Conan

par lelag (29/01/2015)

A l'occasion du Hellfest 2014, nous avons  rencontré Jon Davis, leader de Conan, formation doom qui nous a beaucoup marqué ici à Metalorgie. Merci à lui et à sa sympathie.


a2859868097_10.jpgSalut John, merci beaucoup de nous accorder cette interview, on est très content de te rencontrer. Comment se passe ce Hellfest ?

Très bien, vraiment. On est très contents d'être ici, de jouer sur de si grosses scènes avec tous ces groupes incroyables. il y a un tel enthousiasme du public, c'est juste magnifique. On est très content de faire partie de l'affiche cette année. On reviendra ! (rires).

Tu es déjà venu au Hellfest ?

Non, jamais, je ne le connais que de réputation. Je sais que c'est le genre de festival qui fait honneur à des styles musicaux très pointus, en tout cas c'est comme ça que je considère tout ce bordel. (rires) Plus sérieusement, quand tu regardes l'affiche et plus particulièrement les groupes qui se produisent sur la Valley, c'est comme si c'était un mini Roadburn, c'est vraiment très impressionnant de réunir autant de pointures sur trois jours.

Tes impressions ?

Extrêmement bien organisé, que ce soit à l'intérieur du fest comme à l'extérieur, sur scène ou en dehors. Les techniciens et ingénieurs du son sont vraiment très professionnels, on s'attendait pas à ça. C'est impressionnant, ils savent s'adapter et restituer ton son à la quasi perfection. C'est génial. Sinon, d'un point de vue général, à partir du moment où tu sors de scène, tu peux vraiment souffler et apprécier tout le reste du festival, tu sais on est de vrais groupies une fois qu'on a terminé de jouer. (rires). On attend avec impatience Sleep et Electric Wizard qu'on connaît très bien. J'ai depuis quelques temps un studio d'enregistrement avec Chris (Chris Fielding, bassiste de Conan), c'est lui qui a mixé leur dernier album, donc on les connait très bien. ça va être d'enfer.

Comment tu as trouvé le public pendant le concert ?

Très très réceptif. Jouer à 11 heurs du matin c'est jamais évident, mais après quelques minutes de jeu, tu sens que le public en face de toi connaît un peu tes morceaux, bouge un peu la tête, puis le morceau suivant il commence à comprendre ce qu'on essaie de faire, et là c'est le pied total, d'un côté comme de l'autre de la scène, ça fait tellement plaisir. ça fait d'autant plus plaisir que notre musique est pas forcément évidente à s'approprier.

Tu avais l'air très content pendant la totalité du concert...

Ouais, ça s'est bien passé et puis on est comme ça assez naturellement, tu sais à force d'être dans le milieu tu rencontres de tout, des durs, des gens très sympas, des cons, peu importe, quand t'es sur scène t'es là pour jouer, quoiqu'il arrive, on adore ça, en mettre plein la tronche. Et puis les gens se souviennent, tu sais si tu fais juste ton show, tu quittes la scène en prétendant que ce qui vient de se passer c'est rien du tout pour toi et ton groupe, les gens finiront par t'en vouloir et tu passeras pour un connard. C'est pas du tout l'esprit du groupe.

Cette année au Roadburn, tout comme aujourd'hui, j'ai vraiment l'impression que quand vous entrez sur scène, dès les premiers riffs, il y a une espèce de stupeur totale de la part du public. Foehammer est généralement une grosse tuerie en live !

On arrive à jouer des titres assez différents d'un point de vue ambiance, mais c'est l'essence même du genre, jouer fort sur scène, faire trembler les gens. (rires).

Une tournée l'année dernière, un nouvel album cette année, l'ouverture pour Sleep et un concert mémorable au Roadburn, les choses ont l'air de bien se goupiller pour vous ?

En effet, ça marche plutôt bien pour le moment, on est les premiers surpris par ce début de notoriété dans le milieu, tu sais on réfléchit pas vraiment, et surtout rien ne fait partie d'une démarche économique ou je ne sais quelle astuce marketing, le but n'est pas de faire le plus d'argent possible, on est partis de rien, on en est toujours au ras des pâquerettes niveau profits, mais on est content parce qu'on commence à ne plus perdre de l'argent sur nos tournées, sur les différents concerts qu'on nous propose. On a commencé il y a quelques années par se produire dans des tous petits rads, avec 10 personnes, et aujourd'hui on fait le Hellfest, on est super contents.

Est-ce qu'il y a un événement en particulier, ou un album que vous pouvez identifier comme étant le déclencheur de ce début de notoriété ?

Je pense que c'est la sortie de notre premier album, c'est là qu'on a commencé à nous prendre au sérieux, il y avait de plus en plus de monde à nos concerts, des gens qui revenaient rérégulièrementet qui sont aujourd'hui nos plus vieux fans, tout ça s'est fait au fur et à mesure, avec le temps on a sorti d'autres eps, splits, etc, et c'est un peu le bouche à oreille, comme pour beaucoup de groupes d'aujourd'hui j'imagine.

