Haken
par Zbrlah (17/06/2016)
Quelques heures avant la remarquable prestation de Haken au Divan Du Monde le dimanche 29 mai dernier, nous avons pu rencontrer Charlie Griffith (guitares, choeurs) et Ross Jennings (chant lead), pour leur poser quelques questions à propos de leur nouvel album et de leur tournée en cours.
Affinity est sorti il y a environ un mois. Avez-vous déjà eu des retours sur ce nouvel album ? Pensez-vous qu'il soit mieux ou moins bien accueilli que le précédent, The Mountain ?
Charlie Griffith (guitare, chœurs) : On ne cherche pas réellement à avoir des retours, en fait. De la façon dont je vois les choses, on ne publierait pas un album dont on n’est pas satisfait. Au final, on a juste besoin qu’assez de gens aiment ça pour qu’on puisse continuer ! (rires). Quant à The Mountain, c’est vrai que ça a été une étape très importante de notre carrière, une meilleure reconnaissance, mais on n’a pas composé Affinity en essayant de reproduire la même formule. En fait il n’y a même pas de formule.
Ross Jennings (chant) : À aucun moment on s’est dit “hey les gars, comment va-t-on écrire The Cockroach King 2 ?”.
Charlie : Il y a quand même un bon indicateur sur la façon dont l’album est reçu. Ce soir c’est la cinquième date de la tournée, et pour l’instant, sur les quatre premières, ce sont les plus grandes salles et les publics les plus nombreux qu’on ait eu. Je suppose que les gens doivent au moins un peu aimer ?
Comment vous est venu l'idée de traiter les débuts de l'ère informatique ?
Charlie : La première chanson qu’on a à peu près finalisée était 1985. On a un peu joué autour de ça, il y a beaucoup de batterie électronique sur ce titre, beaucoup de synthés old-school… Ça nous a fait pas mal marrer, jusqu’a ce qu’on réalise qu’en fait ça sonnait bien.
Ross : Tout le concept vient d’un effet boule de neige à partir de ça.
Charlie : Je pense que l’album est plus ou moins indépendant des précédents. Quand on l’écoute, il y a une sorte d’ “ambiance Affinity”. C’est un peu comme les films de Steven Spielberg. Tu connais Spielberg ? C’est un producteur de film, il est un peu connu. (rires) Je veux dire… Il a fait Les Dents De La Mer, et quelques années après il a fait E.T., et il n’a pas mis de requin dans E.T. … Il y a peut être une sorte de lien entre les albums d’Haken et les films de Spielberg ? Ou alors je pousse la comparaison un peu loin ?... (rires)
Vous avez écrit ensemble les titres d'Affinity, au lieu de les construire autour des idées de Richard Henshall. Était-ce spontané, ou était-ce l'objectif initial ?
Ross : C’était l’idée, oui.
Charlie : On s’était réellement dit qu’on fonctionnerait comme ça, avant même de commencer. A la base, le groupe s’est construit autour de Richard et de Ross, du coup c’était eux qui géraient, Rich pour la musique et Ross pour les paroles. On a fonctionné comme ça un moment parce que c’était pratique, ça marchait bien pour nous.
Ross : C'est vrai qu'au début, Richard écrivait la musique et moi les paroles. A partir de The Mountain, on a essayé d'écrire les textes à plusieurs et on a été content du résultat. On a simplement étendu ce procédé à la musique.
Avez-vous senti une différence lors de la conception de l'album, entre travailler avec Conner Green, votre nouveau bassiste, plutôt qu'avec Tom McLean ?
Charlie : Avant tout, on voulait recruter quelqu’un qui puisse devenir un bon pote. On considère que c’est la chose la plus importante. On s’entendait très bien avec Tom, on s’entend toujours très bien avec lui, et on voulait le même feeling avec notre nouveau bassiste. Et Conner est parfait sur ce niveau ! Mais, oui c’est vrai que c’est aussi un super bon bassiste. (rires)
Ross : Tom est guitariste, à la base, c'est le guitariste de To-Mera. Même s’il jouait de la basse dans Haken, il restait un guitariste. Conner est un vrai bassiste, il est dévoué à son instrument, et ça fait une vraie différence dans son approche de la basse.
Personnellement, je trouve qu'Affinity contient moins de sons chelous, des transitions avec des bruits de cartoons, des synthés qui utilisent des sons de l'espace... The Mountain avait déjà moins d'éléments de ce type, comparé à Aquarius ou à Visions, et aujourd'hui Affinity va encore plus loin dans cette direction. Avez-vous la volonté de produire une musique plus "sérieuse" ?
Charlie : Je ne sais pas, peut-être qu’on a appris à mieux écrire nos chansons et qu’on a plus besoin de ces trucs ? Et puis, comme je disais, chaque album à sa propre ambiance, ça n’a juste pas trouvé sa place sur celui-ci mais ça pourrait revenir. De toutes manières je n’ai jamais été vraiment super fan de ces passages WTF ! (rires)
Après avoir tourné avec Leprous, qui sont sur le même label que vous, Einar Solberg a enregistré une partie de chant incroyable sur votre titre The Architect. Est-ce que…
Ross : Et maintenant je dois chanter ça à sa place sur scène !
