Approchez, approchez, messieurs dames, et entrez dans le monde fascinant des musiques modernes. Plus étonnant que la femme à barbe, plus audacieux que le Fakir magnétique, plus abominable que le pétomane unijambiste ! Venez découvrir, petits et grands, l’improbable laideur de votre patrie. Maintenant, grâce à Wormfood, enfoncez-vous dans les tumultes de la France, une France glauque, malsaine, désagréable, scandaleuse, que vous vous refusiez peut-être à vous avouer. Laissez-vous envahir par ce spectacle sonore décadent qui tentera de vous ouvrir les yeux sur ce pays honteux que vous osez encore habiter. Découvrez le premier groupe de métal franchouillard et son dernier disque, qui vous dépeindra ce monde méprisable qui vous entoure. Spectacle en 11 tableaux, moins d’une heure pour assouvir vos envies de sonorités musicales et plus particulièrement de métal, quelles qu’elles soient, puisque vous pourrez vous délecter tour à tour de la noirceur d’un black pédophile, d’un doom assaisonné à la décadence de la cour du roi soleil, d’un brutal death nihiliste, mais aussi d’une variété complètement avariée, d’ambiant gothique forain, d’une comptine enfantine d’handicapé ou de baroque en décrépitude. Pis encore, d’improbables mélanges s’opéreront sous l’égide de conteurs sarcastiques et cyniques. N’ayez pas peur de ce projet ambitieux, qui vous emmènera entrevoir une France vulgaire et pâteuse, à travers l’espace et le temps. De Paris à notre foire campagnarde, de l’occupation romaine à celle des dessous de ponts, venez assister aux scènes de décrépitudes les plus loufoques.
Au delà d’un concept auquel il fallait s’attaquer, Wormfood propose ici un album totalement burlesque où l’auditeur se retrouve malmené grâce à une musique totalement hétérogène, entrecoupée de scènes tout aussi dénuées de rapports entre elle. Et c’est bien là le défaut de ce France. On a du mal à saisir le sens réel du tout. Quel est le rapport entre un clochard ivre rendant sa vinasse et un prof d’histoire relatant l’utilité du processus de momification ? Chaque passage est bien ficelé certes, tout s’enchaîne plutôt bien malgré de regrettables clichés, mais on a finalement du mal à sentir une cohésion toute propre au groupe. Ce constat peut également être étendu à la musique, puisqu’il s’agit bien là de musique me direz-vous. Wormfood s’applique à distiller tout un éventail de styles musicaux, allant, je l’ai dit, majoritairement dans les genres métal. Là également, on a vraiment du mal à sentir une personnalité cohérente liée à une entité. On a droit pêle mêle à des passages divers et variés, tous plutôt bien faits, mais qui sonnent comme déjà ressentis, ailleurs. Ce France ne serait-il donc qu’un enchevêtrement de ce qui se fait de mieux dans les styles de métal les plus en vogue ? Assurément non, car on ressent un travail énorme et une volonté de faire quelque chose d’original. Mais à développer un concept aussi étrange, le groupe n’aurait-il pas un peu perdu la musique en elle-même de vue ? Je ne dis pas là qu’elle a été bâclée, car sauf quelques facilités, la qualité est au rendez-vous, mais une qualité impersonnelle, dont on sent qu’elle a pioché sa légitimité ailleurs. Très dommage car France perd ici ce qui aurait pu être sa clé de voûte.
Finalement très en rapport avec des productions françaises récentes, GTI et Gronibard (dans un registre différent certes) en tête, Wormfood continue dans la voie du métal touche à tout, inondé de scènes théatrales. France est un album travaillé, à n’en point douter, aux ambitions certainement hautes, mais peut-être pas assumées jusqu’au bout. La cohésion, tant musicale que globale eut mérité un tant soit peu plus d’attention, ou du moins de personnalité. Rassurez-vous pourtant mesdames, messieurs, France est un bon disque, et il saura vous distraire plus d’une fois, comme il a si bien su le faire avec moi.
A écouter : Tegbm, Daguerréotype, Miroir de Chair, Vieux Pédophile.