Panzerfaust
Black Metal

The Suns of Perdition - Chapter IV: To Shadow Zion
- The Hesychasm Unchained
- When Even The Ground is Hostile
- The Damascene Conversions
- Occam's Fucking Razor
- To Shadow Zion (No Sanctuary)
Chronique
Il ne viendrait pas à l’esprit d’une majorité d’entre nous de commencer une série par l’épisode final. C’est pourtant un peu ce que l’on s’apprête à faire avec To Shadow Zion, quatrième chapitre de la tétralogie The Suns of Perdition initiée en 2019. Puisqu’il est toujours agréable d’enfoncer des portes ouvertes, précisons que cela ne constitue évidemment en rien un obstacle à l’écoute de ce volet final. Expliquer en quelques mots le concept fondateur de la tétralogie n’est pas chose aisée : indiquer simplement qu’il tourne autour de thèmes liés à la guerre est très réducteur tant le sujet est un des poncifs du Metal. L’approche de Panzerfaust est intéressante en ce qu’elle s’appuie à la fois sur des événements historiques et sur des écrits de grands philosophes pour décrire l’horreur de la guerre. Celle-ci ne tient d’ailleurs pas uniquement à ce qu’elle engendre comme drames mais aussi, et peut-être surtout, à son caractère inévitable. The Suns of Perdition est également un détournement de l’expression « the son of perdition » (le fils de perdition) de la Bible et qui ferait référence à Judas Iscariote ou à l’Antéchrist. To Shadow Zion allie quant à lui l’utopie de la cité céleste de Sion et le concept Jungien de « l’ombre » qui représente le « côté obscur » de notre personnalité qui contient les instincts les plus réprimés, que l’esprit conscient rejette et relègue au plus profond de notre être. L’intention semble ainsi de montrer que l’humanité, tout en se dirigeant inexorablement vers sa fin, se berce doublement d’illusions : en se réfugiant dans des chimères rassurantes puis en refusant de voir sa vraie nature.
Dans la veine de leurs précédentes sorties Panzerfaust continue à jouer de l’antagonisme entre le rapide et le pesant. Cette dichotomie se retrouve déclinée de multiples façons. Le chant du guitariste Brock Van Dijk, tendant vers les aigus et très dynamique, s’oppose ou complète celui, puissant et massif, de Goliath. Bien souvent synchrones, chant et section rythmique agissent de pair, tandis que la guitare joue sa propre partition créant un décalage avec l’ambiance générale. Très en retrait pendant les passages les plus durs, elle incarne à elle seule la dimension mélodique des compositions. Tirant parti de ce traitement, elle réussit néanmoins retourner cette situation à son avantage, sa singularité attirant l’attention. En miroir, la concomitance des interventions de Goliath et le déclenchement de torrents de double pédale donne littéralement l’impression de faire face à des murs sonores. Tout son est naturellement le résultat de la combinaison de l’ensemble des parties qui le composent mais chez Panzerfaust, la section rythmique occupe tout de même une place centrale. Le jeu de Alexander Kartashov brille par sa fulgurance, sa diversité et sa luminosité. Toute la fin de When Even The Ground is Hostile est un ainsi solo de batterie qui ne dit pas son nom. Pièce centrale du disque, Occam’s Fucking Razor en est également le meilleur représentant. Tout y est concentré : les saillies percutantes de Goliath, la magnificence de la section rythmique, la pertinence des solos de guitare et surtout l’incarnation avec l’incursion de sonorités orientales. On retrouve ces inspirations sur Damescene Conversions grâce au son de la bağlama, instrument à cordes turc mise en lumière, encore une fois, par les modulations rythmiques. Côté face, le groupe donne parfois l’impression de naviguer à vue dans sa volonté de mettre en son le chaos. L’aspect répétitif de certains passages (comme le tronçon central de The Hesychasm Unchained) peut ainsi sembler un peu stérile mais les Canadiens ne se perdent jamais tout à fait et finissent toujours par trouver une échappatoire : un changement de rythme, une mélodie…
Avec Chapter IV: To Shadow Zion, Panzerfaust conclut parfaitement sa tétralogie The Suns of Perditions, délivrant, avec Chapter II: Render Unto Eden, un de ses volets les plus réussis. Débarrassé des multiples interludes qui entravaient la dynamique de Chapter III: The Astral Drain, ce dernier chapitre se révèle plus direct sans s’amputer de sa dimension atmosphérique. To Shadow Zion (No Sanctuary), dernier morceau, fournit ainsi une parfaite conclusion à ce cycle auquel Panzerfaust aura consacré cinq années.