Tribulation
Black / Death / Gothic Metal

Where The Gloom Becomes Sound
01. In Remembrance
02. Hour Of The Wolf
03. Leviathans
04. Dirge Of A Dying Soul
05. Lethe
06. Daughter Of The Djinn
07. Elementals
08. Inanna
09. Funeral Pyre
10. The Wilderness
Chronique
Trois ans après la sortie de Down Below - suite logique mais légèrement décevante du sublime The Children of the Night – nous parvient Where the Gloom Becomes Sound via Century Media. A l'époque où j'avais chroniqué leur quatrième album sur un autre webzine, je n'avais pas tari d'éloges sur celui-ci mais le temps est passé par là et a quelque peu mitigé mon avis. J'ai assez vite rangé Down Below au placard, la faute à ce petit quelque chose de génial qui avait disparu avec ce disque. Et suite à de nombreuses écoutes de Where the Gloom Becomes Sound, je constate que Down Below était la transition dont Tribulation avait besoin.
Ainsi, ce nouvel opus rectifie le tir et nous ramène, le temps de quelques riffs, les frissons qu'on avait à l'écoute de The Children. Daughter of the Djinn notamment possède les vibes rock 70's les plus marquées de l'album et coche toutes les cases. Mais le groupe a globalement épuré ses compositions et visé un rendu plus catchy encore que jamais : le riff de Hour of the Wolf nous hante pour la semaine, et on relance le morceau avec plaisir. Le départ de la batterie sur Ianna, évident mais jouissif, procure un bien-être fou. Il y a sept ans, Tribulation aurait tricoté pendant huit minutes après une telle intro et pour être honnête, il y aurait matière à le faire. Mais les ardeurs se sont calmées.
Evoluant toujours dans une atmosphère largement inspirée du cinéma d'horreur du début du vingtième siècle, Tribulation développe des ambiances lugubres et poussiéreuses. Sans aller chercher dans le gore ou le malsain, plutôt à la frontière de l'inquiétant et du fantastique : une créature que l'on étudie, que l'on cherche à comprendre avec une forme de fascination. Et toujours cette voix d'outre-tombe de Johannes Anderson, seul lien rappelant le quatuor à son passé brutal sur The Horror. J'en parle avec nostalgie mais sans regrets : c'est une époque révolue, une crise d'adolescence qui a permis aux Suédois d'acquérir leur identité.
Comme d'habitude, ce qui fait la force de Tribulation sur cet album est sa paire de guitaristes dont les jeux se complètent à merveille. Toujours aussi nombreux, les leads présents sur Where the Gloom Becomes Sound témoignent d'un certain savoir-faire de l'instrument. Le jeu versatile et racé de Adam Zaars et Jonathan Hulten (qui va, je pense, beaucoup manquer au groupe) n'en fait jamais des caisses et jamais une guitare n'en éclipse une autre. C'est un échange, un ballet macabre et envoûtant comme avait pu le faire Argento dans Suspiria. La partie rythmique quant à elle fait le job, rien de plus ; on regrette même l'absence de folie de la part de Oscar Leander (ex-Deathstars) qui, hormis quelques syncopes ici et là, se contente de frapper son charley et sa caisse claire.
Pour pousser un peu plus les sonorités funèbres qui parsèment le disque, on a évidemment droit à des orgues et claviers kitsch à souhait. Là encore, la retenue est de mise puisque ces instruments ne prennent jamais le pas sur les guitares et ne font pas office de cache-misère, bien au contraire : les riffs sont magnifiquement mis en relief. C'est fin, c'est juste. Pour parfaire le tableau, Where the Gloom Becomes Sound bénéficie d'une production très propre et naturelle. Peut-être trop propre hélas, trop ancrée dans le réel et le présent.
En conclusion, Where the Gloom Becomes Sound est un très chouette album. Pourquoi cette note si sévère, dans ce cas ? Pour une raison très simple : Century Media se paie notre tronche. Quand on achète l'album, que ce soit en CD ou vinyle, on a droit à 10 morceaux. 10 bons morceaux de ce nouveau Tribulation qu'on a appris à aimer. Et ce nouvel album a évidemment droit à sa version collector, à 65€, dans laquelle on trouve de très belles illustrations dans un packaging hyper soigné (on a évidemment une vidéo « unboxing » sur la chaine YouTube du label). Et en plus de ces goodies, deux petits morceaux bonus. Certes, c'était déjà le cas avec Down Below où la « super édition » offrait deux covers des Misfits, un morceau qu'on trouvait déjà sur l'EP Lady Death et un vrai inédit mais assez dispensable. Pour Where the Gloom Becomes Sound, les deux compositions inédites de l'édition collector représentent vingt minutes de musique, soit un total de soixante-huit minutes pour l'album qui n'en fait que quarante-huit pour les prolos. Century Media a amputé l'album de trente pourcents de sa durée. Trente pourcents. Vous en faites ce que vous voulez. Dernier détail : l'un des deux morceaux, intitulé The Dhampir, est une composition-fleuve de dix-huit minutes sortie tout droit des entrailles de The Formulas of Death. La meilleure piste de l'album, de loin. La plus audacieuse, la plus aboutie. Que j'ai trouvée sur YouTube, rippée par un fan car évidemment, les morceaux bonus n'étaient pas dans la version promotionnelle envoyée aux webzines.
Mon coup de gueule n'est qu'une bouteille à la mer, un petit pavé d'un petit chroniqueur mécontent qui ne changera rien. Ce n'est ni la première, ni la dernière fois que ce genre de pratiques a lieu et j'en suis parfaitement conscient. Mais ne rien dire, c'est accepter qu'un label ampute à ce point une œuvre sous couvert d'exclusivité, alors que ce n'est qu'à but lucratif. Et ça, c'est simplement dégueulasse.