Chino Moreno est de ces artistes qui font de l'or avec tout ce qu'ils touchent. Leader d'un des plus glorieux rescapés de la vague Néo Metal encore aujourd'hui, le chanteur a toujours su tourner les choses à son avantage. Paru en 2014, ††† est une nouvelle échappatoire réussie du monsieur hors de sa zone de confort.
††† est un groupe de nuit ou de petit jour. Sa musique prend corps dans les rues sombres baignées de halos, dans les lueurs rosées d'une aube encore lointaine. Confortable et teinté de douce mélancolie, l'album est une chevauchée en solitaire au hasard de boulevards labyrinthiques. Electro, Pop, Rock, le trio explore différentes voies avec succès, entremêle les courants. ††† est un disque d'où se dégage une bonne homogénéité, celle qui vous fera revenir pour une aura, des souvenirs associés à la musique, un sentiment d'ensemble impalpable et propre à chacun. Car de part en part, l'œuvre vous happe et des airs comme †elepa†hy viendront vous hanter jusqu'à l'excès. Chino et sa voix si particulière font une grosse partie du travail; l'Américain est imperturbable et polyvalent comme à son habitude, aussi doué sur des passages musclés (toute proportion gardée) comme †his Is A †rick que sur les plages les plus calmes (Dea†h Bell, Nine†een Nine†y Four). Ce sont d'ailleurs ces dernières qui dominent l'opus dans son ensemble, de quoi combler les amoureux d'un Deftones langoureux. ††† charme, ††† est sensuel et intime. Des couplets mystérieux posés sur des claviers et beats en refrains explosifs soutenus par les guitares, tout prend aux tripes sans détour.
Réparti sur pas moins de quinze titres, ce premier effort s'engloutit d'un trait pour peu que l'on adhère au style (accessible mais efficace) de †††. Les moins férus de musique électronique ne seront pas lésés pour autant, celle-ci n'étant pas envahissante et toujours bien pensée, comme le motif plutôt Funky et 80's de †elepa†hy ou les teintes lumineuses de †he Epilogue. Et si quelques pistes sont légèrement en deçà de l'ensemble comme † ou Nine†een Eigh†y Seven car plus sobres, toutes les autres sont gratifiées de mélodies accrocheuses. †rophy offre une belle envolée presque Dream Pop, Nine†een Nine†y Four une ballade toute en légèreté où la guitare frêle rappelle des arrangements Post-Rock. Plus positifs, Prurien† et Fron†iers dévoilent des refrains triomphants et lumineux, sans jamais tomber dans l'euphorie. ††† n'est ni pleurnichard ni festif en fait. Il place son auditeur dans un masochisme sans séquelles, celui du léger blues que l'on savoure, de la petite déprime dans laquelle on se complaît, celle qui fait mal pour de faux et qui, quelque part, fait aussi du bien.
Peu importe votre passé musical, vos exigences et vos bêtes noires, ††† saura vous faire flancher à un moment ou un autre par sa simplicité et sa sincérité. Ou bien vous n'avez pas de cœur, tout simplement.