Encore aujourd’hui marqués au fer rouge par l’incroyable Riza de 2014, omni directement sorti des reliefs du nord ouest de la Grèce, de Villageois révélés en ces pages par le camarade Humtaba, on a aussi pu goûter la même année à deux morceaux inédits et tout aussi recommandables que sont Zvara et Karakolia. Pièces annonciatrices de ce qui allait devenir Age of Aquarius, deuxième album qui s’offre enfin à nos oreilles sans crier gare. Et à l’écoute du taf abattu on comprend qu’il ait fallu cinq ans au quintet pour bichonner l’objet, sachant qu’il n’est pas non plus avare en prestations scéniques, hautement qualitatives et scandaleusement cantonnées au territoire grec, pour l’instant.
Age of Aquarius vient en effet renforcer des penchants progressifs, tout en conservant ce qui fait la particularité principale de Villagers of Ioannina City, la clarinette, un poil moins centrale dans les compositions néanmoins, bien qu’indispensable. Les villageois sont comme l’eau et nous invitent délicatement à les rejoindre dans leur nouvelle odyssée psychédélique, par une doublette Welcome/Age of Aquarius ensorcelante, affichant une production et une voix augmentées, s’éloignant par là même des intentions grunge de Riza, sans pour autant perdre au change. Comme signifié plus haut la clarinette s’estompe elle aussi légèrement, au profit de subtilités rythmiques et mélodiques plus développées, préférant se fondre de manière horizontale au sein de l’excellence instrumentale ici déployée.
Le socle stoner/post-rock est toujours en place mais s’habille cette fois d’un écrin progressif délectable, comme en témoignent la basse rondelette et des guitares plus fascinantes et chiadées que jamais, tout en conservant l’esprit ritualiste/transcendantal qui faisait la magie de Riza. La clarinette se fait plus rare mais d’autant plus puissante, voire carrément orgasmique sur le resplendissant Dance of Night, suivi d’un Arrival transitionnel exécuté avec gourmandise par ses soins. L’instrument à vent se permet alors d’ouvrir le démentiel triptyque Father Sun/Millenium Blues/Cosmic Soul, périple herculéen où la batterie s’élève au-dessus des cieux afin d’administrer son groove ample, encouragée par une lourdeur saturée exponentielle. L’ascension est interrompue par des mouvements joliment coincés entre blues et reggae, où des chaleureux chœurs et un discret clavier viennent apporter leur pierre polie à ce glorieux édifice, taquinant avec fougue le Goatsnake deux point zéro. Une triplette qui se termine dans le velours progressif d’un duo basse/batterie cyclique, agrémenté de vocalises toujours plus envoûtantes et d’une six cordes qui ose même les solos, mesurés, intelligents. Seul "regret" qui n’en est finalement pas un vu ce qu’il envoie : le chant intégralement en anglais. Le langage du cœur l’emporte.
Le copieusement rock n’ roll et engagé For Innocent vient (pré)conclure un Age of Aquarius gavé d’audace et de sensations, dans la lignée d’un Riza déjà exceptionnel. La clarinette est certes plus en retrait, mais cela contribue de fait à magnifier l’ensemble, pour une écriture sans doute un peu moins spontanée mais plus élaborée, qui tire les Villagers of Ioannina City vers les sommets de l’Olympe.
A écouter : et à poncer.