Sidilarsen
par Schisophrenia (07/01/2006)

Bientôt 10 ans que vous existez, quel regard vous portez sur votre parcours ?
Un parcours en évolution constante , sans grosse montée de notoriété. On a constamment évolué et ça va de mieux en mieux sur tout les plans. Il n’y a pas eu de gros boosts, comme dans toute avancée de groupe il y a eu des épreuves, des joies, des peines… Mais ce qui a été bien jusqu’à maintenant c’est qu’on a maîtrisé ce qui nous arrive de A à Z, on a vraiment gardé le contrôle. C’est pas genre tiens on fait un album et hop le groupe explose et après on ne maîtrise pas ce qui se passe. C’est vraiment une évolution sur le terrain, sur les concerts, un public qui s’est acquis petit à petit sur la route.
Un public assez fidèle qui nous connais depuis longtemps, qui s’élargit bien sûr ! Des gens qui nous renvoient une image de ce que l’on est depuis le début sans une explosion de notoriété par rapport à un album où tout à coup on serait un peu une sensation à un moment donné et où il n’y aurait pas de vraie base.
Sur le plan artistique, l’évolution est également progressive mais constante. On ne reste pas figé dans un genre musical, on essaye d’évoluer tout en gardant une cohérence, une patte Sidilarsen. Avant de trouver notre patte, il nous a fallut pas mal de temps, on a appris à faire de la musique ensemble, on a cherché puis petit à petit il y a une identité qui est née, qui est apparue. Mais on ne demeure jamais figé.
Justement, à l’origine vous vous définissiez comme dance métal, est-ce que vous pensez qu’aujourd’hui c’est toujours d’actualité ?
Oui ça peut correspondre. Dance c’était surtout par provocation. Sur la scène française la dance renvoie un peu à la soupe commerciale de boite de nuit, c’était un petit peu pour élargir le carcan du métal, faire réagir les gens en disant « oui on peut faire une musique que est dansante, basée sur le binaire mais en même temps puissante et réfléchie ». Au délà de ça on est plus partis vers l’électro dans le sens plus large, on ne veut pas faire juste de la techno, mais également avoir une dimension rock. Mais bon, dans la sonorité c’est métal.
On part du principe que le métal fait parti de la scène rock en général. On se qualifie de rock électro pour ne pas se fixer de barrière. Avec Sidilarsen on avait envie de se sentir libre, et ce dés lé départ. En France, le terme dance est un peu péjoratif, c’est une façon de montrer que Sidilarsen va au délà de ce genre d’étiquettes débiles.
Et cette identité électro rock, vous ne vous êtes jamais senti isolés par rapport à ça ?
Oui au départ, à Toulouse ça n’était pas monnaie courante ! Mais assez vite, les gens quand ça leur plait ça fonctionne. Les nouvelles générations sont plus ouvertes musicalement. Beaucoup plus écoutent du hip hop, de l’éclectro, du métal… Il y a peut-être un peu moins de barrières, après ça dépend des âges, il y a des âges où on a besoin de s’identifier à un style. C’est plus un état d’esprit. On voit vite si c’est un état d’esprit qui appartient à la scène rock en général. Pour moi Ez3kiel fait presque partie de la scène rock. Au bout d’un moment le public a bien compris que Sidilarsen métissait mais que c’était pas non plus un ovni.
Au bout de quelques années, l’identité du groupe c’est plus le son, la voix des chanteurs, plus vraiment les ingrédients de base. Les derniers trucs qui marchent c’est le rock 70 ou le dub qui marche beaucoup sur scène mais ça n’a pas toujours été ça, ça évolue ! Les gens aiment bien que les groupes aient une identité propre. C’est notre parti pris !
On appartient pas aux modes, enfin on espère !
Vous avez sorti un deuxième album, à la vue de ce second opus, comment considérez vous le premier ?
Plus brut ! On a attendu d’être prêt pour le faire, on voulait vraiment établir le style de Sidilarsen, poser les bases. On est arrivé très naturel, très spontané, brut de décoffrage en fait !
Plus brut pas forcément plus énergique…
Ce sont des morceaux que nous avions depuis longtemps, ça représentait plus le groupe durant 5-6 ans, aussi bien le live que le studio. Le second album représente Sidilarsen à un moment donné, 2 ans plus tard. Donc quelque chose de plus mûrit musicalement mais ça reste une photo du groupe à un moment précis. Le premier album est le fruit de plus d’années de recherche, c’est ça la différence !
Comment s’est déroulé la composition et l’enregistrement du second album ?
Comme d’habitude : des répètes, du travail sur ordi, on est parfois parti de machines parfois des guitares. On a bossé tous ensemble assez intensément parce qu’on avait pas beaucoup de temps.
