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A Romance With Violence ( 2020 )

Imaginez-vous, revolver à la ceinture, pousser les portes battantes d’un vieux rade poisseux, les bottes pleines de boue. Le grincement des portes qui se balancent attire les regards, tout le monde se retourne et vous dévisage d’un regard vitreux : bienvenue en 1868.

Cette ambiance de western et de conquête de l’Ouest, c’est ce que propose le quatuor de Black-Metal Atmosphérique Wayfarer (USA, Colorado) depuis son avant dernier album World Blood (2018). Un full-length marquant un tournant dans la carrière du groupe qui officiait depuis ses débuts (2014) dans un Black-Metal (très légèrement Atmosphérique) plus conventionnel. Avec A Romance With Violence, le groupe nous invite à poursuivre la balade au grand galop, dans les montagnes du Colorado. Yee-Haw !

L’introduction, The Curtain Pulls Back, ouvre, en guise de générique, les 45 minutes du film A Romance With Violence. Le son de piano vieilli, l'ambiance saloon sur une bande son craquelante, suffisent à plonger l’auditeur dans l’ambiance. L’album est construit comme un film, avec ses scènes d'action (Gallows Frontier Act I et II, Masquerade Of The Gunslingers, Vaudeville) entrecoupées judicieusement par des transitions entre les différents actes (Fire&Gold, absolument magnifique, Intermission). Les titres eux-mêmes sont construits comme un scénario. The Crimson Rider (Gallows Frontier, Act I), par exemple, se découpe en chapitres. Le premier rentre dedans avec des riffs saturés pour laisser place à une partie Black-Metal-Melo-Au-Grand-Galop des plus appréciable. Pour le second, c’est un duo de guitares claires qui pose l’ambiance western du morceau, soutenue par des rythmiques sourdes utilisant essentiellement les toms de la batterie. La touche de musique traditionnelle est très bien dosée par le quatuor : elle est utilisée pour forger l’ambiance, sans pour autant tomber dans la caricature. En témoignent par exemple l'utilisation du son des cloches au milieu du titre The Iron Horse (Gallows Frontier, Act II) et les effets très discrets sur les guitares (sur le riff d’introduction), ou encore la guitare acoustique sur le dernier titre Vaudeville. Cette volonté scénaristique s’étend aussi à la pochette, qui retravaille une photo (Temporary and Permanent Bridges and Citadel Rock, Green River, Wyoming par Andrew Joseph Russell) datée de 1868 pour en faire une affiche quasi cinématographique. L’ensemble des ces éléments apporte une réelle personnalité et une profondeur, progressive (j’ose le mot), à la musique de Wayfarer

Au-delà de l’ambiance, A Romance With Violence brille aussi de passages purement Black-Metal, tendance moderniste. Les parties les plus acerbes (Masquerade Of The Gunslingers) sont du niveau d’un Mgla ou d’un Audn, avec le sable et les cactus en supplément. Wayfarer a trouvé sa recette et son originalité. C’est une bouffée d’air dans le Black-Metal Atmosphérique, qui peut parfois tourner en rond. Au sein des morceaux, on trouve de long passages, mid-tempo, martelés à la double pédale. Ceux-ci soutiennent les descriptions des paysages évoqués par les mélodies en trémolo à la guitare (la fin de Masquarade of the Gunslingers). L’ensemble est servi par une production léchée, beaucoup plus digeste que celle de World Blood qui manquait de clarté et de nuance. Les travaux de Pete deBoer (Blood Incantation) à l’enregistrement et de Colin Marston (Krallice, Gorguts) au mix subliment l’ensemble. Les guitares, plus présentes dans le spectre des médiums, laissent la place à de discrètes mais très belles mélodies à la basse (le pont au milieu de Masquarade of The Gunslingers ou encore Vaudeville). Les interludes, plus que de simples pauses, sont vraiment des titres très recherchés, comme Fire&Gold par exemple, qui mélange énormément d’effets vocaux (echo, reverb) et de couches instrumentales (orgue, piano, mélodies jouées à l’envers). Au fil des écoutes, on découvre petit à petit les détails qui placent l'album au-dessus du lot. Les contrastes musicaux proposés par A Romance With Violence, sont également incarnés par la voix de Jamie Hansen (qui officie également à la basse depuis 2017, et qui a probablement été le moteur du changement de style déjà ressenti sur World Blood). En fonction des ambiances, elle sera parfois caverneuse et saturée, façon cow-boy estropié, ou alors plus douce et aérienne (Vaudeville). Sur le titre Vaudeville, elle prend même des airs de palabres au coin du feu. Le choix des effets vocaux et des arrangements, en particulier sur l’interlude Fire&Gold et Vaudeville, ajoutent énormément de contraste aux titres de Wayfarer. Même si la musique suffit à transporter l’auditeur, le voyage est également illustré par les paroles. Elles décrivent l’enthousiasme des conquêtes de l’époque, rapidement balayées par les désillusions et la violence de la réalité qui, malheureusement, résonnent toujours 150 ans plus tard. 

Avec ce A Romance With Violence, Wayfarer tire une balle de revolver en plein de dans le mille. Tantôt violent, tantôt doux mais avant tout profondément vibrant, ce voyage ne vous laissera pas indifférent. N’oubliez-pas le visage de vos pères, par Gilead !

A écouter : TOUT