Non pas que The Horror ait perdu de son aura terrifiante mais mine de rien on se dit qu'on aimerait bien se mettre du nouveau Tribulation sous la dent. Les Suédois n'étant pas particulièrement bavards, quelle joie de voir l'annonce d'un nouvel album affublée de la mention "Ceux qui attendaient une suite à The Horror vont vite déchanter". Et effectivement, quand un peu plus tard le groupe diffuse un titre de The Formulas of Death, le doute s'empare des plus fervents adorateurs de The Horror. Dont moi.
Changement de direction radical pour Tribulation, vous êtes prévenus. De The Horror, le groupe n'a gardé et fait germé que le côté occulte et le côté oldschool. Bye bye le death suédois qui décape les murs en trois minutes, ici la moyenne des onze titres avoisine les sept minutes et deux d'entre eux dépassent même les dix minutes, pour un total de une heure vingt d'écoute. Une heure et vingt minutes.
J'ai bien dit "changement radical". Parce qu'outre le fait que The Horror durait environ trente minutes, il faut en avoir dans le froc pour pondre un album de metal extrême qui dure plus de quarante / cinq minutes.
Le fait est que les premières écoutes de Formulas seront pénibles car l'album semble du coup traîner en longueur et aller nulle part. Le chant du bassiste / vocaliste Johannes Andersson se fait plus rare alors qu'il prédominait sur The Horror, on ne retrouve plus la sauvagerie qui faisait le sel du groupe, l'efficacité d'antan a tout bonnement disparu ! Bref, à priori c'est le doute, voire la déception.
Le truc c'est de laisser reposer et d'y revenir plus tard. Prendre son temps pour écouter et commencer à apprécier le grain des guitares, l'ambiance feutrée du disque. Encore une fois la pochette vous aidera à vous mettre dans le bain : un voile mystérieux recouvre le son du CD, ses plis soyeux prennent forme sous d'indicibles arpèges (לילה, When the Sky Is Black with Devils, Apparitions ), l'ambiance "cabane de sorcière dans les marécages" et la forte odeur d'encens finissent inéxorablement par charmer l'auditeur.
Le tout est certainement moins saturé que le death traditionnel servi jusque là, mais gagne par là une lisibilité qui laisse toutes les subtilités et les arabaresques des instruments exploser au grand jour. Ce qui nous rappelle d'ailleurs que le quatuor ne fait pas semblant de faire de la musique, comme pour dire "on arrête de se cacher derrière la distortion et on sort le grand jeu".
Comme dit plus haut, Formulas change diamétralement de rythme par rapport à The Horror. Les blastbeat infernaux sont toujours de la partie sur certaines portions du disque mais attendez-vous à des ponts tout à fait surprenants (Spectres, Suspiria), des plages quasi-rock (Wanderers In The Outer Darkness, Rånda, Ultra Silvam), des lignes mélodiques saisissantes et des riffs faisant écho au rock quasi rock 70's, le tout bourré de détails, variations et grosses nappes de clavier typé années 80 qui tutoient l'occulte et le surnaturel. Assurément le groupe aurait sa place aux côtés de Ghost ou The Devil's Blood.
Et bon, j'ai un peu menti, Tribulation a aussi transposé sa science des riffs qui butent à des endroits clefs et ces riffs vous feront l'effet d'un bon taquet derrière les oreilles si vous avez eu le malheur de commencer à somnoler ou à perdre votre attention. La punchy Through the Velvet Black en est le parfait exemple, les riff déployés vous feront reprendre du poil de la bête avec un headbang en règle en milieu de piste qui enchaîne sur une superbe outro et une mélodie ensorcelante. Idem pour l'irrésistible Spell qui vous paie un aller simple sur un balais volant un soir de pleine lune.
Comment boucler la chronique sans parler du final Apparitions, piste de treize minutes pleine de rebondissements à l'outro grandiose et qui achève de nous assurer que Tribulation en a dans le ventre et qu'il assume totalement à la fois sa nouvelle "direction artistique" et les quatre ans qui séparent The Horror de Formulas.
En un mot comme en cent, The Formulas of Death est définitivement un superbe album. Riche, réfléchi, assumé à mille pourcents et doté d'une durée de vie généreuse, il saura amadouer et prendre par la main les nouveaux venus aussi bien que les fans de la première heure qui reconnaîtront le Tribulation qu'ils ont découvert il y a quatre ans.
Putain, trop la classe ce disque!