Interview de Houston Swing Engine (partie 2)

par Ban de Boute (15/03/2006)

Résumé de l'épisode précédent: les Houston Swing Engine sont Suisses et volent tous les riffs qu'ils entendent au cours de soirées reggae...

 

Danek, quand tu as commencé Houston Swing Engine, tu étais toujours avec Unfold, tu as eu une période de transition ?
Danek : Non, en fait j’étais toujours avec Unfold et d’ailleurs on a enregistré Aeon Aony après mon arrivée chez Houston Swing Engine.

Pure, je l’avais acheté il y a longtemps, j’ai mis du temps à m’y faire et par rapport aux productions qui sortent maintenant, on a le sentiment que vous étiez eu peu en avance…
Danek : Ouais c’est possible en fait.

Tout comme la scène Suisse est très active en ce moment…
Frank : La scène Suisse a la très grande chance d’avoir très très peu de médias spécialisés, t’as pas un truc pour relayer les groupes ; ça commence un peu mais, dans le même temps, c’est tellement petit, tu vois… Y’a une radio nationale, une télé nationale mais y’a pas de journaux spécialisés de musique à part un ou deux fanzines. Donc les groupes depuis des années se développent un peu dans leur coin et donc tu ne subis pas toutes les influences… Je regardais hier soir, par exemple, tous les groupes ont une intro et arrivent comme des gladiateurs. Nous, on arrive, on se branche et puis on joue. C’est un peu comme la Belgique. Les Belges ont toujours fait de la musique assez incroyable, assez novatrice ; moi j’adore les groupes comme dEUS ou…
Danek : Les Millionnaires !
Frank : Les Millionnaires, ouais, ce genre de trucs qui nous plait vraiment. Tu ne subis aucune influence, y’a pas de directeur artistique, on fait tout nous-mêmes pour la plupart.

Pourtant il y a plus de soutien aujourd’hui, on voit par exemple Cortez qui sort "Initial" sur Radar Swarm/Exutoire, deux labels bordelais, Knut qui bouge bien, on ressent un certain buzz…
Frank : Ouais c’est vrai, tout ça se développe en ce moment, tous ces mecs, comme Knut qui a été le premier groupe Suisse à signer sur un label américain (ndr : Hydrahead), se sont toujours démerdé eux-mêmes ; ils ont fait une tournée pourrave aux Etats-Unis dans un van. Ce qu’on a tous fait, de notre côté ; comme les mecs de Favez qui ont aussi signé aux Etats-Unis et sans vraiment l’apport d’une major, ce sont des structures très indépendantes…

Ouais, donc toujours dans des conditions très dures lorsqu’ils partent en tournée là-bas…
Frank : Ouais bah d’ailleurs ils ne partent plus depuis les Favez, ils n’ont plus envie !!!

Etes-vous déjà partis pour votre part, vous avez fait des concerts hors Europe ?
Frank : Non, ni avec Shovel, ni avec Eastwood.

Et vous êtes obligés de passer par la France pour vous faire connaître ?
Frank : Non mais bon, il y a surtout une vieille histoire avec la France depuis Eastwood en fait ; c'est-à-dire qu’on a vendu pas mal de disques avec Eastwood et Shovel, ce sont des noms qui restent un petit peu aujourd’hui… L’autre jour par exemple, je discutais avec les mecs de Vegastar qui sont de véritables fans de Shovel et d’Unfold ! On a pourtant toujours vendu tellement peu d’albums par rapport à ces mecs, mais dans le même temps on fait de la musique sans concession aussi. Moi, mon album de métal préféré au monde, c’est Aeon Aony d’Unfold, le plus méchant, le plus sale…

Mais c’est d’ailleurs le plus expérimental aussi…
Danek : Ouais, on recherchait quelque chose plus… Kafka ! Non, je ne sais pas, on ne s’est pas posé de questions non plus, on voulait faire ça, on l’a fait tout simplement.

J'évoque ça parce qu’il y a pas mal de groupes hardcore, voire plus costaux qui s’ouvrent à un moment de leur route à des choses plus ouvertes, un des derniers exemples c’est Shora.
Frank : Oui, leur dernier album est fantastique. Vraiment. Et puis Shora, y’a encore une différence tu vois, ils viennent de Genève et à Genève ce sont des puristes. Les mecs de la scène genevoise, ils ne rigolent pas avec tout ça ! Ils ont mis trois ans à sortir leur album, ils l’ont recommencé plusieurs fois, dans des minis studios. Ils sont devenus vachement plus sympas qu’à l’époque d’ailleurs… Ouais, tu vois ce sont des mecs que j’ai eu en interview aussi et ils me disaient qu’ils préféraient franchement tourner. Y’a pas ce truc qui nous oblige à passer à la radio, etc…

Le circuit classique quoi !
Frank : Oui, c’est ça ! Je pense que si tu développes une scène avec des gens… Je ne dis pas qu’il y a des groupes révolutionnaires en Suisse, à part les Young Gods…

Enfin bon, ça va, vous avez quand même une belle scène…
Frank : Une belle scène mais…
Danek : Une belle paire !
Frank : Une belle paire oui ! En même temps, qui se développe de son côté sans pour autant montrer son cul !

