Un nouvel album, c'est comme une nouvelle petite copine (ou voiture, ou
pc, tout dépend de votre religion) : soit c'est le coup de foudre
immédiat, et ça s'efface au fil du temps (pas toujours heureusement),
soit ça part très mal et ça devient intéressant à force de pratiquer, ou
alors c'est purement commercial et en général ça fait du bien mais
c'est pas très intéressant.
Passé ces considérations à deux balles en guise d'introduction (qui mine
de rien possèdent une part de vrai non négligeable) qui illustre plus
ou moins bien le genre d'album qui suit (la deuxième catégorie),
essayons de nous intéresser au troisième album d'une formation
canadienne assez jeune, mais qui s'est néanmoins forgé une petite
réputation au sein du milieu du métal avant-gardiste.
Au premier abord, ce "In a Flesh Aquarium" d'Unexpect
ressemble à un énorme bordel musical, du genre pas facile à aborder
vous l'aurez compris, tellement fouillé qu'il vous faudra des dizaines
d'écoutes pour s'en approprier la richesse musicale. Impossible d'en
faire le tour complet sans se faire une méningite ou un rhume du
cerveau. Ici, tout s'articule autour d'une ambiance assez particulière,
où se côtoient chimères, fées cybernétiques et autres suppôts
démoniaques d'une imagination débordante. Tout est agencé dans le seul
et unique but de nous faire voyager au cœur d'une histoire composée de
longues pièces progressives où se mêlent black, progressif, fusion, et
même parfois électro, en suivant les acteurs de ce théâtre du chaos
surprenant (Festing Fools, Meet me at the carousel).
Richesse, technicité et diversité sont les maîtres mots de cet objet,
vous vous surprendrez à flotter tout au long de sirupeuses partitions de
violons, avant d'être réveillé par d'imposants riffs black métal
saupoudrés de cornemuse et d'une basse tout en slap (A clown's mindtrap).
Accompagnés d'au moins 3 chanteurs différents, les morceaux vous
surprendront tous par cette profondeur épique, jamais chiant, toujours
virevoltant entre réalisme musical et onirisme presque baroque. Unexpect,
c'est presque shakespeare qui s'inviterait chez vous avec une
stratocaster et qui vous jouerait Macbeth dans le noir, avec une petite
troupe de musiciens baroque déguisés en clowns. Un pur délice.
Là où le groupe est très intelligent, c'est qu'il arrive avec brio à
rythmer les interventions musclées et ne pas tout déballer en forçant
sur la quantité, les genres se mélangent, se suivent, se bousculent mais
un certain nombre de temps morts sont là pour nous laisser reprendre
notre souffle, chose très agréable. Les canadiens maîtrisent le calme
comme ils maîtrisent la tempête : en grandiloquence !
Au final, c'est un album complexe, très difficile d'accès, mais
incroyablement riche qu'ont réalisé les canadiens, sorte de cour des
miracles musical, réunissant de manière assez inattendue violons et
double pédale sans jamais tomber dans la caricature. Amateurs de musique
avant-gardiste ou de fusion des genres extrême, vous ne serez pas déçus
par cet album haut en couleur, même si pour cela il vous faudra une
dizaine d'écoutes avant de comprendre ce qui vous arrive vraiment :
asseyez vous, détendez vous, et laissez vous emporter.
A écouter : Plusieurs fois