C’était plus dans l’urgence que Biotop mais en même temps on avait de meilleures méthodes de travail, on a tout pré-produit. Dans l’urgence mais avec beaucoup plus d’expérience donc on était très satisfait du résultat et on l’est toujours même si maintenant on aspire à quelque chose de différent, mieux peut-être…
On se faisait plus confiance, on maîtrisait mieux le déroulement en studio…
Avant il y avait souvent des débats sur les parties de guitare, le chant, l’écriture. Maintenant chacun est à sa place, chacun s’épanouit au sein du groupe. Il y a toujours besoin d’un commun accord mais les rôles sont mieux répartis.
Pourquoi le nom Eau ?
C’est un nom qui englobe beaucoup de chose et comme l’album coule un peu de source !
C’était la symbolique de l’eau : il y avait la féminité, on avait envie de quelque chose d’un peu moins viril, moins métal. L’eau c’est la naissance, la vie. Elle peut aussi symboliser les profondeurs un peu obscures de l’être, les démons intérieurs, l’inconscient…
Vos influences ?
Les influences sont multiples. C’est la somme de 5 individus qui écoute plein de musique et qui essayent de se mettre d’accord pour en faire une. Après il y a des groupes qu’on a tous écouté comme Nine Inch Nails, Mass Hysteria ou Rammstein qui nous a beaucoup marqué. Ensuite il y a d’autres courants comme le ragga, on s’intéresse aussi beaucoup à la scène électro, dub avec Ez3kiel, Zenzile, une culture Noir Désir aussi… Encore une fois, il n’y a pas de barrière, on est toujours à l’affût de plein de choses même si la base reste métal quoi qu’il arrive, métal par le son mais dans l’approche je pense qu’on a un côté plus rock. Les morceaux ont soit un aspect trance électro soit un aspect chanson qui provient du coté rock.
Les textes en français, c’est plutôt pour la clarté du message ou les sonorités ?
Les deux ! Au départ c’était vraiment plus pour la clarté du message, la facilité d’écriture, dire les choses directement sans l’intermédiaire de la traduction. Au départ, les sonorités de la langue française étaient plutôt un handicap, comme pour la plupart des groupes. Moins aujourd’hui parce que beaucoup mieux accepté par l’auditeur. C’est toujours une histoire de culture : il y a quelques années la langue française sur du métal, voire même sur du rock, c’était un peu choquant, dérangeant pour le public qui n’était pas habitué alors il fallait chanter en anglais. Le français a un aspect plus cru, plus direct, qui est difficile au départ. Personnellement j’ai trouvé difficile de poser du français sur du métal parce que ça peut donner un côté naïf alors que ça ne l’est pas forcément. Ça n’est pas plus naïf que des textes en anglais une fois traduits, c’est parfois même assez ridicule. Même en faisant de gros efforts d’écriture ça peut paraître naïf mais il faut passer au dessus de ça et chercher l’intérêt des sonorités de notre langue. Mais on respecte les groupe qui ont opté pour le choix de l’anglais, l’important c’est qu’on aime écrire en français, c’est un plaisir, on ne se force pas. Pour en revenir à Rammstein, ça nous a bien montré que c’était intéressant d’amener sa propre culture, une force qui vient de chez soi et pas forcément reproduire ce que l’on voit aux Etats-Unis ou en Angleterre. Se retrouver vraiment face à soi même à cent pour cent et pour y arriver au travers de sa musique je pense que ça passe aussi par sa langue. Ca part tout de suite de toi et d’où tu viens, y a l’accent alors que l’anglais apparaît plus impersonnel. On est toulousain ça se sent un peu…
Sur des titres comme La Morale De La Fable on sent un côté beaucoup plus énervé au niveau des textes, c’est parce que vous vous sentez inquiet de la situation actuelle ?
Sur Biotop on avait pris le parti de faire une musique énervée, puissante et positive. Une volonté de positif au maximum sur toute la durée de l’album. Sur Eau on a plus eu envie de parler de ce que l’on ressentait sur le moment et c’est vrai qu’il y a des trucs qui font vraiment peur. Notamment ce texte parle de Sarko qui est un peu un étendard pour cette espèce d’américanisation de la politique actuelle. C’est juste un homme qui n’en peut plus de transpirer d’avidité et de pouvoir et qui monopolise les médias comme jamais qui ont une importance incroyable. Quand j’écris ça, ce n’est pas du tout réfléchis à l’avance, on a jamais fait de politique dans les textes, ce n’est pas du tout le but, surtout pas donner des leçons mais plutôt poser des questions, faire écho amener les gens à penser et à se questionner un minimum. Si un groupe peut amener sa petite pierre à l’édifice pour contribuer à ce que les gens réfléchissent un peu, c’est bien ! C’est la volonté de ce morceau, se dire où est notre capacité d’indignation ? où sommes nous ? On a l’impression que les gens acceptent, se disent « ouais c’est comme ça… ». Le propos n’a pas été de faire un morceau comme No Facho, ça a déjà été fait, et bien fait, mais c’était une volonté de se lâcher un peu, on en avait la possibilité alors pourquoi pas ?