Et sinon, Frank, A Season Drive, ça donne quoi ?
Frank : On a arrêté en fait, on a fait deux albums… (petite discussion interne)
Danek : C’est Adolfo maintenant !
Frank : Non, le problème de A Season Drive c’est qu’on avait tous des occupations. A la base, j’avais monté le groupe tout seul à l’origine, dans mon coin pour faire un truc et puis on a monté un groupe avec Fig ; dans le groupe, y’avait Fabrice le batteur de Favez, Sandro le bassiste d’un groupe qui s’appelle Rosco, excellent, et Fig donc qui fait Gentlemen et d’autres choses et qui jouait dans un autre groupe à cette époque… Tout ça faisait qu’on arrivait pas du tout à se voir en répète pour faire des nouveaux morceaux et on a donc arrêté. On reprendra peut-être le truc dans trois, quatre ans si on est encore en vie, mais instrumental car je chante comme un pied…

Oui, tu jouais de la guitare aussi…
Frank : Oui je faisais guitare/chant, et même la batterie sur le dernier album, j’avais fait ça pour faire de la musique un peu plus…

Calme ?
Frank : Oui calme mais bon, à la fin, chassez le naturel et puis… On ne faisait pas du métal mais on jouait tellement fort que ça ressemblait plus à trucs noisy, anglais des années 90. C’était une autre expérience !

Vous avez tourné quand même ?
Frank : Ouais on a fait beaucoup de dates avec Favez qui nous ont un peu pris sous leur aile. Puis on a été en Allemagne ; en France, on n’a pas joué, on faisait vraiment ça pour se faire plaisir…

C’est de toute façon toujours assez difficile de venir jouer en France en général…
Frank : Ouais, ouais (hésitant)…

Non ?! Vous en pensez quoi vous ?
Frank : Bah écoute, le public français est très étrange en fait ; le public français est un public de fans, depuis les années 60 en fait. Et regarde ce qui se passe dehors...

Bah là, c’est blindé pour Aqme
Frank : Oui mais non, attends, ça ce n’est pas grave… Je te parle juste de l’attitude des gens. Je veux dire, nous, on est des gens normaux euh… Lui il fait caca tout le temps, tu vois ! (en désignant Danek)
Danek : Je peux te montrer !

Sur scène !
Danek : Non, non, même là, maintenant !
Frank : Y’a pas ce phénomène là dans d’autres pays… Je l’ai très rarement vu. Tu vois, comme pour hier soir, ça me fait toujours bizarre de signer un papier, un autographe. Ailleurs, ça ne se fait pas, les gens sont plus discrets. J’ai l’impression qu’ici les gens viennent plus pour voir un spectacle que pour écouter de la musique. Pas partout bien sûr, car y’a toujours des connaisseurs mais il reste ce côté gros show à l’américaine…

De toute façon, le problème en France c’est que dès qu’une grosse scène sort des Etats-Unis, une majorité de groupes vont plus ou moins pomper le style...
Frank : Ouais mais quatre ans après quoi !

Ouais bien sûr c’est ce que je veux dire ! Mais à l’époque d’Eastwood, ce qu’il y avait de bien, c’était que vous étiez un peu fusion mais…
Frank : Mais nous, on a toujours tout pompé, seulement, on s’arrangeait pour avoir un gros son et puis faire de bons morceaux…

Tout à fait, c’est ce que je dis, Eastwood était bien plus original ! Nous, à la place, on avait les Silmarils ou No One Is Innocent
Frank : Oui mais bon, ce n’est pas du tout la même catégorie, eux ils faisaient de la fusion, nous on a jamais eu l’intention d’en faire ! Notre bassiste n’a jamais slappé… D’ailleurs le meilleur public c’est le public Suisse/Allemand, l’Allemagne aussi, des gens passionnés de musique qui viennent te parler de musique après le concert.
Danek : Ils ont riches aussi, ils ont de belles voitures !
Frank : Ouais ils sont riches les Allemands !

Question technique, je voulais savoir François si tu es toujours, comme pour votre concert au Batofar, sur le mélange Marshall et Mesa Boogie ?
François : Oui tout à fait !

