Biographie

sgt.

Formé en 1999, le groupe de Math-rock sgt. a réussi, depuis, à se faire une place, dans son pays et à l'international, aux côtés de pointures telles que LITE, Toe ou te'. Quatuor utilisant des violons pour appuyer ses compositions instrumentales, sgt. se base souvent sur l'improvisation et son côté free jazz pour écrire ses pièces.

Le premier long du groupe, Stylus Fantasticus, sort en 2008 qui les popularise et, l'année d'après, c'est au tour de Capital of Gravity de se faire une place au soleil dans la discographie des Japonais.

Chronique

Capital of Gravity ( 2009 )

En faisant de Stylus Fantasticus le chantre d'un genre actuellement en plein délire au Japon, sgt. avait signé en 2008 une des plus belles oeuvres de math-rock de ces dernières années, confirmant ainsi tout le bien que l'on pensait de cette scène un peu barrée venue d'Orient (LITE, Te', Toe, Nuito pour n'en citer que quelques-uns). Lui donner un successeur aussi tôt relevait du défi en même temps qu'il permettait de voir comment le groupe allait surfer sur sa vague avec un line-up quelque peu remanié (retour au quatuor).

Force est de constater ici que les Japonais n'ont rien perdu de leur maîtrise. Stylus Fantasticus était un album plein, en ce sens qu'il tirait parti de tous les riffs initiés dans les premières minutes, les développant à l'extrême durant des sessions de jams impressionnantes de créativité (notamment sur la piste 7). Le même allant est à l'oeuvre sur Capital of Gravity. Les instruments retrouvent leur dynamique, la guitare complexifiant ses mélodies, la basse et la batterie venant enrichir la rythmique, faisant de ritournelles post-rock des airs aux horizons élargis. Et lorsque l'architecture classique semble arriver au bout d'un cycle, c'est le violon, obsédant, qui s'élève en véritable maître d'oeuvre. "Apollo Program" gagne un nouveau souffle dans sa deuxième partie quand ce dernier devient le fil sur lequel se greffent les autres membres du groupe. Une utilisation judicieuse, appuyée à la manière d'une première guitare qui permet à l'auditeur de s'accrocher à un point de repère lorsque, en toile de fond, s'accentue le rythme ("Tears of Na-Ga").

Dépassant les bases post-rock qui ont fait le groupe, grâce à une volonté de toujours aller de l'avant, Capital of Gravity se veut pourtant plus accessible que son prédécesseur. Par sa durée, d'abord, puisque le disque ne dépasse pas les 35 minutes pour 5 titres (dont un seul franchit le cap des 10 minutes). Egalement par la construction des morceaux qui peuvent se révèler plus prévisibles que par le passé. "Kalliope" est une introduction convenue, "Tears of Na-Ga" est une cavalcade effrénée à la répétition hypnotique mais dont la structure progressive ne viendra pas surprendre. Ce qui ne signifie aucunement que le groupe n'est plus capable d'apporter sa griffe propre: "Ant's Planet", piste récréative où une electro 8-bits vient éclabousser un piano jazzy, se révèle être une pause ludique plaisante malgré une fin un peu à court d'imagination. Feeling jazz qu'on retrouve d'ailleurs sur le dernier morceau, "Epsilon" où le piano dispute la primauté de sa mélodie au violon et au cuivres alors que les instruments traditionnels impriment leur marque dans un délire très "free" et qui met en valeur, très précisément, la marge d'évolution qu'il reste au quatuor.

Au pouvoir psychédélique de Stylus Fantasticus, sgt. répond par un exercice carré, dans les cordes et qui rentre totalement à l'intérieur du cadre dans lequel évolue le groupe, entre sens aiguisé de la mélodie et virtuosité technique. La surprise en moins et la frustration de la durée en plus, peut-être. Peu importe, car Capital of Gravity ancre sgt. dans les cadors du genre. En attendant la prochaine marche qui promet d'être toujours plus débridée. Un comble, pour des Japonais.

A écouter : Apollo Program - Epsilon