Avec bientôt un cinquième album à son actif, Weezer aura su mettre en avant un rock épanoui, armé d'une créativité peu répandue à l’heure actuelle. Il est grand temps de rendre son dû à une oeuvre pleine de générosité, pionnière d'une scène emo que trop redevable: Pinkerton.
Dotés d'un sens de la mélodie assez impressionnant, Weezer nous auront livrés, dès '96, un album contenant pas plus de 10 pistes, mais qui, une décennie plus tard, ne cesse de s'écouler chez les disquaires. Des compositions aussi accrocheuses les unes que les autres, une autoproduction menée avec minutie auront fait de Pinkerton une oeuvre des plus harmonieuses, où chaque titre prend forme dans une suite logique qui n'aurait pu être autre.
C'est ainsi que "Getchoo" et son rock vindicatif emboîte tout naturellement le pas à "Tired Of Sex". Bien que plus pop, ne serait ce que par son clavier catchy, ce titre monte en puissance sur tous les fronts; Rivers Cuomo hausse le ton niveau chant, tout autant que Patrick Wilson derrière ses fûts, pendant que Brian Bell place un brillant solo aux allures noisy. Voilà comment, en un laps de temps d'à peine 3 minutes, plus 1 seconde pour être précis, le quatuor prouve l'étendue de son talent. Weezer se complait à poser des structures franches et épurées pour mieux les détourner par la suite.
"El Scorcho" berce l'auditeur d'une pop lancinante aux sonorités mexicaines, toujours avec un petit riff bien senti, tant en arpèges acoustiques qu'électriques. La mélodie s'appuie sur des choeurs ponctués par de petits cris enfantins assez loufoques, et virant à l'aiguë; un chant toujours juste, posé ou agacé, puis une nouvelle fois le morceau s'emporte pour délaisser ses sonorités pop, pour des contrées punk-rock très mélodique.
Une recette efficace, marque de fabrique du groupe, que l'on retrouve au fil de leurs compos, ne serait ce que sur "The Good Life", renforcé par des dérives noisy, et un break très inspiré qui plonge le morceau dans le regret. De la joie , de l’amertume, de la nervosité, beaucoup de sensations palpables sur Pinkerton, qui se clôt avec brio sur "Butterfly" : guitare sèche et batterie en retrait pour une métaphore sur l'éphémère.
Bien que (sur)prenant, Pinkerton se veut particulièrement émouvant puisqu’il est là question de sincérité et d’empirisme relationnel. Et c'est peu dire tant il est clair que tout un chacun pourra s'identifier aux textes de Rivers Cuomo.
L'engagement de celui dans ses rapports à la gente féminine est plus qu'irréprochable, un exemple à suivre pour dire vrai. Il aborde ainsi, dans "Tired Of Sex", ses rapports journaliers au dénominateur non commun que sont: Jen, Lynn, Jasmine, Denise, Therese, Louise. Cependant la fidélité reste de mise bien que sa compagne, des plus indifférente à son égard, en vienne à lui mentir continuellement. Mais le dédain et le mépris dont elle le gratifie n'affecte en rien notre frontman au grand coeur, car au final: "No There's No Other One".
Une maxime qui illustre à merveille la place de Pinkerton dans la discographie de Weezer, pour ne pas dire dans "la" discographie. Sous couvert d'un artwork plein de sens (Kambara de Hiroshige) le combo' californien nous comble d'une production à l'excentricité légère ("El Scorcho"), mais d'un sérieux (sarcastique?) tacite, quand on sait à quel point il est délicat d'arriver à ses fins lorsque l'on veut prendre pour épouse...une lesbienne ("Pink Triangle"). Trop d’implication met en péril le couple, et il est grand temps de dédramatiser ces relations "sur sentimentalisées": "And I don't wanna be an old man anymore".
N'hésitez pas à en débattre sur le forum.
A écouter : The Good Life; El Scorcho; Pink Triangle; Tired Of Sex; Getchoo