Pas trop difficile ?
Ross : Si ! (rires)
Est-ce qu’on peut s'attendre a une autre tournée commune ? Ou même mieux, est-ce qu'on pourra entendre Ross dans le prochain album de Leprous ?
Ross : À vrai dire je n’y avais pas encore pensé avant que tu en parles !
Charlie : Ce sont des amis, et on aime beaucoup leur travail. Leur influence a sûrement un peu déteint sur nous. Mais on n’écrit pas en se disant “allez, on va faire une chanson qui va ressembler à du Genesis, ou à du Leprous”. On écrit la chanson sans trop réfléchir à tout ça, et c’est en écoutant le produit final qu’on se dit “tiens, ça fait un peu King Crimson”, et…
Ross : On s’est déjà dit ça ? Qu’on a écrit des trucs qui sonnaient comme du King Crimson ? (rires)
Vous avez attendu The Mountain, votre troisième album, pour sortir votre premier clip. En ce qui concerne le quatrième album, vous avez déjà sorti deux clips et une lyrics-video. Qu'est-ce qui vous a décidé à produire plus de vidéos ?
Charlie : C’est Inside-Out, notre label, qui pousse un peu sur ce genre de promotion. Mais ils nous donnent les moyens, aussi.
Ross : Et puis c’est épanouissant pour nous. On avait très peu de vidéos, comme tu disais, et quand les gens tapaient “Haken” sur internet, ils trouvaient surtout des vidéos amateurs filmées avec des téléphones depuis le public… Ça donne une image un peu plus pro et ça peut pas faire de mal !
Charlie : Le clip de Initiate était cool à faire, d’ailleurs. Il y a plein d’indices dedans qui en disent un peu plus long sur le concept de l’album.
À propos de quel aspect ?
Charlie : Ah, je lâcherai rien ! (rires) Il y a peut-être des sens cachés… Mais peut-être que je dis ça juste pour que tu la regardes 60 fois de plus ! (rires)
Est et-ce que vous allez continuer à sortir d'autres clips issus d'Affinity ?
Charlie : Je pense que quelqu’un est en train de plancher sur une vidéo pour 1985. J’ai entendu parler d’animation, d’images de synthèse, ce genre de truc. Et on ne coupera pas la chanson, elle fait neuf minutes et la vidéo fera neuf minutes aussi !
Vous venez de commencer cette tournée européenne en tête d'affiche, alors que vous étiez ici il y a huit mois en première partie de Between The Buried And Me. Vous voyez une différence ? Comment s'était passé cette tournée avec BTBAM ?
Charlie : C’était super avec Between The Buried And Me ! Tu y étais ?
Non, j’habite dans le sud de la France.
Charlie : Sérieux ? Et tu as fait toute cette route pour nous interviewer ?!
Ross : Lors de la dernière tournée, on a roulé seize heures pour aller du nord de la France jusqu’au sud de Madrid, on sait ce que c’est !
Charlie : Pour en revenir au concert que tu mentionnais, on était en première partie mais les gens ont réagi comme si on était en tête d’affiche. Ils connaissaient nos chansons, ils étaient à fond ! Et ça nous a donné l’occasion de devenir amis avec les gars de Between The Buried And Me, ils ont adorables, c’était une expérience géniale. Et en plus de cet aspect humain, on a appris pas mal de choses techniquement, sur leur façon de travailler par exemple.
Ross : C’est vraiment un groupe avec lequel on tournerait tout le temps, si on pouvait.
Paris est la cinquième date de cette tournée. Pendant les premiers soirs, quel a été votre ressenti par rapport aux nouveaux titres lorsque vous les jouez sur scène ?
Charlie : Comme je le disais tout à l’heure, ce sont les salles les plus grosses dans lesquelles on ait joué, et les gens sont réceptifs, ils connaissent déjà les nouvelles chansons, ils chantent… Après, les deux-trois premiers concerts ont été une sorte d'échauffement pour moi. Je me concentrais vraiment sur ce que je faisais. En fait, tu peux t'entraîner autant que tu veux, quand tu montes sur scène tout est différent. Le son n’est pas pareil, tu as des lumières qui te gênent, il y a plein de sources de distraction. Mais je suis rodé maintenant, je vais grave assurer ce soir ! (rires)
Ross : Je me suis entraîné à chanter chez moi, dans mon appart’ à Londres, et c’est vrai que tout est différent. Comme dit Charlie, le son, la configuration sur scène, les éclairages… Et puis aussi quatre-cent personnes qui t’observent, c’est super intimidant !
J'ai lu que vous prépariez une tournée américaine. Vous pouvez en dire plus ?
Où aimeriez-vous jouer ensuite ? Quels sont vos plans pour la fin de l'année ?
