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Biographie
Trio Italien formé au tournant du 21ème siècle, Ufomammut distille une musique lourde au croisement du Sludge et du Doom, fortement emprunte de psychédélisme. Véritablement révélés par leur second album, Snailking en 2004, les transalpins signés chez Supernatural Cat font désormais partie des ténors de cette scène et se posent en dignes héritiers de YOB et autres Acrimony. Le groupe a cependant développé un style propre sans cesse réaffirmé, notamment sur Idolum sorti en 2008 et Eve en 2010.Après la sortie du "double" album Oro en 2012, le trio sort Ecate en 2015, puis 8 en 2017.
Ufomammut a décidé de quitter notre Terre, une bonne fois pour toutes. Si les doomsters italiens ont toujours eu le regard tourné vers les étoiles, ils ont cette fois-ci définitivement mis le cap sur d’autres galaxies. Un peu comme si les secousses telluriques de leurs précédents albums avaient généré des ondes gravitationnelles suffisamment puissantes pour les transporter bien au-delà d’Andromède ou de Cassiopée, courbant l’espace-temps à leur guise, remodelant l’espace au fur et à mesure de leur voyage. Tour à tour assommant, étouffant et libérateur, 8 est un long morceau divisé en autant de chapitres qui, s’ils demandent un grand investissement de la part de l’auditeur, finissent par édifier devant lui un monolithe en mouvement duquel il faut parvenir s’approcher de très près avant d’en discerner les détails. Cet album ne laisse aucun instant de répit, jouant dans un premier temps la carte de l’oppression avant de se livrer peu à peu à coups de changements de tempo et d’altérations plus subtiles qu’il n’y paraît au premier abord. Les teintes space-rock n’ont jamais été aussi prononcées, le groupe invoquant autant Hawkwind que les morceaux les plus aériens d’Isis. Les samples cosmiques, omniprésents, sont utilisés de façon pertinente, au service d’une vision tout droit sortie de l’esprit torturé d’un Roy Batty qui aurait finalement trouvé un sens à des phénomènes dépassant l’entendement.
8 est un album qui se vit. Chaque grondement, chaque vibration, chaque déflagration contribue à une expérience que le groupe a conçue de façon globale, avant de la séparer en morceaux présentant chacun une variation d’un même thème. La compression du son sert une musique qui semble évoluer dans son propre univers, tout en gardant néanmoins de façon constante une énergie phénoménale capable de franchir n’importe quelle limite, qu’elle soit physique ou mentale. La claustrophobie inspirée par les premières écoutes laisse petit à petit place à un sentiment de plénitude devant l’immensité du champ des possibles. Babel propose une montée en puissance dont le reste du disque sera à l’image. Ufomammut met ses riffs en boucle pour en extraire, passage après passage, l’essence la plus pure (l’enchaînement Warsheep, Zodiac, Fatum). Les passages plus frénétiques, comme Prismaze ou Core, ne dérogent pas à la ligne que s’est fixée le trio. Toutes les forces sont tendues vers un même but, celui de proposer une odyssée galactique sans nulle autre pareille. Le chant, tour à tour incantatoire et exalté, s’adresse aussi bien à d’hypothétiques civilisations extraterrestres qu’à ceux d’entre nous qui, restés sur la planète bleue, attendent avec angoisse des nouvelles d’un monde susceptible de nous accueillir lorsque nous aurons fini de détruire le nôtre. Un espoir ténu incarné par l’obsédante voix féminine de Psyrcle, qui pourrait cependant tout aussi bien être une sirène prête à causer notre perte.
8 porte en lui, sans aucun doute, l’ADN d’Ufomammut. Il présente pourtant une facette plus « extrême » de la musique du groupe en proposant une vision radicale, celle d’un univers hostile qu’il devient nécessaire d’explorer, d’une façon ou d’une autre, en essayant de ne pas penser au lendemain.
