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Biographie

Wheelfall

Originaire de Nancy, le quintet s'expose dès 2010, entamant son périple artistique par des influences stoner et sludge, en particulier avec le EP From The Blazing Sky At Dusk en 2010 et le premier long Interzone en 2012. Suivront un split avec A Very Old Ghost Behind The Farm et des live sessions à La Forge Productions. Wheelfall révélera son plein potentiel avec le double album Glasrew Point en 2015 et abrité par Sunruin Records, affichant une volonté farouche à briser les codes, grassement investi d'indus, de post metal, post hardcore et d'expérimentations. Le groupe continue de développer son univers de plus en plus obscur et mal famé avec le troisième long The Atrocity Reports, pondu en 2017 chez Apathia Records, très inspiré des ambiances SF à la Philip K. Dick ou des films de David Cronenberg, entre autres. En 2020 Wheelfall enregistre en trio (mais toujours interprété à cinq) pour réaliser A Spectre Is Haunting The World, encore en autoproduction et renforçant les éléments Indus à la Godflesh, distribué par le label perso de Fabien W. Furter (voix / guitares / basse / Synthés), No Good To Anyone. Un fanzine accompagne l'album pour illustrer chaque titre par huit artistes différents.

17 / 20
2 commentaires (17/20).
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A Spectre Is Haunting The World ( 2020 )

Empreintes d’une narration profonde depuis le gourmand Glasrew Point de 2015, les compositions de Wheelfall traduisent la dérive humanoïde, tentant de coller au plus près d’émotions crues sous la projection d’un faisceau multi-Metal / Hardcore à tendance expérimentale. Tandis que l’excellent The Atrocity Reports nous trimballait en un vaste bourbier post (post)-industriel débarrassé de toute pensée positive, déconstruisant minutieusement la moindre parcelle d’espoir factice, A Spectre Is Haunting The World nous fait vivre la radicalisation légitime mais jusqu'au-boutiste d’un être qui n’accepte plus la résignation autodestructrice et décide d’en finir physiquement avec les responsables identifiés de nos souffrances perpétuelles.

Un nouveau cycle enregistré en huit temps, huit chapitres illustrant ce qui pousse une conscience ordinaire à l’irréversible, au passage à l’acte définitif, qui – s’il s’avère vain – permettra au moins de se sentir vivant, réel. 1000 Ways To Kill A Man affiche d’emblée les intentions du personnage, déterminé dans sa créativité pour occire la source de nos désespoirs (« I Gonna Crush You! »). La dimension Indus s’accapare tout de suite plus d’espace, s’étale même de tout son long sur un tapis de riffs presque déshumanisés, contrebalancés par une voix le plus souvent enragée, s’apaisant rarement, éventuellement pour exprimer son amour (Cold&Pure), cernée d’hostilité instrumentale à la mécanique bien huilée. Le Death Indus du monumental Sex / Oblivion / Sex amplifie l’oppression et nous fait ramper dans la crasse cyberpunk, au milieu de rues surpeuplées, dont les milliers de pas indifférents foulent nos implants bon marché, surtout bons pour la casse. Les ambiances n’ont jamais été si peaufinées, chaque élément raconte quelque chose. Et le futur n’a jamais été aussi présent, le flippant Wisdom Is More Erotic When Wasted en atteste, puis le très (très) lourd et perturbé Perverse Technology persiste à pourrir nos circuits internes, ou le groove énorme de Scorched Throats tente de réveiller l’animal qui pionce derrière les organes synthétiques.

Batterie dense, sèche, effrayante de précision, basse sinueuse et monstrueuse, guitares en carbone et silicium, synthés torturés, s’articulent malgré les évidentes conflictualités pour animer une histoire et une finalité qui dépassent la volonté de l’humain. Le désir d’un retour à la réalité est en fait matérialisé chaque seconde, et Wheelfall fera tout ce qu’il peut pour y parvenir, quitte à y laisser sa peau (Amplitude Death).

A Spectre Is Haunting The World, toujours fabriqué en totale autogestion, dépasse d’un cran son aîné par le taf incroyable de ses atmosphères et la justesse d’une écriture encore plus sensible que sur The Atrocity Reports. Un bestiau pas évident à assimiler, qui demandera donc des efforts d'écoute répétés, mais dont le spectre finira effectivement par hanter ce monde délabré.

En bonus un fanzine a été réalisé pour illustrer chaque titre par huit artistes différents, disponible via le Bandcamp du groupe.

A Spectre Is Haunting The Bandcamp.

A écouter : réellement.
16.5 / 20
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The Atrocity Reports ( 2017 )

Les Nancéiens nous baladent parmi les méandres de leur sombre toile tissée depuis 2010, débuts enfouis sous un stoner/sludge relativement classique mais correctement exécuté. Ce n’est qu’après Interzone, premier long déjà bien achalandé, que Wheelfall fait la démonstration d’une identité pleine et entière. Le double album Glasrew Point en atteste profondément, envahi par les atmosphères travaillées propres à l’indus et au metal/hardcore d’après, quelque part entre Neurosis, Ministry et High On Fire. Une orientation qui s’imprègne progressivement de cinéma de genre et de littérature de science-fiction, que l’on retrouve avec un bonheur non dissimulé sur The Atrocity Reports, à travers un récit exponentiellement engoncé dans les limbes d’une société cauchemardesque, probablement la notre dans un futur proche si on laisse les choses en l’état.

Les êtres qui constituent Wheelfall déambulent ici parmi les structures en décomposition d’un monde ruiné, en proie à la maladie, à la désolation. Les fondations comme nos certitudes sont fragiles, brinquebalantes, manquent de s’effondrer à tout moment, Nothing But Worms nous le rappelle à chacun de ses mouvements, tandis que la Violence se fait Séduction et la voix prend des airs de The Young Gods, ou que la basse creuse son sillon dans les circonvolutions de guitares d’un Impenitent vertigineux, augmenté d’un jeu de double-pédale aussi destructeur que maîtrisé. Plus on avance dans The Atrocity Reports, plus l’atmosphère est chargée des odeurs putrides d’un cadavre nommé humanité. En résulte un Black Bile équilibriste, vocalement titubant et instrumentalement tiraillé entre lâcher prise et bruyante détermination survivaliste, suivi de quelques Compulsions infectées où la six cordes exprime ses arpèges avant-gardistes et s’associe à une section rythmique partiellement déconstruite. On se rend alors à l’évidence, au bout de quarante intenses minutes, qu’il n’est plus raisonnable de lutter, qu’il est inutile de se débattre, puisque nous sommes déjà morts. L’illusion est vidée de sa substance, et Lost Cause vient réduire à néant le ridicule espoir qui pouvait éventuellement se maintenir au cœur de cet épais et splendide bourbier. Le tempo est lent mais carnassier, la mélodie est constamment au bord du gouffre, planant parfois au-dessus des carcasses fumantes, retombant souvent et brutalement dans la réalité du sang.

Suite logique particulièrement étouffante de Glasrew Point, ce troisième album perpétue la manœuvre engagée en 2015, nous emmène explorer les arcanes et les questionnements d’un monde voué à l’échec. Malgré la dimension sublime du prédécesseur, The Atrocity Reports parvient à distribuer autant voire davantage d’émotions gagnées par la noirceur, portées par un rendu assez démentiel et un chant encore plus incarné. Maintenant on reste curieux et alerte de ce que va nous pondre Wheelfall à l’avenir, peut être plus proche qu'on ne l'imagine.

A écouter : pas à tête reposée.