Year Of No Light
Post-Hardcore / Sludge

Vampyr
Chronique
Décidément, le cinéma classique est à l'honneur cette année. Après Vertikal de Cult Of Luna, directement inspiré du film Metropolis de Fritz Lang sorti en 1927, voici Year Of No Light play Vampyr. Il s'agit d'un projet que les Girondins avaient particulièrement à cœur de réaliser, celui de composer et interpréter une bande-son pour le chef-d'œuvre du même nom de Carl Theodor Dreyer. Cette expérience, qui ne devait être qu'un ciné-concert d'un soir, s'est transformée en tournée de près de deux ans jusqu'à l'ultime date de Bordeaux en février 2012, qui donna naissance à cet "album".
Passée une vague de changement de line-up accompagnée d'une redirection artistique qui suivit la sortie de Nord, on voit pour l'occasion le groupe s'exercer dans un dark ambient ponctué de drone, genre dans lequel on l'avait peu vu évoluer (hormis sur le split avec Thisquietarmy). Pour ceux que cela pourrait déstabiliser, cet opus aura tout de même droit à ses grands moments de sludge aux riffs lourds comme pour l'adaptation de Hiérophante et Abbesse (extraites d'Ausserwelt), légèrement remaniées ici en guise de final. Les textures sont diluées et les changements de parties se font tellement progressivement que les 16 titres s'écoulent sans que l'on en perçoive les coupes. Il faut dire que le groupe a parfaitement su s'approprier l'ambiance angoissante et schizophrène de l'œuvre de Dreyer tout en gardant ce son qui lui est propre. Cette fusion de nappes de guitare, de basse et de synthé avec cette légère touche de shoegaze est ici, plus que dans aucun autre de leur travail, mis en évidence. Même si regarder le film en même temps vous procurera une expérience optimale, la vidéo est loin d'être indispensable pour apprécier cet album. Malgré sa durée conséquente, il s'y dégage une certaine autonomie que très peu de musiques de ciné-concerts possèdent. En effet, ce projet ambitieux laisse place à une grande richesse sonore, parfois contemplative (Ombres), parfois émouvante (Deuil), parfois épique (Vampire), qui nous plonge dans ce concept effrayant aux frontières de la réalité où le doute cartésien vient s'immiscer dans notre esprit.
Les minutes s'échappent, puis les écoutes se répètent pour finir par entrevoir des passerelles entre les mélodies instrumentales des Bordelais et le long métrage réalisé 80 ans plus tôt. Une troublante similitude, à l'instar de la création du cinéaste Danois. Car là est le tour de force qu'a accompli Year Of No Light, réussir à accommoder une oeuvre aussi maîtrisée du septième art et y associer une musique qui à aucun moment ne prendra le pas sur le film et, inversement, ne disparaîtra sous ses images.
À propos du film :
Vampyr ou L'Etrange Aventure d'Allan Gray est un véritable classique du cinéma d'horreur réalisé en 1932 par Carl Theodor Dreyer. L'intrigue relate l'histoire d'Allan Gray, un jeune voyageur qui s'installe un soir à l'auberge de Courtempierre. Pendant la nuit, un vieil homme lui confie un paquet à n'ouvrir qu'après sa mort et lui explique que Léone, une de ses filles, est souffrante. Intrigué, Allan se rend au manoir du vieillard guidé par d'étranges ombres mais assiste, impuissant, au meurtre de celui-ci. Il ouvre donc le paquet qui contient un livre sur les vampires, puis apprend que Léone a été victime de l'un d'eux et que son esprit reste possédé par son agresseur. Il va alors tenter de la délivrer de cette malédiction.
Contrairement aux comtes Dracula ou Nosferatu, Drayer imagina le vampire simplement comme une vieille femme afin d'ancrer l'histoire dans un commun déstabilisant. Les plans et les cadrages sont d'une rare beauté et la technicité des effets spéciaux renforce la dimension onirique du film dans lequel on ne distingue jamais la part de réel des événements vécus par le personnage.