[bleu]. Un mot pour tellement d'images et de variations. L’idée d’un sentiment léger, d’un vaste espace où les notes planent jusqu'à nous comme dans un ciel sans nuage. Un artwork énigmatique et un titre qui laisse deviner ce qui sera abordé ici ; étudier la Finesse, la disséquer afin d’en extirper l’essence même. Le duo signe avec Sincère autopsie de la finesse un véritable hommage à ce qu'ils aiment : la Musique.
Electro ? Expérimental ? Les styles ne sont que barrières parfois trop contraignantes. [bleu] n'en a que faire ; chants grégoriens sur Didaskalia, électro noise sur Didascalus, inspiré par Philip Glass période Piano Works sur Temps Temps Temps Temps Temps et krautrock sur Brumeuse. Les compos voguent au gré des envies sans jamais se stabiliser, tout en gardant ce sentiment d'avoir été creusées, peaufinées jusqu'à la moindre note, à l’instar de RQTN ou Deschamps. De nombreux noms et courants musicaux viennent titiller l’esprit : Zombi, Apparat, Massive Attack, Dirge, … La liste pourrait être longue tant la musique est riche et, pourtant, sans fastes ; pas d’imagerie kitch ni de surenchère inutile, juste un sentiment de bien être. Le projet prend véritablement de l'ampleur sur Brumeuse : condensé de tous les éléments précédemment dévoilés par le duo, il prend un air de post-cequevousvoulez par sa manière de grandir et monter en puissance jusqu’à, tel Michel Ange, effleurer Dieu. Musique céleste par ses sonorités, les mots, au contraire, décrient le Religieux, le tournent en dérision sur Auto-Gerbés (« La vie se trouve ailleurs ou alors Dieu était trop bourré ce soir »), jusqu’à censurer le nom de Dieu par des notes sur Brumeuse. En cela, les Français restent fidèles à leur biographie si évasive (« La conviction se base sur le factuel irréfutable ») et poussent leur concept à l’extrême avec sincérité.
Malheureusement, le paysage sonore de [bleu] se voit empreint de quelques nuages. Les tintements d'Auto-Gerbés résonnent parfois un peu trop fort, cassant le son et la douceur du morceau. De même que les quelques paroles captées manquent peut-être de force pour créer le décalage tant désiré, le sens des mots entache légèrement le ressenti et l’apparence si sobre d’une musique pouvant être utilisée à double-tranchant. En effet, le sentiment d’exploration intérieure déployé par Sincère autopsie de la finesse pourra être plus difficile à approfondir avec cette sensation de rejet de toute dimension mystique tant le disque s’y prête (Didaskalia, Brumeuse) par moments.
Il est fort dommage que cette perception du disque viennent presque s’imposer. [bleu] ne manque pas de verve, preuve en est sur Brumeuse, mais veut peut être plus s’approcher de Dieu que véritablement le malmener. Sartre expliquait « Etre homme, c'est tendre à être Dieu ; ou, si l'on préfère, l'homme est fondamentalement désir d'être Dieu. ». Le duo, à l’écoute de cet album, tend plus dans cette direction en chuchotant, telle une voix céleste, que vers un véritable décalage.
A l’heure où l’on cherche à tout catégoriser, Sincère autopsie de la finesse se joue de nous. [bleu] n'est plus seulement une couleur, mais un son à capter. Ne vous reste plus qu’à faire le premier pas pour basculer…
A écouter : Brumeuse