peau de grosse caisse lâcher à la fin du premier morceau... Sauf que le guitariste et moi-même n'avions rien vu et qu'on s'en est aperçu alors qu'on était en plein trip Noise et qu'on a vu la grosse caisse voler dans la fosse. On éclate de rire et continue sur une petite impro guitare / synthé pendant qu'on nous remet une grosse caisse neuve. C'est reparti. Durant tout le set, la grosse caisse percée slamme dans le public, qui nous la remet sur scène, on prend le temps de leur renvoyer non sans embarquer des pieds de micros et autres câbles dans l'affaire. Tant qu'a foirer les choses autant le faire comme il faut.
Arrive le dernier morceau puis à la fin notre batteur retrouve la star de la soirée et l'emmène avec lui sur le côté de la fosse avec de quoi lui faire sa fête. Après deux / trois tentatives, la grosse caisse prend feu sur un fond de Noise halluciné, le public surexcité est aux anges et notre pote de l'orga arrive en courant avec un extincteur pour éteindre tout ça. Pour la petite histoire, un mec du public a récupéré l'objet un peu cramé et en a fait...un panier à linge ! Rock'n'Fist forever !
Titouan (Guitare - Stinky)
XtremeFest (Albi) + Actitud Festival (Vidreres - Espagne) août 2017.
Grosse journée, on le savait, faire deux dates le même jour avec 4h de route entre les deux, ce n’était pas l’idée du siècle mais bon, l’envie était là et on avait un karma à inverser suite à une annulation l’année précédente. Le concert du samedi sur le site de l’Xtreme Fest avait été un super bon moment pour nous, on avait fait une belle soirée derrière, donc forcément, une petite nuit. On se présente sur le camping de l’Xtreme Fest le dimanche en fin de matinée pour le concert dans la Xcage, c’était la première fois que le festival mettait ça en place, on ne savait pas trop à quoi s’attendre d’un concert au milieu d’une cage d’acier le dimanche midi, dernier jour du festival et en plein cagnard. Grosse surprise, aucune déception, une ambiance énorme avec des gens finissant leur soirée/commençant leur journée, circle-pit autour de la cage, les gens se jetant dessus, nuage de poussière, sueur et sourires partout. On a un peu lutté sous le soleil, il faisait vraiment chaud, on n’est pas du sud nous, mais quelle ambiance ! Une belle impression d’avoir vécu un concert unique. Pas le temps de s’éterniser, on est déjà en retard sur le planning prévu pour la journée, on dit au revoir à la Zguen team, le temps de remercier tout le monde présent et de ranger le merch sauvage qu’on avait installé pour les personnes intéressées dans le coffre du camion et nous voilà partis pour l’Espagne. On roule sans pause, nageant tous dans la sueur et la poussière du Tarn. Quatre heures de route plus tard, le temps du check-in à l’hôtel on arrive sur le site du festival. On est à la bourre, à peine le temps de dire bonjour à l’organisation et aux techniciens qu’il faut être sur scène. Là ça pique un peu, quatrième date en trois jours on sent la fatigue et le set du midi dans les cordes vocales. Par contre, Espagne oblige, on peut jouer très fort. Une fois le set passé on prend le temps de se poser, de rencontrer les gens, discuter avec les Birds In Row. On finit la soirée à fêter l’anniversaire de notre batteur sur le trottoir, usés mais contents, bien conscients que l’opportunité de vivre ces moments est une chance. Deux journées en une.
Liberec - République-Tchèque, novembre 2016.
Un lundi soir en République Tchèque, il fait un bon froid de novembre (-5°C) en Europe centrale, on joue lors d’une soirée Crust / Hardcore avec cinq autres groupes. Il ne fait pas chaud dans la salle et comme souvent à l’étranger, tout le monde clope partout, le sleeping se fait au-dessus de la scène dans un grenier bas de plafond et blindé de matelas qui ont vu passer pas mal de monde. On se rend bien vite compte que tous les membres des groupes ne pourront pas tenir dedans. On constate également qu’un groupe vend un perfecto pour enfant tout à fait original, probablement récupéré en friperie et ensuite sérigraphié avec le logo du groupe qui avait bavé dessus ? Je n'ai jamais revu un truc similaire depuis ! Il y a pas mal de monde pour un lundi soir, c'est la grosse ambiance et à la fin des concerts, c'est party time ! Son à fond, clope à fond, bière à fond, chien à fond, froid à fond. La fatigue se fait sentir dans l’équipe, on voit bien qu'étant données les conditions, le repos ne sera pas pour ce soir. Ceux qui ont besoin de retrouver des forces vont tenter de dormir dans le camion, pour les autres c’est « bière jusqu’à plus soif pour avoir chaud », on dormira tous habillés, bonnet compris, dans les duvets à même la scène. Pas vraiment le souvenir d’avoir dormi d’ailleurs, au réveil c’est café chaud en ville avec l’équipe qui a dormi dans le camion. Ils nous racontent avoir vidé les vêtements qu’ils ont trouvé dans les sacs pour ne pas crever de froid. On remonte dans le camion avec des petits yeux, il faut rouler jusqu'au prochain concert.
