Whitfield Crane (Ugly Kid Joe)

par Grum (27/10/2015)

Vu l'illustration à l'intérieur du livret de leur nouvel album Uglier Than They Used Ta Be, Ugly Kid Joe reviendrait presque d'entre les morts. Plus moche qu'avant ? Pas certain ! Car cette discussion Withfield Crane, chanteur du groupe, nous a permis d'apprendre, entre autre, que la richesse ne se comptait pas qu'en dollars...



C'est génial de retrouver Ugly Kid Joe après toutes ces années, mais qu'as-tu fait pendant ce temps ?

J'ai eu plusieurs groupes, j'ai rejoint Life of Agony pendant un an, il y a eu Medication, Another Animal... Et là j'ai un nouveau projet toujours avec Lee Richards (ex Godsmack), ça s'appelle Richards/Crane et on a un premier clip, Black&White, avec Myles Kennedy (Slash) en guest. J'ai aussi beaucoup voyagé, j'ai pris mon sac à dos et parcouru le monde.

Avais-tu toujours Ugly Kid Joe dans un coin de ta tête ?


Non, pas vraiment. Le groupe s'est séparé en 1997 et nous étions tous persuadés que c'était terminé. Malgré ça, je me disais qu'on se reformerait peut-être. Dix ans plus tard, j'ai demandé à Klaus ce qu'il en pensait et il m'a répondu "Putain, non !" Mais ça a fini par se faire ! On a fait un premier test en 2010, quand on a commencé à travailler sur l'EP Stairway To Hell sorti en 2012. Nous nous demandions si les gens allaient se souvenir du groupe, ou s'ils allaient venir nous voir jouer, nous n'étions sûrs de rien. Mais ça a bien fonctionné, on a pu faire une tournée internationale : on a joué dans des pays où l'on n'était jamais allés auparavant, comme Israel, la Turquie, la Serbie, la Roumanie. On a joué avec des groupes géniaux, Faith No more en Serbie, The Cult en Roumanie, Guns'N'Roses en Israel. On a été agréablement surpris par tout ça et donc on a fait un nouvel album en passant par Pledgemusic. Les fans l'ont financé et c'était génial parce qu'on ne savait pas si ça allait marcher non plus. Ils nous ont même permis de financer les déplacements, l'hébergement, les locations de studio... En plus de ça, Dave Fortman, notre autre guitariste, s'est chargé de la production de l'album, il est très bon dans ce rôle. On s'est donc occupé de tout, tout seuls. C'est agréable de pouvoir tout gérer de A à Z. Et maintenant, voilà notre nouvel album qui sort et je suis à Paris pour en parler, donc la vie est belle !

C'est étonnant de voir un groupe comme le vôtre utiliser une plateforme de crowdfunding, car on pourrait avoir l’impression, peut-être fausse, qu'après le succès de America's Least Wanted...

Nous serions riches c'est ça ? (rires) Non, ce n'est pas le cas, même si j'aimerais bien ! On a gagné suffisamment d'argent pour vivre pendant un moment à l'époque. Klaus et moi avons financé l’EP Stairway To Hell nous-même et nous avons perdu de l'argent dans l'histoire. Donc non, nous ne sommes pas riches ! En tout cas, pas selon la définition du dictionnaire. Ce qui fait ma vraie richesse, ce sont les gens que j'ai autour de moi, et de ce côté là, ça va. Mais allez-y, continuez à faire croire à tout le monde que nous sommes riches !

Est-ce difficile pour un groupe de faire son retour aujourd'hui, avec une industrie du disque bien différente de ce qu'elle était dans les années 80/90 ?

Ça dépend du groupe en fait, et des retombées. Ça a bien fonctionné avec Stairway To Hell, c'est une grosse surprise pour nous mais ça nous rappelle de bons souvenirs !



Quand vous vous êtes retrouvés après toutes ces années, avez-vous pensé à un moment à vous rebaptiser Ugly Grown Up Joe ? (Kid : enfant / Grown up : adulte)

Pas encore !

Et là, du coup, vous y songez ?

Je suis en train d'y réfléchir maintenant du coup, pour la première fois ! Je vais garder cette idée au chaud en attendant.

Pourquoi avez-vous choisi d'appeler votre album Uglier Than They Used Ta Be ? Car ce n’est pas l’impression qu’on ressent en écoutant l’album, et en le comparant aux précédents, car les paroles sont maintenant plus matures, et peut-être pas aussi drôles qu'auparavant.

On aime bien se moquer, de tout le monde et particulièrement de nous-même. Notre humour est de plus en plus noir. Notre premier EP s'intitulait As Ugly As They Wanna Be, donc c'est un jeu de mots par rapport à ce titre. Et si vous regardez bien le sale gosse de la pochette, il revient d'entre les morts avec les deux majeurs en l'air, portant le même message qu'à l'époque.

Certaines chansons sont assez mélancoliques, tant au niveau des paroles que des mélodies.

Vous avez raison oui. Nous avons vécu beaucoup de choses. Certains se sont mariés, d'autres ont divorcé, nous avons eu des enfants... Bref, des expériences positives et d'autres un peu moins, mais cela nous a beaucoup inspiré. D'où certaines paroles un peu tristes.

Nous avons effectivement remarqué que les paroles semblaient personnelles, notamment dans Let the Record Play, ou My Old Man, qui parle de ton père ?

Oui, effectivement.

D'ailleurs, les paroles de My Old Man ne sont pas dans le livret, c'est un choix de votre part ?

