Redoutable d'originalité, cet album démontre encore une fois que lorsqu'on croit avoir tout entendu, on aura toujours faux.
Le problème est le côté très froid, glacial en fait, de l'album qui a tendance à me repousser.
Ca fait longtemps que Zu avait promis des choses. Depuis Igneo, en 2002 qui a commencé à les faire connaître? Depuis qu'ils sont devenus les petits protégés de Mike Patton (aux mille projets)? Depuis qu'on a entendu leurs collaborations diverses et variées chez Dead Elephant ou Original Silence et qu'on piaffe à l'idée de les entendre avec Dälek? Ou bien depuis qu'on a appris que ce n'est pas moins de 14 albums que le groupe avait sortis depuis 1999? Un peu de tout ça à vrai dire. Et, maintenant, ce nouvel album vient remettre un peu les pendules à l'heure.
Carboniferous est dense, massif, tentaculaire. Dispersé, Zu? A en croire l'énergie déployée dans cet album, les italiens ont dû plonger toutes leurs forces dans la bataille. C'est que la bête ne se laissera pas apprivoiser rapidement. Plus "core", plus "free" qu'Igneo, loin de s'assagir, au contraire, le son se durcit puis s'émiette. Rythmiques dézinguées, instruments violés, breaks maltraités, Zu se fait mastodonte dans un magasin de porcelaine (Carbon et son intro pachydermique) mêlant avec succès hardcore et jazz au cours de 50 minutes éprouvantes pour les oreilles et pour les nerfs. Saxo étouffé, basse fuzz et batterie en constante prouesse - 3 instruments en guise d'orchestre sur la tangente (l'ouverture, Ostia, majestueuse leçon de savoir-faire), rejetant toute structure, épousant la dissonance. Difficile de s'y retrouver tant les italiens ont élevé le niveau et s'approprient des cadences totalement imprévisibles. Les ambiances varient à la seconde - jazz, noise, math, hardcore, whatever, dans un désir / délire de pousser encore plus loin l'expérience (bidouillages sur Erynis, Beata Viscera et ses 15 secondes exotiquement ambiancées). Le tout se faisant avec fluidité et une totale maîtrise du cap, rappelant le talent du groupe pour l'improvisation.
Musiciens de brio - et ce n'est pas l'expérience live qui fera démentir, les 3 instrumentistes jouent leur partition au millimètre: la basse ronde et rugueuse (en démonstration sur Beata Viscera) ou le saxo, tantôt discret, tantôt impatient et volubile (Chtonian) compense l'absence de chant et se pose parfaitement sur une section rythmique en feu et qui ferait presque oublier les guests prestigieux que compte Carboniferous. King Buzzo (The Melvins) vient alourdir la note de sa guitare plombante sur Chtonian et Mike Patton borborygme avec malin plaisir sur Soulympics et Orc, sans oublier d'apporter ses claviers. Et même si l'apport de l'un est plutôt discret et celui de l'autre un peu inutile voire pénible, Zu joue désormais, au grand jour, dans la cour des grands.
On pourrait exagérer en relevant le petit manque d'inventivité sur la deuxième partie du disque tant la première est folle. On pourrait même en faire un peu plus sur Carboniferous. Mais on s'arrêtera là, conscient de ne pas en saisir toute l'essence - what's the point?- et pourtant, musicalement repu. Zu est au sommet de sa montagne, celle qu'on a envie de nommer les Hauts de Zurlevents. Pour la blague.
Ceci dit, les italiens ne rigolent peut-être pas, eux, mais ils s'en donnent à coeur joie.
Une grosse claque jazz/noise avec des morceaux lovecraftiens comme Chtonian!!! A absolument voir en live!!!