Quelles sont tes impressions et celles des fans pour le moment, à propos de votre dernier album, Blood Eagle ?

Personnellement, je trouve que c'est notre meilleur album, on est très fiers des nouveaux titres, très contents de toute l'énergie qu'on y a injecté. Les fans aussi semblent apprécier, en tout cas personne ne m'a encore dit "j'aime pas votre dernier album". Donc tout le monde est content pour l'instant. Et puis techniquement, et on nous l'a fait remarquer, on est très content de l'évolution musicale, on arrive à faire varier certaines de nos ambiances plus facilement qu'auparavant, avec des passages plus lents, et d'autres beaucoup plus rapides, comparé à Horseback Battle Hammer par exemple. Plus de maîtrise en général, et ça c'est cool !

Vous êtes récemment passés de Burning World Records à Napalm Records, qu'est-ce qui vous a décidé à changer de label ?

Il n'y a pas vraiment de raisons importantes à ce changement, nous avons de très bons amis chez Burning World Records, et nous n'avions pas forcément envie de changer de label, mais récemment, nous avons donné un concert à Leipzig, avec Ahab, qui sont chez Napalm Records, quelqu'un du label a vu le show, et nous a rapidement envoyé un message après le concert, demandant si nous comptions enregistrer un nouvel album, et que le cas échéant qu'ils seraient très intéressés de travailler avec nous. J'ai ensuite téléphoné à Jurgen, chez Burning World Records, en lui expliquant la proposition, que travailler avec eux seraient un plus pour le groupe, etc, et on s'est mis d'accord rapidement. 

Est-ce qu'il y a des différences notables entre les deux labels ?

Oui. Les deux labels sont très bien, des gens formidables y travaillent, mais il y a un degré de professionnalisme supérieur chez Napalm Records, des contacts avec la presse, des façons de travailler un peu différentes, un réseau de distribution plus conséquent, etc... c'est très enrichissant. C'est un bond en avant pour nous, et on est très contents que Jurgen (Burning World Records) nous ait donné sa bénédiction avant de partir.

Personnellement, je vous ai découvert au Roadburn 2014, et je suis resté sans voix après vous avoir vu en live, il y a quelque chose de très spécial dans votre musique, impossible de bouger ou de s'enfuir tellement ça vous assomme. Même si j'avais voulu m'en aller, impossible, fallait que je vois ça jusqu'au bout. Même chose aujourd'hui, c'est ce que j'appellerais la "Swamp Sorcery". Est-ce qu'on te l'a déjà dit ?

Oui on m'a déjà dit quelque chose qui s'approche de ce que tu viens de dire, en anglais il y a un terme pour ça "compelling" (captivant / puissant), et on nous le dit souvent, ça fait super plaisir. Et plus le temps passe, plus j'ai l'impression qu'on récupère de nouveaux fans toujours plus ou moins de cette façon là, c'est génial (rires).

Vous devriez jouer dans un marais !

Comme dans Battle in the Swamp (sur Monnos) ? Pourquoi pas, mais il faudra faire attention à l'eau, sinon les amplis tueraient tout le monde (rires).

Vos concerts sont déjà assez dangereux comme ça je pense, est-ce que tu sais qu'au Roadburn, l'un d'entre vous a failli tuer tout le monde à cause d'un pain sur une note ? C'était très impressionnant, toute cette foule sans bouchon d'oreilles, réagissant à l'unisson, cherchant à s'enfuir, la peur sur le visage le temps d'une demi seconde !

Oui c'est sûrement moi, je fais beaucoup d'erreurs (rires). On aime bien jouer très fort, ça fait partie du spectacle, mais c'est vrai qu'au Roadburn ça jouait vraiment très fort (rires). Tout dépend des salles et des ingé-sons, quand on joue dans une grande salle, les ingé-sons ont tendance à mettre le son vraiment très fort, pour avoir un rendu étouffant, la plupart du temps c'est correct, mais de temps en temps il arrive que certains systèmes sonores n'ont pas vraiment de limites, ou que l'ingé son ne le les respecte pas, c'est pour ça que c'est si fort. Mais bon, il y a des groupes qui jouent encore plus fort que nous, Sunn O))) par exemple.

Personne n'est jamais tombé dans les pommes de toute façon ? 

Euh, on a joué à Belfast une fois, et une fille s'est effondrée après quelques minutes de concerts (rires) mais je crois qu'elle était malade. Une autre fois, dans le sud de l'Angleterre, nous nous sommes produits dans une petite salle, et Simon Williams, l'organisateur, qui porte un peacemaker, nous a dit après coup qu'il y avait eu des réactions très bizarres avec son peacemaker pendant le show, il n'avait plus beaucoup de batterie, et il ne le savait pas, et il pense que le fait de jouer si fort, lui a sauvé la vie, les riffs ultra amplifiés ont agi comme une sorte amplificateur de son alarme, et il a pu aller à l’hôpital à temps.

Mais ce n'est pas de votre faute.

