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Biographie
Tribulation est créé en 2004 en Suède sur les cendres de Hazard grâce à Johannes Andersson (Chant / Basse), Adam Zaars (Guitare), Jonathan Hultén (Guitare) et Jimmie Frödin (Batterie). Jakob Johansson remplace rapidement Jimmie derrière les fûts et le groupe compose une démo ainsi qu'un ep, Putrid Rebirth, qui posent les bases de leur son. Après ces quelques essais, Tribulation sort The Horror en 2009 chez Pulverised Records qui s'inscrit dans la droite lignée du Death oldschool made in Suède (Grave, Unleashed etc.), avec en prime un soupçon de Black Metal et une ambiance film d'horreur. Après s'être séparé de son batteur (qui est remplacé par Jakob Ljungberg), Tribulation revient en 2013 avec The Formulas Of Death. Grâce à sa notoriété grandissante, le groupe réussit à tourner en Europe en tant que tête d'affiche. Une tournée avec Watain sur le sol américain est également prévue fin 2013. En 2015 les Suédois sortent The Children Of The Night, un album plutôt bien accueilli par la presse et les fans. Très peu de temps après Tribulation se lance dans une tournée avant de reprendre le chemin des studios pour enregistrer l’EP Melancholia qui contient plusieurs versions du titre éponyme mais également une reprise de The Offspring ; Pay The Man. La galette est dans les bacs au début de l’année 2016.
Trois ans après la sortie de Down Below - suite logique mais légèrement décevante du sublime The Children of the Night – nous parvient Where the Gloom Becomes Sound via Century Media. A l'époque où j'avais chroniqué leur quatrième album sur un autre webzine, je n'avais pas tari d'éloges sur celui-ci mais le temps est passé par là et a quelque peu mitigé mon avis. J'ai assez vite rangé Down Below au placard, la faute à ce petit quelque chose de génial qui avait disparu avec ce disque. Et suite à de nombreuses écoutes de Where the Gloom Becomes Sound, je constate que Down Below était la transition dont Tribulation avait besoin.
Ainsi, ce nouvel opus rectifie le tir et nous ramène, le temps de quelques riffs, les frissons qu'on avait à l'écoute de The Children. Daughter of the Djinn notamment possède les vibes rock 70's les plus marquées de l'album et coche toutes les cases. Mais le groupe a globalement épuré ses compositions et visé un rendu plus catchy encore que jamais : le riff de Hour of the Wolf nous hante pour la semaine, et on relance le morceau avec plaisir. Le départ de la batterie sur Ianna, évident mais jouissif, procure un bien-être fou. Il y a sept ans, Tribulation aurait tricoté pendant huit minutes après une telle intro et pour être honnête, il y aurait matière à le faire. Mais les ardeurs se sont calmées.
Evoluant toujours dans une atmosphère largement inspirée du cinéma d'horreur du début du vingtième siècle, Tribulation développe des ambiances lugubres et poussiéreuses. Sans aller chercher dans le gore ou le malsain, plutôt à la frontière de l'inquiétant et du fantastique : une créature que l'on étudie, que l'on cherche à comprendre avec une forme de fascination. Et toujours cette voix d'outre-tombe de Johannes Anderson, seul lien rappelant le quatuor à son passé brutal sur The Horror. J'en parle avec nostalgie mais sans regrets : c'est une époque révolue, une crise d'adolescence qui a permis aux Suédois d'acquérir leur identité.
Comme d'habitude, ce qui fait la force de Tribulation sur cet album est sa paire de guitaristes dont les jeux se complètent à merveille. Toujours aussi nombreux, les leads présents sur Where the Gloom Becomes Sound témoignent d'un certain savoir-faire de l'instrument. Le jeu versatile et racé de Adam Zaars et Jonathan Hulten (qui va, je pense, beaucoup manquer au groupe) n'en fait jamais des caisses et jamais une guitare n'en éclipse une autre. C'est un échange, un ballet macabre et envoûtant comme avait pu le faire Argento dans Suspiria. La partie rythmique quant à elle fait le job, rien de plus ; on regrette même l'absence de folie de la part de Oscar Leander (ex-Deathstars) qui, hormis quelques syncopes ici et là, se contente de frapper son charley et sa caisse claire.
