Coilguns
par Euka (02/03/2018)
Souvenez-vous, nous avions fait plusieurs interviews de Coilguns pour leurs précédents opus, avec à chaque fois un groupe loquace, qui n'hésitait pas à détailler au maximum ses réponses. Lorsque l'occasion se présente à nouveau, nous ne pouvions pas refuser !
Hello Coilguns. Comment allez-vous ? Cela fait un bail que nous n’avions pas échangé (2013) !
JONA : A un mois de la sortie du disque et la première tournée de Coilguns depuis 2014 c’est intense. L’atmosphère est cependant plutôt bonne, les disques sont là, les choses se passent et on se réjouit de défendre Millennials avec le couteau entre les dents.
Quel est le concept derrière Millennials ? Le terme est en effet utilisé pour désigner une génération de jeunes adultes actuellement.
LOUIS : Pas de concept - juste ce mot. on est bien paranos des étiquettes, alors justement quand on nous en colle une, on en fait un nom d'album, pour être sûr de pas en faire partie. génération ashtag toi-même. génération toi-même, d'ailleurs. La plupart des textes sont des réflexes paranoïaques.
Quelles ont été les influences pour ce nouvel opus ? J’y ai entendu à nouveau du Breach pour certains titres par exemple, tandis que sur Commuters c’était plutôt Botch. Est-ce que tu retrouves, en réécoutant Millenials, des influences de ce que vous avez écouté lors de la composition et l’enregistrement ?
JONA : On a surtout écouté GOAT pendant l’écriture de Millennials.
Breach est une influence évidente de Coilguns. Un petit peu dans la riffaille mais surtout dans l’intention et l’attitude. Loin de moi l’idée de nous comparer à eux, c’est simplement un groupe inspirant. C’est comme si à travers le son de leurs disques on avait compris leur propos et qu’on essayait de passer le message à notre façon tu vois?
Lors de notre dernière tournée en 2014 on avait déjà évoqué l’hypothèse d’aller vers quelque chose de plus tribal et massif ainsi que « noircir » l’adn même du son de Coilguns.
L’artwork de ce nouvel album est un négatif du précédent. Qui l’a réalisé et quelle symbolique y est associée ? Il me fait un peu penser au Plot Sickens Enslavement Redefined de His Hero Is Gone.
LOUIS : Tu dis négatif en terme de couleur ? tout l'habillage visuel de ce disque, livret, artwork et clips a été réalisé par Noé Cauderay. Cette image était déjà existante au moment où je lui ai demandé de nous laisser l'utiliser comme cover.
C'est à lui qu'il faudrait poser la question... je crois que c'est assez parlant en même temps, et surtout en ce moment il vit à Yogyakarta (Java) je crois, et en général il ne donne aucun interview. C'est quelqu'un d'assez peu intéressé à s'expliquer autour de son art, pourtant passablement prolifique. Ce que je sais c'est que je me sens proche de lui et de son travail, et qu'il s'est reconnu dans le son de ce disque. A noter que le layout est, comme pour Commuters, un travail de Gaspard Gigon / Spitzhorn. Ce dernier nous a d'ailleurs retapé tout notre back catalogue, qu'on represse chez Hummus - on aime bien le contraste entre les préoccupations de graphiste de Gaspard et le boulot "hands on" de Noé.
JONA : Je suis pas sûr de comprendre la question. L’artwork n’est pas du tout le même. L’illustration de Commuters représente une fraction d’une grande fresque représentant une vague et Millennials c’est des petits couteaux.
Vous êtes maintenant 4 au sein du groupe. Est-ce que cela a relancé une nouvelle dynamique ? Est-ce que Luc t’aide toujours à composer ?
JONA : Donatien s’est rendu immédiatement indispensable. Il fait des percus, du synthé, des backings et parfois tout en même temps. Il est taillé pour la route, ultra fiable et il a la bonne énergie pour être dans ce groupe. La dynamique au sein de Coilguns n’est pas différente mais ses ressources ont été augmenté.