Ufomammut est devenu au fur et à mesure des années une référence en matière de Stoner/Doom, creusant album après album le caveau d’une lourdeur obsédante. Pour autant, les dernières livraisons des italiens, notamment le double album ORO en 2012, se sont révélées plutôt décevantes. Trois ans plus tard, les six morceaux qui composent Ecate changent-ils la donne ?
Difficile de se démarquer dans une scène qui compte désormais des milliers de clones pour une minorité d’excellence. Si Ufomammut parvient à sortir la bûche de l’eau, c’est avant tout par son habileté à faire se joindre psychédélisme et lourdeur extrême. En effet, album après album, le trio italien va toujours plus loin dans ce mélange qui est maintenant devenu leur marque de fabrique. Ecate échappe t-il à la règle ? Que nenni ! Avec six morceaux pour quarante six minutes, le groupe poursuit sur la même lancée qui a fait sa popularité. Pour autant, si les ingrédients de base restent les mêmes, ce nouvel opus défriche une nouvelle façon de faire pour Ufomammut : la rigueur. Ecate est un album dont le cadre artistique est défini. Les rythmiques plombées, les riffs monumentaux, la voix en arrière-plan, l’auditeur accoutumé aux productions antérieures des italiens ne sera pas perdu. Toutefois, l’accent mis dernièrement sur un psychédélisme fusionnant de toute part ne se retrouve pas ici.
Faudrait-il pour autant en conclure qu’Ufomammut est en roue libre ? L’idée n’est pas si impromptue tant le groupe répète ses gammes et fait ce qu’il sait (bien) faire. C’est ainsi que sur les six morceaux d’Ecate, l’apologie du gras est permanente. Ce cadrage resserré dans la composition permet au groupe de se focaliser sur l’efficacité et les montées en puissance, là où il se dispersait un tant soit peu auparavant dans les méandres d’un psychédélisme froid. Ecate est un bon album, qui peine toutefois à surprendre et à créer l’adhésion. Les riffs mémorables ne sont pas légions, même si le milieu de Chaosecret, celui de Daemons et surtout celui de Temple -premier morceau partagé sur la toile- nous offrent un art du riffing absolument titanesque et jouissif. En quelque sorte, les italiens reprennent là où ils nous avaient laissé avec ORO : Opus Alter, seconde partie réussie d’un double album qui ne l’était pas totalement. Globalement, l’impression d’être attaché au pied d’une montagne et de voir une avalanche se déverser à vive allure sur notre gueule est prégnante. Ufomammut connaît maintenant la formule pour plaire à sa fan base grandissante, mais il gagnerait toutefois à nous surprendre davantage, ce qui n’est plus vraiment le cas.
Ecate ravira à n’en pas douter les fans de Stoner/Doom et il m’est d’avis que ces nouvelles compositions feront leur petit effet en concert. Pourtant, ce nouvel opus ne confirme pas la claque attendue. Si quelques morceaux sortent du lot, Ufomammut poursuit son bonhomme de chemin à bord d’un rouleau compresseur qui aurait, à l’avenir, sans doute besoin d’être manié sur de nouveaux horizons.
A écouter : Chaosecret, Temple, Daemons
L'idée de faire un « double album » était plutôt judicieuse de la part des trois italiens d'Ufomammut, concernant cette longue œuvre qu'est Oro, conçue comme une seule chanson, ou plutôt une seule composition de 90 minutes en plusieurs mouvements – le terme galvaudée de chanson ne traduisant que très mal ce format musical plus proche de la musique contemporaine que du formatage classique des musiques populaires occidentales dont il est issu. L'écoute intégrale des deux albums étant assez longue et la concentration de l'auditeur ayant tendance à s'étioler au fur et à mesure, cette partition a au moins l'avantage de pouvoir faire mieux profiter des dynamiques présentes dans la musique, qui ont tendance à se noyer dans la masse sur la longueur quand les deux parties sont mises bout à bout.