Pour pousser un peu plus les sonorités funèbres qui parsèment le disque, on a évidemment droit à des orgues et claviers kitsch à souhait. Là encore, la retenue est de mise puisque ces instruments ne prennent jamais le pas sur les guitares et ne font pas office de cache-misère, bien au contraire : les riffs sont magnifiquement mis en relief. C'est fin, c'est juste. Pour parfaire le tableau, Where the Gloom Becomes Sound bénéficie d'une production très propre et naturelle. Peut-être trop propre hélas, trop ancrée dans le réel et le présent.
En conclusion, Where the Gloom Becomes Sound est un très chouette album. Pourquoi cette note si sévère, dans ce cas ? Pour une raison très simple : Century Media se paie notre tronche. Quand on achète l'album, que ce soit en CD ou vinyle, on a droit à 10 morceaux. 10 bons morceaux de ce nouveau Tribulation qu'on a appris à aimer. Et ce nouvel album a évidemment droit à sa version collector, à 65€, dans laquelle on trouve de très belles illustrations dans un packaging hyper soigné (on a évidemment une vidéo « unboxing » sur la chaine YouTube du label). Et en plus de ces goodies, deux petits morceaux bonus. Certes, c'était déjà le cas avec Down Below où la « super édition » offrait deux covers des Misfits, un morceau qu'on trouvait déjà sur l'EP Lady Death et un vrai inédit mais assez dispensable. Pour Where the Gloom Becomes Sound, les deux compositions inédites de l'édition collector représentent vingt minutes de musique, soit un total de soixante-huit minutes pour l'album qui n'en fait que quarante-huit pour les prolos. Century Media a amputé l'album de trente pourcents de sa durée. Trente pourcents. Vous en faites ce que vous voulez. Dernier détail : l'un des deux morceaux, intitulé The Dhampir, est une composition-fleuve de dix-huit minutes sortie tout droit des entrailles de The Formulas of Death. La meilleure piste de l'album, de loin. La plus audacieuse, la plus aboutie. Que j'ai trouvée sur YouTube, rippée par un fan car évidemment, les morceaux bonus n'étaient pas dans la version promotionnelle envoyée aux webzines.
Mon coup de gueule n'est qu'une bouteille à la mer, un petit pavé d'un petit chroniqueur mécontent qui ne changera rien. Ce n'est ni la première, ni la dernière fois que ce genre de pratiques a lieu et j'en suis parfaitement conscient. Mais ne rien dire, c'est accepter qu'un label ampute à ce point une œuvre sous couvert d'exclusivité, alors que ce n'est qu'à but lucratif. Et ça, c'est simplement dégueulasse.
A écouter : Hour of the wolf, The Wilderness, Daughter of the Djinn
Non pas que The Horror ait perdu de son aura terrifiante mais mine de rien on se dit qu'on aimerait bien se mettre du nouveau Tribulation sous la dent. Les Suédois n'étant pas particulièrement bavards, quelle joie de voir l'annonce d'un nouvel album affublée de la mention "Ceux qui attendaient une suite à The Horror vont vite déchanter". Et effectivement, quand un peu plus tard le groupe diffuse un titre de The Formulas of Death, le doute s'empare des plus fervents adorateurs de The Horror. Dont moi.
Changement de direction radical pour Tribulation, vous êtes prévenus. De The Horror, le groupe n'a gardé et fait germé que le côté occulte et le côté oldschool. Bye bye le death suédois qui décape les murs en trois minutes, ici la moyenne des onze titres avoisine les sept minutes et deux d'entre eux dépassent même les dix minutes, pour un total de une heure vingt d'écoute. Une heure et vingt minutes. J'ai bien dit "changement radical". Parce qu'outre le fait que The Horror durait environ trente minutes, il faut en avoir dans le froc pour pondre un album de metal extrême qui dure plus de quarante / cinq minutes. Le fait est que les premières écoutes de Formulas seront pénibles car l'album semble du coup traîner en longueur et aller nulle part. Le chant du bassiste / vocaliste Johannes Andersson se fait plus rare alors qu'il prédominait sur The Horror, on ne retrouve plus la sauvagerie qui faisait le sel du groupe, l'efficacité d'antan a tout bonnement disparu ! Bref, à priori c'est le doute, voire la déception.
