Dans la liste des albums que vous avez certainement manqués
en 2013, The Missing est de ceux qu’il vous faut écouter si vous
êtes à la recherche de nouveaux horizons musicaux et que la cause vous semble
perdue, déjà lassés et blasés que vous êtes du mouvement Nintendocore
(véridique) que vous venez de découvrir il y a une semaine à peine. Passez en
revanche votre chemin si vous êtes en manque de brutalité, car ici l’heure est
au lyrisme, à la mélancolie d’une errance nocturne en solitaire qui aurait un
goût d’infini. Oui, Vaura nous bouscule avec subtilité et sème la confusion en
notre for intérieur à l’aide de ses ambiances envoûtantes et de sa touche si
singulière. A l’image de son artwork aussi déroutant qu’intriguant, l’album
nous offre l’entrée dans un univers musical où la beauté d’une aurore boréale
vient troubler la froideur d’un monde en noir et blanc.
Enfantée par des artistes aux parcours musicaux aussi divers
qu’audacieux, l’œuvre est un condensé d’influences multiples, tant et si bien
qu’il est difficile de la limiter à un seul genre. En effet les dix tracks
oscillent entre une instrumentation éclatante que l’on pourrait qualifier de
Post-Rock/Shoegaze, tout en empruntant aux sombres riffing et blast-beats du
Black Metal (« The Missing »). Et comme pour parfaire ce grand écart
stylistique, ce pied de nez à la rigidité des canons, la voix quant à elle
s’inspire largement de la Cold Wave et maîtrise à merveille cet Art du spleen,
noyant l’auditeur dans une froide et envahissante reverb. A vouloir regrouper
ainsi un si grand nombre d’influences, la formation a pris de toute évidence un
pari risqué, mais force est de constater que le résultat est à la hauteur de
l’ambition du groupe : le son est indéniablement unique, nouveau, sans
pour autant se montrer élitiste ou prétentieux de quelque manière que ce soit.
Un bon point donc pour Vaura, qui certes exploite à nouveau le filon introduit
par le premier album, mais parvient tout de même à proposer un ensemble
original et cohérent.
Chaque titre en effet mérite l’attention et est une habile
démonstration de l’équilibre voix/instrumentation, se complétant parfaitement
pour susciter l’émotion chez l’auditeur. Le groupe use ainsi de riffs aigus et
accrocheurs comme celui de « Incomplete Burning », où chant et
guitares célèbrent une mélodie finale à l’unisson qui restera ancrée dans votre
esprit. Par ailleurs, le groupe saura vous rappeler de beaux souvenirs, ne
cachant pas un certain attrait pour le rétro ; en témoignent les premières
secondes de « Mare Of The Snake », très New-Wave par ce duo de la
batterie avec la quatre-cordes, ou encore la voix de « Pleasure
Blind » proche de Joy Division ou The Cure sur les couplets lorsque la
musique s’efface davantage. Mais les américains savent également aller de
l’avant, et se livrent à l’expérimentation à travers un « Braced For
Collapse » mêlant des patterns de batterie inhabituels, des accords et
arpèges aux effets multiples, et un passage en trombe au micro de la douce
mélancolie au scream désespéré venant faucher votre âme lorsque vous vous y
attendiez le moins. Car les musiciens peuvent également céder au besoin de
violence et d’urgence du Metal (« Abeyance ») et vous entraînent
alors avec eux dans un univers de décibels bruitistes et chaotiques, violemment
cadencés par des fûts d’une régularité implacable.
A travers cet album, Vaura ne laisse donc rien au hasard,
chaque morceau est peaufiné et revêt une identité propre grâce à des artistes
aguerris en termes de composition. The Missing est donc bel et bien une
réussite puisqu’il relève sans peine le défi du deuxième album, et a le
mérite de réconcilier les Anciens et les Modernes, la beauté et la violence,
l’ombre et la lumière.
A écouter : Incomplete Burning, Mare Of The Snake