Pour la première fois tous les titres ont été écrit de A à Z en groupe. Le but de s’enfermer pendant un mois loin de tout était de TOUT faire ensemble et nous-mêmes. Luc a écrit certains riffs et est à la base de plusieurs morceaux de Millennials. Louis faisait office de chef d’orchestre pendant la composition car il sait écrire des vraies chansons.
Pour moi, « Menières » est LE titre de l’album, avec un côté hypnotique. Est-ce en lien avec la maladie du même nom ?
LOUIS : ben j'ai quand même fini par être à moitié traumatisé de l'oreille gauche à la fin du mixage de ce disque... et selon moi une écoute complète de ce disque au juste volume est assez nocive pour la santé.
niveau texte, faire ce genre de musique c'est comme s'aventurer en caravelle jusqu'aux confins du monde connu, et s'attendre à tout moment à basculer au bord de la plaque terrestre, tomber dans le néant, le rien, la surdité.
Comment s’est passé l’enregistrement ? En live ou de manière ultra scindée ? D’ailleurs, la prod est assez massive, qui s’en est occupé ?
JONA : On a loué une petite barraque paumé dans la campagne allemande. On s’est pointé avec de quoi monter un studio analogique 16 pistes et on a installé la batterie dans la chambre de Luc, mes amplis dans la cage d’escalier et la régie dans la chambre à Louis. C’était l’hiver, on se chauffait au bois et on fumait des immenses pétards. C’est Louis qui s’est occupé de toute la partie technique; enregistrement, mix et mastering.
LOUIS : On a écrit le disque derrière les micros, on développait le son en même temps que les compositions. Bosser sur bande te force à faire ce genre de trucs et c'est tant mieux. A la fin de l'enregistrement, on connaissait le son final, le mix était fait dans les grandes lignes. On a bossé directement à la prise avec les compresseurs de mastering allumés, pour être sûr que l'album serait toujours compréhensible une fois bousillé par la compression. La table son (une bête mais brave midas 24 pistes de live) doit en avoir encore mal au bus de sortie. Une fois le processus terminé, par conscience professionnelle et par curiosité on a demandé à Magnus (Lindeberg de Cult Of Luna) de nous faire un master alternatif. ça nous faisait flipper d'envoyer ça sur du vinyl sans l'avis d'un expert. il a fait comme d'habitude un super boulot, hyper pro et à l'écoute du truc. Sa version du master digital nous faisait moins marrer par contre, mais c'est normal. on voulait que ce soit trop fort, c'est comme ça que ce disque a été conçu dès le début. Et quand il s'agit d'exagérer, on est jamais mieux servi que par soi-même.
JONA : Après avoir passé 3 semaines à écrire ces morceaux, déplacer et essayer des micros, tester comment rentrer le plus fort possible dans le 16 pistes Tascam, on a pris environ 4 jours pour tout enregistrer de manière définitive. Pour les prises de batterie, j’accompagnais Luc à faible volume, puis après j’ai ré-enregistré mes guitares en overdubs. On a bien sur jamais utilisé de click (métronome) et comme on enregistrait sur band, chaque prise qu’on gardait devait être bonne du début à la fin. On a donc enregistré de manière séparée mais chaque piste en one-shot.
Il y a deux titres assez courts, « Music Circus Clown Care » et « Wind Machines For Company ». ont-ils été composés différemment par rapport au reste du disque ?
JONA : Absolument pas. C’est juste que si on considère déjà que tout le disque est relativement indigeste, imagine si ces deux morceaux (qui foutent relativement le dégueuli) faisaient quatre minutes chacun….
Quel regard portes-tu sur vos premières sorties ?