Abel (Head Records, Morse)
Je suis souvent allé en Espagne avec différents groupes : Tantrum, Spinning Heads… On a toujours passé de super moments là-bas avant 2008 et la crise financière. On avait passé une soirée avec des gars dans un petits village proche de Barcelone, ils étaient tous tarés, surtout un, ses amis l’appelaient Animal. Toute la soirée ils nous ont dit « c’est un animal », je me rappelle même plus du concert ou de la salle, juste que le sleeping était crade et qu’on s’en est aperçus que le lendemain au réveil. Il faisait noir quand on est arrivés. Et puis la douche putain, c’était chez un gars, mais je pense qu’il devait y avoir le typhus ou la malaria dans cette salle de bain. Ça me rappelle le chiotte le plus crade que j’ai jamais vu. C’était un bar en Suisse où les Knut nous avaient amené un soir, un long couloir immonde. Tu as vu Trainspotting ? Pareil. En Espagne on avait dormi dans un squat à San Sébastien, c’était génial on aurait dit notre local de répèt. Seulement, les gars avaient fait une rampe de skate dedans. Je me rappelle il y avait une tempête dehors, le vent soufflait grave et la moitié du bâtiment s’était écroulé ou avait été détruit, alors les gars l’avaient fermé avec des bâches en plastique. Toute la nuit la maison se gonflait et se dégonflait avec le vent. La nuit a été courte. Et puis le lendemain matin, on s’est aperçus qu’on était dans une zone industrielle à côté d’un truc de stockage de pétrole et la rivière qui passait à côté puait les hydrocarbures.
Ça me rappelle aussi une tournée en Italie avec les Marvin et Shub. J’avais conduit 13 heures, on est arrivés dans cette zone industrielle à Bologne, je me suis endormi sur un matelas juste derrière la scène. Quand je me suis réveillé, j’ai demandé aux groupes : vous jouez quand ? Ils venaient de finir. Après si tu veux des trucs débiles à raconter, un fameux groupe parisien qui a fait son dernier concert en décembre 2019, était connu pour faire les cons à l’époque. Il y a 15 ans, ils avaient fait passer l’appart d’une fille par la fenêtre de la salle de bain. TV, meubles… la classe quoi. En tournée avec Year Of No Light en Suisse, à la Chaux de Fond, le sonorisateur fait le son le volume à
fond et puis met des bouchons d’oreilles, mais comment peut-il travailler ? Ce soir-là j’avais trouvé un guitariste qui faisait l’hélicoptère avec une partie intime de son corps sur le parking. La fin de soirée a dû être folle je pense. Après tu vois, le truc que je préfère quand même c’est être sur scène et rentrer dans le public. Avec Morse, mon groupe actuel, on fait ça. Jean Marc notre chanteur rentre dans les gens littéralement, j’ai des photos on dirait une baston. Quand les gens marchent au plafond généralement c’est bon signe. Un jour il avait mis un coup de pied à une table mettant par terre trois ou quatre pintes de bière. Ça avait pas plu aux gars, mais Jean Marc leur avait dit au micro, « si vous êtes là pour boire tranquille, y a un bar en haut » ha ha au top le Jean Marc !
Avec les Spinning Heads encore, on avait passé la nuit dans le camion derrière les chasse-neige à rouler à 60 km/h. Jusqu’au moment où les chasse-neiges se cassent et c’est toi le chasse-neige en pleine tempête, tous les véhicules nous suivaient derrière et les camions hollandais nous doublaient à fond la caisse. Pareil en Russie en 2019, tempête de neige, obligé de s’arrêter car les camions n’avançaient plus, la neige se stockait dessous, les chauffeurs devaient sortir avec les pelles pour l’enlever… Un Canadien me disait que lui et son groupe étaient rentrés dans un orignal en tournée, le truc c’est aussi gros qu’un cheval, l’animal était mort sur la route et leur camion était sur le côté, les roues en l’air. Lui, il était en train de fumer une clope dans une couchette, il s’était retrouvé debout en train de fumer. Étrange sensation !