Ah bon ? (Il regarde et feuillette le livret) Wow, c'est dingue. Elles devraient y être, ce n'est pas voulu ! Nous avons dédicacé ce livret à Moish Brenman, qui est décédé pendant que nous enregistrions l'album. Il avait fait l'artwork de notre premier EP et de America's Least Wanted.

Ta voix est toujours reconnaissable après tant d'années, ce qui n'est pas le cas pour beaucoup de chanteurs de ta génération. Quelle est ta recette pour l'entretenir et la conserver ?

Le sommeil. Et je ne stresse pas toute la journée. Bon, j'imagine que ma voix est résistante de nature, mais je ne veux pas me porter la poisse (Il cogne sur la table en bois).

C'est intéressant musicalement que vous ayez utilisé les mêmes arpèges dans les intros de Hell Ain’t Hard To Find (en mode majeur) et Under The Bottom (en mode mineur). Comment vous est venue cette idée ?


Oh, juste comme ça pour voir comment les gens allaient réagir. Vous êtes les premiers à l'avoir remarqué, vous avez donc gagné le premier prix ! Un fist bomb ! (il nous gratifie d'un check avec le poing)

En parlant de ça, Il y a toujours beaucoup d'arpèges, même avec de la distortion, au milieu des riffs. Klaus est fan de Van Halen ?

Un grand fan oui ! Nous aimons beaucoup Randy Rhoads, Eddie Van Halen, Tony Iommi, Angus Young, vous me comprenez. On les adore ces mecs ! Et Mickael Schenker !

Par contre, je n'ai pas trop entendu de pédale wah-wah sur cet album, vous trouvez ça démodé ? Parce que vous l'utilisiez beaucoup avant...

Ah bon ?  Il doit y avoir de la wah-wah quelque part, mais je ne sais pas vraiment, je ne suis pas guitariste ! En même temps, je ne sais plus rien à vrai dire, maintenant que mes paroles ont disparu ! (rires) (Il reprend et feuillette à nouveau le livret). Je veux vous montrer quelque chose. Regardez le Ugly Kid, l'illustration qui est sous le socle transparent du CD, par rapport à celui du livret, celui-là a un troisième œil, vous voyez ? Et si on regarde de plus près, on voit une sorte de visage qui se dessine derrière lui... vous ne le voyez pas ? Moi je le vois, et ça me fait peur, je le dis haut et fort ! Et je pense que cette personne, qui ou quoi qu'elle soit vraiment, a dévoré les paroles de My Old Man ! (rires)

Cet artwork est une parodie de celui de Life After Death de Iron Maiden. Vous pensez en parodier d'autres ?

Oh oui, tous les jours ! Mais je ne vous dirai pas lesquels !

Vous connaissiez dejà les mecs de Motörhead, vu que vous avez joué live ensemble, mais c'était comment de travailler  avec Phil Campbell sur cet album ?

C'était cool ! Je l'aime beaucoup, on est amis. Motörhead et Ugly Kid Joe se connaissent depuis longtemps. On a joué avec eux et Ozzy Osbourne et 1992, notre première grosse tournée. J'ai chanté sur Born to Raise Hell de Motörhead avec Lemmy et Ice T, à l'époque où Würzel était encore vivant. Je viens même de chanter sur un enregistrement de Würzel que son meilleur ami avait conservé, pour un album solo posthume. Lemmy a chanté sur Motel California... Phil est un musicien incroyable et j'aime partager mon environnement musical avec des gens que j'apprécie. Regardez ça (il montre le livret avec la liste des musiciens) : tout le monde fait partie du groupe, il y a les noms de tous les guitaristes, des batteurs, et évidemment Phil, alias Lord Axesmith. On forme une équipe.

Il était avec vous au studio d'enregistrement ?

Non, il était en tournée avec Motörhead au moment de l'enregistrement de l'album. Il nous a envoyé les trois pistes qu'il a enregistrées au Pays de Galles.

Pensez-vous que la montée du Grunge puis du Néo Métal a été la raison pour laquelle Menace To Sobriety et Motel California n'ont pas rencontré le succès escompté ?

Oui ! C'est un fait.

Ce n'est pas plutôt parce que vous aviez changé le logo du groupe sur les pochettes de ces albums ?

Ah oui, peut-être. C'est sûrement le cumul des deux !



Penses-tu que de nos jours, une chanson comme Madman serait bien perçue ? Vu les évènements récents aux Etats-Unis (fusillades).

Oui évidemment ! Ce serait comme demander si on a le droit de sortir Terminator 9 ! On fait ce que l'on veut, c'est de l'art et si les gens le prennent mal, tant pis ! Par contre ils n'ont pas le droit de nous faire Terminator 15, il faut qu'ils arrêtent avant !

Depuis votre reformation, vous avez joué en France, notamment deux fois au Forum de Vauréal. C'était comment ?

Electrique , génial et fun ! Les gens du staff nous ont fait à manger comme si on faisait partie de la famille. Ce fut une très bonne expérience, même si l'endroit est un peu obscur. Je me demandais tout le temps "Mais où est Paris ?", mais c'était cool. On était complet, il y avait plein de monde. Une bonne énergie, ces deux concerts étaient fantastiques.

Avez-vous entendu parler du Hellfest ?


Oui.

Vous y serez en 2016 ?

C'est notre destin ! Pourquoi pas ? On ne sait jamais ! (Il finit par nous montrer des photos qu'il a prises à Paris sur son téléphone)

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