C’est une expérience personnelle ?
François : C’est un truc qui me fait des frissons le long de l’échine… Non, je ne sais pas, disons que c’est vraiment la paire royale.
Frank : La belle paire !
François : Oui, j’ai même hésité à m’acheter un vieux Marshall avec moins de gain, mais en même temps, ça fait un peu parti de notre son quand même d’avoir beaucoup de disto ; je crois que sur les nouveaux morceaux qu’on est en train de composer, on va beaucoup plus jouer avec une fender, un son plus petit mais avec plein d’effets, avec des trucs différents… Mais c’est vrai que là pour l’enregistrement de The Tiger Flamboyant, on a quadruplé les pistes, avec deux amplis Mesa pour lesquels on a essayé différents trucs. Je pense que pour la suite ça va être plus petit.
Frank : Pas moi !

D’ailleurs Franck, j’aimais bien ton son de caisse claire avec Eastwood bien claquant, un peu comme Helmet
Frank : Aah! Le pot de yaourt !

C’est fini ça ?
Frank : Bah j’ai réécouté Behind The Wall et j’ai trouvé que le seul truc qui avait vieillit, c’était le son de caisse claire.

Oh, je ne sais pas…
Frank : Si, je trouve. A l’époque, j’adorais le son de Helmet et j’ai vu un peu comment le batteur de Helmet réglait sa caisse claire et il la règle comme je le fais maintenant ; je crois que le problème de trop tendre la peau fait que le son a super mal vieillit et c’est dommage. Quand tu réécoutes Rage Against The Machine maintenant, ils avaient un son énorme tout en restant classique en fait, je trouve dommage que nous ayons gardé ce son…
François : En même temps c’est un peu une marque de fabrique.
Frank : Ouais, c’était un truc d’époque, j’étais le seul à avoir ce son là en Suisse. Les autres avaient des pauvres caisses claires des années 80 qu’ils n’avaient pas changées depuis 10 ans et à côté d’eux je tendais la peau à mort parce que je trouvais ça bien !
Danek : Laurent aussi faisait ça…
Frank : Ouais Laurent le faisait aussi !

Et pour Shovel, le reste du groupe est reparti à ses oignons ?
Frank : Le bassiste est ingénieur du son, il fait des groupes islandais. Le guitariste a joué avec un songwriter qui s’appelle Polar et maintenant il joue dans un groupe de post-rock ; le chanteur n’a plus rien fait… Il fait du foot ! On a arrêté à cause de lui d’ailleurs, il voulait prendre une année sabbatique et nous on voulait faire un deuxième album.

Vous ne vouliez pas prendre une autre direction musicale? Parce-que déjà, entre le Ep Birth et l’album 60° Lattitude Low, la sensation est différente…
Frank : Oui, de toute façon cela n’aurait pas été la même chose, on avait quatre nouveaux morceaux mais lui n’avait mis aucune ligne de voix dessus… Il voulait prendre des vacances et nous on lui a dit qu’on voulait enregistrer le disque alors il a décidé de se casser. On a essayé de prendre un autre chanteur mais ce n’était tellement pas la même chose qu’on a arrêté. En fait, les groupes dans lesquels on a joué ont beaucoup de mal à nous supporter, François et moi.

Vous aviez ouvert pour Helmet avec Shovel aussi ?
Frank : On a rejoué avec eux récemment, c’est plus pareil mais Louis était content !
Louis XIV : Ouais, c’était chouette, et puis en quelques mois on a donc fait Helmet, International Noise Conspiracy, Therapy? et Gwar.

Bah là, Gwar, y’avait justement moyen de chier sur scène…
Frank : Pas tellement en fait, parce-que Gwar, ce sont de véritables gentlemen ces mecs ! Avec un des musiciens, on a parlé cuisine, culture…
Danek : Vraiment sympas !
Louis XIV : Ce ne sont pas des gros ricains typiques en fait.

Dernière chose, j’ai lu que « Unfold était un peu le penchant négatif de Shovel », vous en pensez quoi ? Frank : Je ne sais pas !

Bah c'était sans doute pour dire qu'en fait la musique d’Unfold semblait plus lourde que celle de Shovel
Frank : C’était un poil plus teigneux peut-être ! En fait Unfold c’était les basses et nous les aigus !
Danek : Le Yin et le Yang !
Frank : Danek avait ce côté très hardcore, hurlé, alors que Francisco était plus mélodique ! T’étais Korn et nous on était Deftones, mec quoi! Ahlala, je suis con comme une bite… Pardon, ça tu peux le mettre, ça ! Non, tu peux mettre « je me tranche la gorge », ça sera le titre de notre nouvel album !

OK ! Et enfin, en conclusion, à côté de la musique, vous bossez tous ?
Frank : Oui, tous.

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