Tueurs. Voilà le premier qualificatif qui vient à l'esprit lors de la troisième écoute de ce premier album d'un groupe sur lequel il va falloir désormais compter. Pourquoi la troisième écoute ? Hé bien c'est très simple, à la première on est soufflé par une musique fracassante, ça rentre par l'oreille gauche, et ça ressort directement par la droite en appuyant très très
fort
sur nos petites cellules grises. "Bigre cette galette m'a fait trembler mais je ne sais pas pourquoi". A la deuxième écoute on sent bien le travail de sape neuronal amorcé par la première écoute et on commence à comprendre que cet album est fort, techniquement impressionnant et groovy à mourir. A cet instant la troisième écoute est nécessaire, juste pour être sûr, juste parce que vous commencez à apprécier cet album de haute voltige musicale, juste parce qu'il n'est mine de rien pas très facile à aborder. Et une fois cette session terminée vous aurez besoin d'un petit remontant, je vous conseille la méditation sur un canapé, faire le point sur votre vie car vous venez d'écouter un album de djent monstrueux, vous vous sentez bien, et maintenant vous savez pourquoi...
Nous sommes en 2012, et les enfants de Meshuggah sont de plus en plus nombreux (Tesseract, Textures, Monuments, récemment Uneven Structure et bien d'autres) et de tous horizons (Grande Bretagne, Pays Bas et même France), mais c'est de Suède que nous viennent les sept membres de Vildhjarta, en dignes successeurs de leur principale inspiration qu'est Meshuggah. Mais trop comparer Vildhjarta à Meshuggah serait trop facile.
C'est pourtant ce qui s'en rapproche le plus au niveau des sections rythmiques et des breaks mélodiques, pourtant par bien des aspects ils vont plus loin et sortent un peu des sentiers battus en s'appropriant un djent à fort caractère, pointu et totalement maîtrisé, flirtant parfois avec du death ou du doom, toujours varié et développant au fur et à mesure des ambiances où folie et atmosphère oppressante se dégagent (Shadow, Dagger, All These Feelings), toujours au profit de conclusions musicales absolument géniales.
Du génie au service de la folie, ou l'inverse, on ne saura peut être jamais.
Masstaden (Seagull city, ville mouette en français) est un album monolithique, qui s'écoute d'une traite ou rien du tout. D'ailleurs vous serez surpris la première fois où l'album se termine, c'est tellement bien structuré que vous aurez l'impression d'avoir écouté une seule et unique piste. Malgré tout, comme dit précédemment, il sera difficile de vous l'approprier, ça reste du djent, qui dit djent dit structures alambiquées (Eternal Golden Monk, Traces), riffs dissonants, couches de guitares réverb et groove épileptique (When No One Walks With You) au service d'une musique atypique, très très loin d'un album de heavy métal... par exemple.
Premier album pour cette toute jeune formation, pourtant on a l'impression d'écouter un album de vétérans du genre tant c'est génialement orchestré, mais bordel comment font ils pour avoir un son aussi terrible (Phobon Nika, Dagger, Ostpeppar, All these feelings) ? C'est à la limite de l’incompréhension par moments, certes ils sont trois guitaristes mais tout de même c'est quasiment impossible à décrire, c'est... c'est... couillu et frais ! Trop d'adjectifs correspondent à ce mur de son hallucinant : abrupt, lancinant, électrique, oppressant, dément, hypnotique, éthéré, inquiétant, sans concessions, on en perd son latin... Comme on perd ses dents sur All These Feelings avec sa déferlante de technique où les riffs seront tout aussi... onctueux que syncopés. Quand je vous disais que j'en perdais mon latin... c'est tout simplement le titre le plus imbitable de l'album. Grandiose, volumineux, saccadé, mais incompréhensible.
Élément non essentiel sur Masstaden, le chant est là pour raconter une histoire, pour ponctuer la folie créative, jamais pour noyer la musique sous une cascade de growls qui seraient mal venus. Pourtant cette section "chantée" est très originale : un growler et un screamer, deux chanteurs différents mais complémentaires (Deceit, The Lone Stranger) mélangeant à la perfection leurs timbres de voix.
C'est bien là le second effet kiss cool de l'album, cette faculté qu'ont les suédois à nous faire voyager dans leur monde étrange, en ce qui concerne la musique vous le remarquerez bien assez vite. Côté paroles, Masstaden nous plonge à la manière d'un conte ou d'une fable dans une ville isolée et cachée du monde, évoluant autour d'un personnage principal et de son antagoniste, avec, fable oblige, tout ce qu'il faut pour mettre en avant faiblesses et folies chez les hommes.
Créatures étranges, mondes oubliés, forêt inquiétante (pochette magnifique de l'album) et personnages à mi chemin entre Alice et Tolkien, voilà ce que nous dépeignent les paroles de ce Masstaden, tout ce qu'il faut de dosage parfait pour accoucher au final d'un album sombre, désespéré, entrecoupé de moments de pure beauté (Ostpeppar, Traces, Phobon Nika) en dehors du temps... Magique.
Au final, ce Masstaden est une valeur plus que sûre, un album concept fait avec les tripes, possédant une vraie âme, un très bon moment à passer pour ceux que le djent ne rebute pas.
Pas de refrain, pas de couplet, mais de l'expérimentation à en devenir fou, un métal progressif extrêmement technique (presque aussi technique que Meshuggah), des ambiances magnifiques et brèves qui laisseront votre esprit dériver et flotter pour mieux vous jeter violemment dans la noirceur la plus pure quelques instants plus tard. Jouissif.
A écouter : 1
Vildhjarta veut dire en suédois "Wild Heart", ce terme correspond plus
précisément à une édition suédoise du célèbre jeu de rôle "Dungeons
& Dragons".
Leur premier clip est visible ici.
Et leur deuxième ici. (Attention c'est bizarre)
Un album énorme, le son est juste parfait.
La composition, la structure, le chant, tout est en place... je suis ultra fan.