Troy Von Balthazar est un homme libre. Désormais affranchi du carcan Chokebore dont la carrière a été placée entre parenthèses ou, au mieux, en pointillé en 2002, son leader naturel a décidé de laisser s’exprimer entièrement sa nature profonde. Fini les répétitions et ses tracas, place à l’instinct, l’intimité, et l’inspiration glanée de par le monde. Un tempérament de globe-trotter salvateur au moment des pauses de la formation indie rock, devenant presque une échappatoire, alors qu’il constitue l’essence même de ce premier album enregistré entre Paris, Berlin, Leipzig, Los Angeles, et le nord du Jura.
Que ce soit sur un quatre pistes ou en studio, TVB décide ici de dévoiler gracieusement la mélodie folk dans son plus simple appareil, épurée mais attirant inévitablement l’attention moyennant l’expérience mirifique du songwriter né sur l’île d’Hawaï. Elle est parfois épaulée par des arrangements tout aussi discrets mais très porteurs, comme un beat électro rudimentaire, un larsen ou une ébauche de guitare électrique, un mini xylophone, et un piano/orgue dont l’âge et le son plairaient à coup sûr à Cocorosie (Took Some Money, Heroic Little Sisters, l’enfantin et japonisant Playground). En outre, un incroyable sentiment de proximité se dégage de ces seize titres qui ne cèdent jamais face à l’ennui, favorisés en premier lieu par une durée pondérée (1 minute 40 à 4 minutes en moyenne), mais grâce aussi à des ossatures diverses et variées.
Ces esquisses, TVB va par ailleurs les consacrer de sa voix toujours aussi habitée, reconnaissable entre mille, et pouvant même déboucher parfois sur des moments dont la délicatesse et la mélancolie fusillent (You When You’re Drunk, I Block The Sunlight Out) quand elle ne s’associe pas au timbre menu d’Adeline Fargier (ex-Black Pine), son complice vocal idéal sur l’indispensable Dogs ou le langoureux Perfect.
Ce premier disque éponyme ne parvient toutefois pas à faire table rase du passé. On perçoit en effet le spectre de Chokebore en filigrane, pour le plus grand plaisir des amateurs de longue date, sur des titres dont le songwriting s’inscrit nettement dans le sillage de cet indie rock/post-grunge aussi réservé que passionné. Ainsi, il peut être discerné dans son enveloppe acoustique (Real Strong Love), évidemment dans ses accès électriques (Bad Controller, Rainbow), ainsi que sur Numbers et son piano semblant sortir d’un vieux gramophone comme au bon vieux de temps de Black Black.
Tout au long de cet album, Troy Von Balthazar ouvre en grand la porte d’un univers poétique dont le charme rustique et dépouillé se fait l’écho d’un talent de composition manifeste. Il évoque aussi bien la fragilité d’un Elliott Smith que la distinction de son père spirituel et ami Leonard Cohen, mais son côté rêveur déconnecté fait de lui bien plus qu’un simple ersatz. Un début discographique rêvé, solide première pierre d’un parcours solo s’annonçant sous les meilleurs auspices.
Ecouter : 4 titres sur sa page MySpace.
NB : l'album bénéficie également d'une piste multimédia.
A écouter : au plus vite.