Dynamique est d'ailleurs le mot qui caractérise le mieux cet « Opus Alter ». Globalement, le tempo est plus rapide. Ufomammut laisse moins de place à la construction progressive de longues plages ambiantes, préférant plutôt concentrer le son, la force de frappe du batteur dont l'instrument se fait plus brutal, plus incisif. Au fur et à mesure de la lecture, les passages cosmiques éthérés voient leurs durées se réduire pour faire place à cette expression plus costaud du propos d'Ufomammut. La deuxième partie d'Oro est bien plus rock que sa précédente. On assiste au déroulement de véritables morceaux de Stoner Doom massif dès la première piste, Oroborus. Comme Yob sait le faire, on atteint des acmé à partir de la deuxième moitié de chaque piste, le sommet culminant de chaque chanson au fil d'un cheminant plus court, qui voit une délivrance de la musique jusque-là bridée, et que le trio tente de faire durer le plus longtemps possible, comme on tente de poursuivre et de profiter d'une jouissance soudaine, intense mais fugace. Ces explosions sonores constituent le but recherché de chacun des morceaux, au contraire de l'Opus Primus dont l'objectif n'était pas d'atteindre le bout du chemin mais bien le parcours en lui-même, pour mieux faire voyager l'auditeur au sein des espaces sonores ainsi construits. Chaque chanson n'est d'ailleurs que le modèle réduit de l'album en entier. Par un jeu de boucles, chaque explosion amène à un ralentissement, une recomposition des forces et une nouvelle explosion. Chaque phase de repos se réduit par rapport à la précédente et chaque explosion se fait plus forte. Finalement, une dernière pause plus longue est accordée au début de Sublime, comme pour mieux préparer le voyageur à la conclusion de son périple, le laissant reprendre des forces pour enfin affronter un destin qu'il connaissait depuis le début. Ce final, c'est Deityrant. Probablement la meilleur composition de l'album, qui abandonne toute introduction pour directement sauter à pieds joints dans le chaos, piste définitivement dure et très metal, voir même un peu punk sur les bords avec son rythme binaire radical, un peu comme si High On Fire décuplait sa masse sur un mode mid-tempo. Elle finit par se terminer sur quelques superpositions de bruitages psychédéliques et de larsen, comme les cendres et les débris d'une boule de feu se déposants sagement au sol, substance vidée de son énergie par la livraison de cette fin magistrale à Oro, qui prend à ce moment tout son sens.
Dommage qu'avant d'arriver à sa conclusion, le chemin se fasse quelque peu laborieux, notamment au sein de l'Opus Primus. Cependant en reprenant les affaires au commencement de cet Opus Alter, on a pas le temps de ressentir cette lassitude qui peut naître de l'écoute continue des 90 minutes, tant on est tenu en éveil par ce ton bien plus musclé et plus sombre. On termine donc l'aventure sur un souvenir vif et agréable, excellente affaire de la part d'Ufomammut qui ne fait pas l'erreur de terminer son œuvre sur une partie trop ambitieuse qui retomberait en soufflé. Deityrant témoigne que les trois italiens n'ont pas oublié que si leur doom cosmique possède une haute dimension psychédélique, leur musique n'en reste pas moins du rock'n'roll, certes sous une forme particulière, mais du rock'n'roll quand même !
A écouter : de nombreuses fois pour bien saisir toute sa richesse.
Voilà quelques années déjà qu’Ufomammut traine ses basques poussiéreuses dans la sphère des musiques extrêmes, imperturbable malgré une reconnaissance grandissante… Aujourd’hui est venu le temps de faire définitivement éclater la vérité : ces trois énergumènes transalpins n’appartiennent tout simplement pas au même monde que nous autres, pauvres mortels.
