Vildhjarta
Metal-Progressif / Mathcore

Måsstaden Under Vatten
01. Lavender Haze
02. När De Du Älskar Kommer Tillbaka Från De Döda
03. Kaos 2
04. Toxin
05. Brännmärkt
06. Den Helige Anden (Under Vatten)
07. Passage Noir
08. Måsstadens Nationalsång (Under Vatten)
09. Heartsmear
10. Vagabond
11. Mitt Trötta Hjarta
12. Detta Drömmars Sköte En Slöja Till Ormars Näste
13. Phantom Assassin
14. Sunset Sunrise
15. Sunset Sunrise Sunset Sunrise
16. Penny Royal Poison
17. Paaradiso
Chronique
Vildhjarta, c’est la formation suédoise mère d’un micro-genre : “Le Thall!” (prononciation suédoise de Thrall, le personnage de l’univers Warcraft). Ce mot, utilisé au départ comme une blague par les fans et le groupe lui-même, fait partie depuis quelques années du vocabulaire décrivant la musique du groupe : un Metal Progressif tendance Djent, puissant, sombre et violent.
Dès 2011, avec son premier album måsstaden, Vildhjarta pose les bases de son univers torturé. Cette galette est très bien reçue par le public et elle propulse le groupe dans les incontournables du genre. L’album est suivi d’un EP, Thousands of Evil (2013), lui aussi très apprécié à l’époque. C’est finalement en 2021, soit 10 années plus tard (attente entrecoupée par de nombreux teasers cryptiques sur leur chaîne YouTube et quelques sorties dans leurs sides projects : Humanity's Last Breath et stoort neer), que la suite tant attendue nous arrive dans les oreilles avec måsstaden under vatten (littéralement : La Cité des Mouettes Sous L’Eau).
La musique de Vildhjarta est avant tout une excursion dans une nature déviante et dérangée. Servie par une production moderne et travaillée, la lourdeur vous plonge dans une forêt malsaine et obscure. Seules quelques leads planantes et aériennes illuminent la masse que vous êtes en train de traverser. Ces contrastes forts entre polyrythmies lourdes et saccadées et mélodies plus éthérées sont la base très caractéristique du son de Vildhjarta. Dans cet opus, les parties plus mélodiques sont amenées par des leads de guitare pleine de reverb’ (brännmärkt, penny royal poison) et à quelques occasions par du chant clair en choeur (när de du älskar kommer tillbaka från de döda, paaradisio). Pour appuyer cette sensation de puissance et de lourdeur, le spectre sonore oscille entre vrombissement grave et déchirement aigu dissonant : pas de répit pour les oreilles. Les répétitions de certaines leads tout au long de l’album (particulièment le trio lavender haze, den helinge ander et vagabond ou encore le duo passage noir et masstaden nationalsang) constituent des bribes de fil rouge permettant à l’auditeur attentif de retrouver pour quelques instants ses repères. Certaines transitions particulièrement travaillées, par exemple celle entre brannmarkt et den helinge anden, évoquent un changement de biome, où l’auditeur s’enfonce dans les bas fonds de cette création perverse.
L’apparente décrépitude du monde dans lequel évolue la musique est illustrée par une alternance de tempos mid ou lent donnant une impression d’agonie (heartsmear). De la même manière, dans le titre detta drömmars sköte en slöja till ormars näste, on retrouve la description d’une cité et d’une ancienne civilisation glorieuse ayant sombré dans la perversion et le malheur. La notion de civilisation maudite est présente tout au long de l’album. Cette dernière a des rituels et un hymne grâce au titre måsstadens nationalsang (littéralement : L’Hymne de la Cité des Mouettes). Les membres sont nommés des “frères” (“bröder”) et des appels à l’union sont criés à l’ouverture des titres den helige anden - under vatten ou encore paaradisio. Les paroles sont elles aussi dans la continuité du récit et décrivent la folie et l’obscurité (när de du älskar kommer tillbaka från de döda), ou encore l'emprisonnement et la volonté de se libérer (vagabond). Le suédois crié (dans les aigus ou de façon plus gutturale) ajoute à l’aspect mystique et presque ritualiste de l’ensemble.
A l’écoute, la cohérence de ce måsstaden under vatten est assez incroyable. Via sa musique, Vildhjarta donne vie à une multitude de biomes tous plus malfaisants les uns que les autres, dans lesquels le peu de clarté visible est aussi putride que le reste. L’auditeur passe de l’un à l’autre grâce à des transitions travaillées et à des indices qu’il récupère au fur et à mesure des écoutes. Le sens du détail des suédois ne se limite pas au son : en effet, le disque est livré avec un panel d'illustrations magnifiques (une par chanson) qui permettent de matérialiser les sons tout au long de l’écoute.
La longueur du disque, 1h20, pourra probablement rebuter auditeurs et auditrices. Cependant, pour moi, cette expérience contribue à la continuité du lore : un voyage cauchemardesque et épuisant dans la cité (sous l’eau) des mouettes.
A écouter : 1
T H A L L