Ross : Bah on fêtera Noël !
Charlie : On va annoncer la tournée américaine très bientôt. On a déjà annoncé qu’on jouerait au ProgPower USA 2016, ça a lieu début septembre à Atlanta. On va jouer le même jour que Devin Townsend !
Ross : On est en train de finaliser la mise en place d’autres dates aux alentours, histoire de ne pas aller aux États-Unis juste pour le ProgPower.
Charlie : Et apres ça… Oui, ce sera Noël ! (rires) Mais j’aimerais bien jouer au Japon, un jour. On n’y a jamais joué.
Ross : Ah ouais carrément. Moi aussi.
Vous avez commencé cette tournée à Londres, et vous y rejouerez à la fin de la tournée. Je n'arrive pas à m'empêcher de penser que c'est lié au nouvel album, qui s'ouvre avec le même son qui le termine. C'est une façon de boucler la boucle comme sur Affinity ?
Charlie : C’est exactement ce qu’on avait prévu ! Non, en fait c’est un peu le hasard. Le premier concert c’était Bristol, puis Londres pour le deuxième. C’était une soirée vraiment propre à cette tournée, avec Arkentype, Special Providence, et nous en tête d’affiche. Le dernier concert sera à Londres aussi mais c’est à part, c’est un festival, ça va se passer à l’O2 Arena, c’est immense. Mais si seulement on avait pu faire ça ! T’imagines, choisir les lieux où on joue en fonction du dessin que ça formerait en reliant les points sur une carte, ça pourrait étendre le concept de l’album et tout ! (rires)
Vous avez joué au Hellfest l'an dernier, et vous étiez…
Charlie : C’était génial.
Ross : Tu étais là ? Je vois que t’as un bracelet Hellfest.
Non, c’est celui de 2014.
Ross : C'était qui les têtes d’affiche ?
Iron Maiden, Black Sabbath, et… Je sais plus…
Ross : T’étais bourré le troisième soir !
Non non ! C'était Aerosmith !
Charlie : Ça devait être trop bien avec ce line-up !
Carrément, mais parlez-moi de votre Hellfest, en 2015 ! Vous étiez l'un des seuls groupes à jouer du Rock/Metal Progressif, si ce n'est le seul. Est-ce que vous êtes content d'y avoir joué, et y retourneriez-vous ?
Charlie : Oui, je pense qu’on était les seuls dans ce style là.
Ross : C'était un créneau assez tôt, je crois qu’on a joué à 11h30 le deuxième jour. Il n’y avait trop de monde, mais on pense que certaines personnes nous connaissaient quand même, et que pas mal de gens étaient curieux de nous entendre sans forcément nous connaître. Ce qui est toujours très sympa ! En tout cas il y avait assez de gens pour créer une vraie ambiance. Et puis c'était bien pour nous aussi, de jouer avec autant de groupes super connus et assez variés, et aussi pour voir les concerts des autres !
Charlie : Oui, je crois que c’est Butcher Babies qui a joué juste après nous, c'était génial ! Et on a croisé ZZ Top en backstage, et les mecs de Slipknot !
Ross : Complètement, c’était dingue. D’ailleurs j’aimerais bien refaire ça lors d’un prochain Hellfest. Si j’avais mon mot à dire en terme d’orga ou de running-order, j’aimerai qu’on puisse jouer sur une scène plus petite mais un peu plus tard dans la journée.
Pour conclure, est-ce que vous parlez un peu français ?
Charlie, en français : "Oui ! Oui, oui, bonjour, je m'appelle Charlie, j'habite à London… Londres (il prononce toutes les lettres, comme s’il disait “londresse”), et j'ai douze ans."
Ross : Si je ne me trompe pas, tu as dit que tu as douze ans...
Charlie : J'avais douze ans quand j'ai appris ça à l'école ! (rires) Et toi ? T’es le chanteur, t’es obligé d’avoir quelques bases !
Ross, en français : “Euh, ça va.” (Retour à l’anglais.) Je suis plus à l’aise avec l’espagnol ! J’ai un peu appris à l'école mais mes profs de français n’ont jamais été trop fiers de moi…
Charlie : Alors, on a passé l'épreuve de français ? On a bon ?
Ross : Toi peut-être ! (rires)
Un dernier mot pour vos fans en France et pour les lecteurs de Metalorgie ? Vous pouvez repasser à l'anglais si vous préférez…
Charlie : Oui, bien sûr ! Merci de venir sur Metalorgie pour lire des trucs sur notre groupe ! Même si je vous suspecte de ne pas avoir eu ça à l’esprit quand vous avez googlé “Metalorgie”...! (rires) Plus sérieusement, merci aux fans français pour votre soutien, et si vous n’avez pas encore écouté nos albums, essayez ! Ces temps-ci, tout est gratuit sur le net, de toutes manières, vous n’avez rien à perdre ! (rires)
Ross, un dernier mot ?
Ross : Charlie a tout dit ! Je pourrais jamais battre son argument, là ! (rires)