JONA : Malgré le ton un peu décalé et nihiliste du début, on a fait les bons choix au bons moments et on a laissé les choses se faire naturellement. Coilguns est un projet cohérent et légitme depuis ses débuts jusqu’à maintenant. C’est assez marrant de parfois se repasser les premiers EP de et de repenser à l’état d’esprit dans lequel on était à ce moment là, ce à quoi on aspirait, ce qu’on branlait de nos vies, ce qu’on projettait…et ensuite de voir où on en est et à quel moment, quel décision a fait que 7 ans plus tard on est toujours en train de mettre toute notre énergie dans un groupe de punk-hardcore.
Quels sont les prochains projets pour Coilguns ? Louis, peux-tu nous parler un peu de tes projets perso ? Et de mémoire, vous avez tous d’autres projets à côté, quelles sont leurs actualités ?
JONA : Tourner le plus possible et brûler tous les clubs dans lesquels on va jouer. Du 14 mars au 1er avril en Europe puis quelques shows avant la saison des festivals. On sera sur la route (par périodes) pour les deux prochaines années en tout cas. On va également commencer à écrire le prochain album.
Luc et moi on a tourné pendant presque trois ans avec notre duo instrumental Closet Disco Queen. Là on joue quand on nous invite et dès qu’on s’emmerdera cinq minutes on aura vite fait d’enregistrer un nouvel album.
On a également monté un projet avec deux producteurs de musique éléctonqiue (Gaspard de La Montagne et Isolated Lines). Le groupe s’appelle Sombre Sabre et tend vers un truc un peu techno-industriel-post-machin-jsaispasquoi. C’est assez super mais encore frais. On a eu la chance de faire des gros festivals en Suisse. On peut aussi noter que Gaspard de La Montagne c’est le colloc à Luc, le responsable (avec Prune Simon-Vermot) de l’artwork de Commuters et c’est aussi lui qui s’est occupé de tout le layout de Millennials ainsi que de toutes les ré-éditions.
LOUIS : je viens de terminer une grosse tournée d'une soixantaine de date avec Autisti (un projet 90's rock avec Emilie Zoé et Steven Doutaz) et on pose le groupe un moment. je crois que je viens de terminer le mixage d'un nouveau disque solo pour moi, mais je suis pas encore sûr, ou alors je réalise pas trop, on verra. j'écris de la musique pour du théâtre ici en Suisse et c'est le bordel à coordonner avec les tournées. j'ai une résidence de 5 soirs au Cully Jazz Festival en avril, ce sera l'occasion de réunir plein de potes pour faire 3 sets par soir (Coilguns, Kunz, Noyades, Louis Schild, Dragos Tara, Prune Carmen Diaz...). Et surtout on montait au début de ce mois une troisième édition d'un festival que j'ai initié sous le nom de Some Of The Missing Ones, c'est une sacré grosse aventure, entre songwriting, micro-édition DIY, archives instantanées... ça réunit beaucoup de monde et d'énergie, c'est un truc beau et intense, la vie en vrai quoi.
La dernière fois Jona, tu nous avais fortement vendu Cortez et Rorcal. Est-ce que tu as d’autres découvertes à nous faire partager ?
JONA : Actuellement je pense que le meilleur groupe du monde c’est les genevois de H E X. Pour les initiés c’est déjà un espèce de super groupe (avec des membres d’Equus, Shora, Forceed, Shelving etc..) et en plus ils ont été rejoint récemment par Laure Betris qui se produit sous le nom de Kassette et qui est une des perles de la scène Suisse indé. Ca fait quatre ans que je leur cours après pour sortir leur disque et ENFIN j’ai réussi à les avoir (à l’usure sans doute). Ils sortiront leur premier album ce printemps sur mon label Hummus Records.
Une autre artiste à suivre IMPERATIVEMENT c’est Emilie Zoé. Son premier album Dead-End Tape est tellement…pfouah je sais même pas quoi dire… Dans mon top 3 de 2016. Bien sur, le disque a été produit par Louis, enregistré sur un quatre pistes cassette et ça fout la nique à toutes ces productions léchées et chiantes de gens qui n’ont rien à dire. C’est un peu nul je cite que des artistes de mon label…et en même temps ben c’est comme ça.