Sur Eau, le dernier morceaux, au niveau des sonorités est largement à part sur l’album, ce serait une piste que vous voudriez exploiter plus profondément ?
Pourquoi pas ? Mais on ne sait pas du tout vers quoi on ira… On est en train de composer pour le prochain album et pour le moment on est loin de savoir ce qu’on va produire à 5, en plus il y a eu un changement de line-up au sein de Sidilarsen mais oui, ça peut-être une direction, entre autre…
Le dernier morceaux, Ethereal, est assez dichotomique par rapport au reste de l’album, il est purement axé électro dub. C’est plein de rythmiques et d’ingrédients qui nous intéresse mais ça ne sera pas aussi tranché mais effectivement, ça peut être une ouverture. C’était une façon de conclure l’album en l’aérant, apporter une touche plus zen. Ce qui nous plaisait c’est qu’il y avait un chant sans signification, que ni l’un ni l’autre ne chantions dessus et que l’absence de guitare, niveau sensation d’écoute faisait du morceaux quelque chose de reposant. Mais ça reste dans l’univers Sidilarsen.
Sur Biotop, il y avait un morceau qui s’appelait Cardiotonic qui finissait l’album et qui avait une teinte très ragga et on voit que sur Eau il y a des touches ragga assez présentes donc oui, ça peut être une élément du Sidilarsen futur.
Comment avez-vous été amené à travailler avec les Fabulous Trobadors sur La Parole ?
Au départ c’était par Sabbash, notre ancien guitariste, parti récemment, qui les connaissait bien. C’est quand même une figure de la scène toulousaine et on aimait bien ce message qu’ils avaient d’essayer de rassembler des gens sur la réflexion, des idées et pas des choses toutes faites. On a pris l’apéro ensemble, on en a discuter et on s’est dit pourquoi pas ? Ca nous plaisait de contraster 2 styles musicaux qui à priori n’ont encore rien partager ensemble. Le point commun c’est 2 chanteurs dans chaque groupe et c’était intéressant de produire quelque chose à 4 chanteurs. Ils ont été très ouverts, le projet les a emballé direct, en toute amitié, cuisiné à la maison…
Sur la tournée précédente vous aviez un écran avec images projetées, quel était l’impact sur la prestation, le public ?
Il y avait un effet intéressant mais pour des raisons purement économique on ne pouvait pas le réaliser à chaque date, c’était 1 date sur 5, et encore… C’était très compliqué en terme de coût , d’infrastructures et faute de moyens on a pas pu aller au bout du projet, on voulait faire ça bien ou pas du tout donc on a pris la décision avec la personne qui travaille avec nous de mettre en suspens ce projet, peut être pas définitivement mais pour un long moment en tout cas car pour l’instant ce n’est pas réaliste. Ca apportait quelque chose qui collait bien avec l’aspect électro mais on ne voulait pas non plus en abuser, lors de certains morceaux l’écran n’avait pas de rôle, c’est un danger aussi de tomber dans quelque chose où le visuel est trop présent et où finalement il n’y a plus de chaleur entre le public et le groupe. On voulait un équilibre mais ça a apporté quelque chose d’intéressant, ça c’est sûr.
Quelle est la signification du tire-bouchon ?
C’est un objet que tout le monde connaît qui est à la fois un outil basique métallique mais c’est aussi anthropomorphe, ça ressemble un peu à un humain, on peut le tordre dans tout les sens, le faire danser. C’était le concept de Biotop, le rapport homme/machine, c’était un symbole assez fort qu’on avait depuis le début et qu’on voulait utiliser pour le premier album, une manière de clore une période. On l’avait déjà utilisé pour nos démos, on l’a donc repris pour poser les bases, continuer avec ce visuel que avait pas mal marqué les gens. Ensuite on a eu une réflexion pour le nouvel album : est-ce qu’on continue ? est-ce qu’on change ? On savait qu’en le changeant il y aurait des gens déçus mais on s’est dit que si au deuxième album on continue, c’est à vie, comme Eddy pour Iron Maiden, c’est infernal ! Et nous on a besoin d’évolution et de liberté, on ne peut pas se figer dans une façon de faire et on a tout de suite choisit la liberté en essayant tout de même de garder une simplicité dans le visuel et quelque chose d’assez fort et qui correspond bien à Sidilarsen.
Pour terminer, vous aimez le surimi ?
Oui parce qu’en fait c’est fait avec du merlan bleu, c’est du vrai poisson à la base, ils mettent des arômes de crabe ces cons !
C’est un bon leurre mais il y a des choses bien plus grave dans la bouffe.
Le surimi, ça va, je trouve que c’est pas trop raté comme truc. La salade d’écrevisse, hier à Paris c’était quand même mieux !
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