Que l’Italie, croulante, nous pine à l’arrache au football, passe encore, surtout que la France ne vaut plus rien nous dit on, et que même si elle essaye sans y croire, ça peut toujours le faire sur un coup de dés. En revanche lorsque ces trois là entrent dans la danse autant déclarer immédiatement forfait à moins d’être solidement armé sous peine de correction douloureuse. Et encore… il y a de toute façon peu de chances pour qu’Ufomammut ne vous sèche pas rapidement d’un tacle sévère sur le pré…
La confrontation entamée, vous n’y aurez finalement cru que l’espace de 3 minutes et quelques, le temps que les azure et blanc répètent calmement leurs gammes en guise d’échauffement. Malheureusement, ici les matchs durent (6)66 minutes. Une éternité lorsque l’on se fait pilonner comme un damné des la première offensive (Stigma). Dès lors tout s’assombrit et s’appesantit. L’air devient suffoquant, une chaleur sèche s'élève irrémédiablement, vous peinez. En face Ufomammut ne fait que monter en puissance, lancé sur une dynamique lourde : incompréhensible. Irrésistible surtout (Stardog, Hellectric). Vous avez beau tout tenter, invoquer YOB, Electric Wizard et autres demi-dieux du fuzz tantôt psychédélique, tantôt furieux, vous n’y arrivez pas. Vous n’y arriverez jamais.
Autant se faire une raison : Ufomammut est beaucoup mais alors beaucoup trop fort pour votre petite personne. Toute gesticulation est inutile. Laissez parler la démesure de la formation latine et soumettez vous. Laissez les faire parler la poudre et soulever autant de poussière à trois qu’un régiment de doomeux sous psychotropes lancé dans une quête effrénée (mais à progression lente, bien évidemment) du saint Graal des musiques apesanties. Non ces types ne sont pas comme nous… quelque chose d’immense est à l’œuvre dans l'ombre et guide ces médiators-rouleaux compresseurs, dicte ce martèlement de futs possédé, chaleureux mais éreintant, leur murmure l'idée de l'utilisation de ce clavier (belle trouvaille), insuffle ces respirations salvatrices dans un chaos Stoner Doom qui, par la suite ne nous écrase que plus durement (Nero, la brutalité quasi primaire de Destroyer). Le souffle de l’occulte se fait clairement sentir (Ammonia et son chant féminin). Rien de palpable, rien de tangible et pourtant le constat est là, froid, sans concessions : Ufomammut vous ravage et vous assistez impuissants à votre propre déchéance, embarqués au milieu d’un torrent de décibels sur-gras, frappés d’hallucinations dures. Le chant, rare, se veut lointain, comme étouffé, noyé… halluciné et fatigué derrière tant de distorsion, écrasé par cette basse intenable qui n’en finit plus de rouler et, malgré tout, de vous faire vibrer.
Mais pourquoi bouder son plaisir alors? Plutôt que de résister en vain, vous aussi laissez vous aller… abandonnez vous à cette musique sulfureuse. Après tout, à notre époque le bûcher n’existe plus et vous ne risquez plus guère que de faire hurler Christine Boutin. Enfin, alors que vous vous abîmez pleinement au plus profond de cet Idolum et qu’Ufomammut commençait à vous dévoiler son art sombre, Void vous plante là, hagards, sur un final ambient trituré, lancinant et hypnotique, s’étirant sur une durée interminable. Encéphalogramme plat. Les italiens ont débranché la perfusion et le manque gagne. Subitement, un dernier assaut sonore (Elephantom) : le rush est puissant, la montée imposante, le riffing monstrueux. Les nuques surchauffées sautent… puis tout s’arrête. Définitivement. Le silence est intenable et, le doigt tremblant, vous faites « play ». Cette fois ça y est, vous aussi avez sombré. Bienvenue chez Ufomammut. Ici, accompagnés de quelques illustres compagnons de la musique pachydermique un brin allumée, les italiens siègent parmis les puissants.
A écouter : Jusqu'� rendre fou le voisinage / roul� en boule dans un coin sombre, c'est selon.
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