Non on lui a sauvé la vie, on a activé son alarme de peacemaker ! (rires)

Il y a de plus en plus de groupes de doom / stoner ces jours ci, mais beaucoup d'entre eux sont un peu chiants à la longue. Il y a toujours dans votre musique un élément qui vient réveiller l'auditeur, un break cool, une ligne de basse groovy ou quelque chose dans ce genre là. Est-ce que vous cherchez cela pendant l'écriture ou c'est un truc qui vient naturellement ? Foehammer est un bon exemple (sur Blood Eagle).

C'est plutôt naturel, on travaille à l'instinct, on parle pas beaucoup en studio, on écrit simplement des choses qu'on aime jouer en live. On essaie toujours d'éviter de ré-écrire des chansons qui se ressemblent. Ce qu'on a fait sur Monnos est différent du dernier album, qui est lui même différent de nos eps, etc... 

Qu'est-ce qui se cache derrière ce son si particulier ? Un genre de sorcellerie à l'oeuvre ? Des gros amplis ? Un accordage trippé ? 

On a des amplis un peu bourrins. Des amplis custom de qualité qu'on pousse à fond, beaucoup d'effets sur les guitares et la basse, on joue lentement et très fort, c'est suffisant pour être assimilé à de la sorcellerie (rires).

D'où vous vient le nom Conan ? Fan des films ou de l'univers ?

Conan vient de l'époque où on cherchait un nom pour le groupe, pas moyen de trouver quelque chose qui évoque la musique qu'on fait, on a eu plein de noms différents, tous un peu pourris, et puis un jour je suis tombé dessus, je me suis rappelé de ce film Conan, sorte de mix de science fiction et d'heroïc fantasy, très agressif, j'ai vérifié qu'il 'y avait pas d'autres groupes avec ce nom, et on a décidé à l'unanimité que Conan c'était plutôt cool. J'adorais les films et l'univers quand j'étais plus jeune, et puis ça en jette non ? (rires). Par contre quand on écrit nos chansons, on ne s'inspire par vraiment de cet univers là, c'est plus quelque chose de global, qui tourne autour de l'heroïc fantasy, des jeux vidéos, de plein de choses en fait, les mythologies Viking, les romans d'heroïc fantasy, tout ce qui tourne en général autour des monstres et de la mythologie.

Des jeux vidéos ?

Ouais, je joue pas mal à Skyrim, et quand je suis dans ce jeu, simplement à dégainer ma putain d'épée ou à me balader dans cet univers incroyable, ça m'inspire énormément. C'est bizarre non ? (rires) Les grosses épées tout ça...

... qui a la plus grosse épée du jeu, tout ça ?

Oh c'est moi. (rires). Ouais j'imagine que ça sonne un peu bizarre...

Pas tant que ça, je comprends la démarche. Est-ce que le terme "Caveman Battle Doom" vient aussi d'une virée dans une des grottes peu recommandables de Skyrim ?

(rires) Non c'est John (ancien bassiste), très actif sur la scène de Liverpool, qui a trouvé ce petit diminutif alors qu'on jouait dans un bar, il y a déjà un bon moment, c'est resté, sans trop le vouloir, mais au final je trouve que ça colle bien avec ce qu'on essaie de construire comme ambiance.

Il y a un truc assez intéressant au niveau des voix dans Conan, toi qui pousse les voix aiguës, et Chris (bassiste) qui se positionne dans les graves, d'où vous est venue cette idée ?

Ah t'as remarqué ? C'est pas tout le temps évident (rires). C'est un truc qu'on a développé au fur et à mesure, d'abord uniquement en live, puis on en a joué sur certaines compos. On s'amuse bien !

Pourquoi toujours ces hoodies ?

Parce qu'on est sacrément moches tous les trois ! (rires) Je sais pas trop, on fait ça depuis longtemps, on a nos habits de scène, ce jean là par exemple, je l'ai pas lavé depuis trois mois, il sent tellement la mort, ça sert à rien de le laver (rires).

Tes impressions sur la scène doom d'aujourd'hui ? Est-ce que tu penses qu'il y a encore assez de place pour de nouveaux groupes ? Et si tu avais un conseil pour une jeune formation doom...

Oui, bien sûr. C'est vrai qu'il y en a de plus en plus. Quand on a commencé on était très peu à faire ce genre de musique, et puis on a senti il y a quelques temps que ça devenait à la mode, la qualité des shows s'est grandement améliorée chez beaucoup, peut être grâce au matériel, qui est bien meilleur qu'il y a 15 ans, peut être grâce à certains groupes qui ont ouvert la voie, je sais pas trop. En tout cas aujourd'hui c'est plutôt quelque chose qui me fait plaisir, de voir toute cette émulation autour de ce style très particulier. Si je n'avais qu'un seul conseil, c'est faites exactement ce qui vous plaît, c'est le plus important. Et jouez fort ! (rires).

Merci beaucoup Jon.

Merci à toi, c'est la meilleure interview de la journée pour le moment (rires) !

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