À
force de fouiner dans les souterrains musicaux on finit toujours par
dénicher une petite pépite qui mérite alors d’être dévoilée
au grand jour. Vorde fait partie de ces heureuses trouvailles.
Avec ce premier album éponyme, les gars de Brooklyn nous soumettent
à une vertigineuse descente aux enfers. Fermez les yeux et
laissez-vous absorber par cette messe noire hypnotique.
Comme
son nom l'indique, Hatewave ouvre
les hostilités en s’immisçant dans nos oreilles par des nappes de
synthé ténébreuses et énigmatiques. À noter le travail de la
production qui a bien su insuffler une profondeur acoustique.Telle
une spirale dépressive, la musique de Vorde
nous aspire et jette le
trouble avec ses sonorités nébuleuses. De toute cette noirceur,
quelques passages aèrent les morceaux par des arpèges de hautes
volées. En témoigne le baroque Transformations Of The
Vessel, titre plus spectaculaire
voire dramatique de par ses mélodies et son style plus déclamé. À
cela s'ajoute le chant en retrait de Aziel : geignements
nasillards qui ne sont pas sans évoquer le timbre aussi particulier
de Dagon (Inquisition)
ou les expérimentations vocales d'Attila Csihar (Mayhem,
Sunn O)))).
De
manière générale, les compositions à la guitare font preuve d'une
grande richesse dans les harmonies. Sans se précipiter, les phrases
musicales s'épanouissent subtilement avec une grande fluidité.
Sur fond de complaintes sépulcrales, les riffs dissonants
s'associent avec une batterie acharnée pour former une harmonieuse
disharmonie. On a comme l'impression d’être confiné dans un
non-lieu, captif d'une expérience sensorielle totalement hermétique
à toute interprétation. Loin d'avoir pour effet de nous isoler ou
de nous perdre, l'atmosphère retient et fascine par sa bizarrerie.
Ce qui fait toute l'originalité de ce groupe, c'est justement ce
sentiment de déséquilibre, cette sorte de démence que l'on ne
parvient pas à identifier. En se gardant de partir dans tous les
sens, la musique de Vorde
se meut en ondoyant, emplissant la totalité de l'espace sonore dans
une confusion éprouvante.
S'il
y a bien au moins une chose qu'un groupe doit savoir faire passer,
c'est sa propre conviction ; ce que Vorde communique
parfaitement par sa capacité à canaliser et transmettre une énergie
sans donner l'impression d'une artificialité dans les compositions. Adorateurs
de groupes aux ambiances hallucinées et dérangeantes (Skaphe, Urfaust), Vorde est une œuvre déviante qui saura vous
surprendre tant par son mysticisme que par sa force expressive.
A écouter : Hatewave, Funeral Vortex