Après y’a pas mal de bordel qui se passent en Suisse en ce moment et si vous êtes curieux vous pouvez aller faire le tour des catalogues des labels suivants : Sbire, Division Records, Burning Sound, Cold Smoke Records, Cheptel Records, Czar of Crickets, A Tree in A Field Records etc…
Egalement, nous avions fait le comparatif entre voyager, composer, enregistrer, … Est-ce que tu as pu profiter de nouvelles expériences depuis le temps ?
JONA : Personnellement depuis 2012 il s’est passé pas mal de trucs. J’ai eu la chance de partager la scène et un album avec le batteur hongrois Balasz Pandi avec lequel j’ai été initié à la musique (ou plutôt le bruit) improvisée, j’ai appris à travailler sur des créations uniques en résidence et dans des lieux particuliers, mon approche et rapport à la musique a extrêmement évolué…On est aussi plus confiant dans ce que l’on fait et on assume véritablement ce que l’on fait : la même merde que d’habitude mais avec les couilles sur la table. Ca compte comme nouvelle expérience ?
Est-ce que vous constatez une manière différente d’aborder les shows maintenant ? Toujours aussi chaotiques ?
JONA : Le set étant un peu moins « frénétique » et Louis tenant la guitare de temps à autres, je dirais que le public a maintenant la possibilité de souffler sur certains titres. Le challenge -déjà maintenant mais aussi à long terme- est de garder la même intensité et de foutre autant les boules sans nécessairement marcher au plafon ou tabasser tout le monde. Exemple: écrire des morceaux qui font encore plus peur et jouer plus fort.
Etes-vous toujours en contact avec les autres membres de The Ocean ?
JONA : beaucoup avec des ex-membres comme le bassiste Chris Breuer (qui avait remplacé Louis). Il joue dans un band de noise-rock MORTEL qui s’appelle HEADS et son label Crazysane Records est super. Il a notamment sorti deux ep de Closet Disco Queen. Le mec qui m’avait remplacé (Damian Murdoch) est devenu un bon pote (et il a depuis aussi quitté The Ocean). Loïc a toujours été un pote, on se croise de temps en temps car il vit en Suisse.
Est-ce que tu es toujours impliqué au sein de Hummus Records ? Si oui, quelles surprises nous réserves-tu ?
JONA : Plus que jamais. Après une période un peu désabusé où tout me faisait chier, la sortie de ce nouveau Coilguns et le fait que personne ne voulait sortir ce disque m’a forcé à me sortir les pouces du cul. Après avoir signé Coilguns en management chez AISA (All Independent Service Alliance), ils nous ont aussi offert un deal de distribution internationale pour le label et ils veulent nous aider à nous développer à l’international. « Millennials » sera la première sortie sur chez Hummus Records 2.0.
Hummus Records c’est aussi des événements unique -souvent pensé par Louis- tels que le Some of The Missing Ones Festival. On en est à la troisième édition et le concept c’est que tu vas voir un concert et en fin de soirée tu peux repartir avec un disque du même concert grâce à un système malin d’enregistrement et duplication instantanée. A la première édition c’était des cassettes, la deuxième des plexidisc et la troisième des CDs.
On a récemment lancé la collection de 7 pouces « Tahini » qui font un focus sur un artiste du label, enregistré et produit par Louis, pochettes sérigraphiés par Out of Gas à La Chaux-de-Fonds et petit showcases en magasins de disques pour la promo. A l’ancienne quoi!
La traditionnelle dernière question : ta bière préférée ?
JONA : Ma traditionnelle réponse : « J’aime pas la bière ». Ces temps, au-delà des simples shots de vodka, je suis à fond dans les bons gins et les cocktails de type blood mary, espresso martinin ou margarita.
Un dernier mot pour la fin ?
Chien