Le truc c'est de laisser reposer et d'y revenir plus tard. Prendre son temps pour écouter et commencer à apprécier le grain des guitares, l'ambiance feutrée du disque. Encore une fois la pochette vous aidera à vous mettre dans le bain : un voile mystérieux recouvre le son du CD, ses plis soyeux prennent forme sous d'indicibles arpèges (לילה, When the Sky Is Black with Devils, Apparitions ), l'ambiance "cabane de sorcière dans les marécages" et la forte odeur d'encens finissent inéxorablement par charmer l'auditeur. Le tout est certainement moins saturé que le death traditionnel servi jusque là, mais gagne par là une lisibilité qui laisse toutes les subtilités et les arabaresques des instruments exploser au grand jour. Ce qui nous rappelle d'ailleurs que le quatuor ne fait pas semblant de faire de la musique, comme pour dire "on arrête de se cacher derrière la distortion et on sort le grand jeu".
Comme dit plus haut, Formulas change diamétralement de rythme par rapport à The Horror. Les blastbeat infernaux sont toujours de la partie sur certaines portions du disque mais attendez-vous à des ponts tout à fait surprenants (Spectres, Suspiria), des plages quasi-rock (Wanderers In The Outer Darkness, Rånda, Ultra Silvam), des lignes mélodiques saisissantes et des riffs faisant écho au rock quasi rock 70's, le tout bourré de détails, variations et grosses nappes de clavier typé années 80 qui tutoient l'occulte et le surnaturel. Assurément le groupe aurait sa place aux côtés de Ghost ou The Devil's Blood.
Et bon, j'ai un peu menti, Tribulation a aussi transposé sa science des riffs qui butent à des endroits clefs et ces riffs vous feront l'effet d'un bon taquet derrière les oreilles si vous avez eu le malheur de commencer à somnoler ou à perdre votre attention. La punchy Through the Velvet Black en est le parfait exemple, les riff déployés vous feront reprendre du poil de la bête avec un headbang en règle en milieu de piste qui enchaîne sur une superbe outro et une mélodie ensorcelante. Idem pour l'irrésistible Spell qui vous paie un aller simple sur un balais volant un soir de pleine lune.
Comment boucler la chronique sans parler du final Apparitions, piste de treize minutes pleine de rebondissements à l'outro grandiose et qui achève de nous assurer que Tribulation en a dans le ventre et qu'il assume totalement à la fois sa nouvelle "direction artistique" et les quatre ans qui séparent The Horror de Formulas.
En un mot comme en cent, The Formulas of Death est définitivement un superbe album. Riche, réfléchi, assumé à mille pourcents et doté d'une durée de vie généreuse, il saura amadouer et prendre par la main les nouveaux venus aussi bien que les fans de la première heure qui reconnaîtront le Tribulation qu'ils ont découvert il y a quatre ans.
A écouter : Wanderers In The Outer Darkness, Rånda, Through the Velvet Black, Spell, Apparations
Réflexion du jour, bonjour : quel est le but de l'art en général et de la musique en particulier ? Moyen de communication ? Héritage ? Divertissement ? Volonté de laisser une trace de sa vie ? Gagner de l'argent facilement et pouvoir se payer des caisses pimpées ? Pourquoi les maîtres de la musique classique se sont-ils autant cassé le cul à pondre des pièces aussi monumentales ? Savaient-ils que leur œuvre allait perdurer des siècles après leur mort et qu'elle servirait de référence pour une écrasante majorité de musiciens ?
Comment et pourquoi Tribulation ont-il mis à bas The Horror ? Savaient-ils que leur album allait survivre aux ras-de-marée mensuels qui s'abattent dans la playlist de mon mp3 quatre ans après sa sortie ? La mère Michelle va-t-elle un jour retrouver son chat ?
Pour parler vulgairement, The Horror, c'est un album qui bute. Du death / black oldschool à la suédoise d'une sauvagerie implacable, bourré de rythmiques tueuses (mon dieu « Crypt of Thanatophilia » et « Spawn of the Jackal », je m'en remets pas), le tout enrobé dans une ambiance véritablement horrifique sous la forme d'inquiétantes notes de piano. Puis si cela ne vous dit toujours rien, jetez un œil à la pochette qui illustre parfaitement le propos des Suédois. L'impression de traverser un cimetière rempli de goules, sorcières et autres sombres créatures est omniprésente et installe une tension équivalente à celle des (bons) films d'horreur (les dernières secondes de "Beyond The Horror" vous flanqueront les jetons si vous êtes distrait).
The Horror vous attaque par tous les fronts. Que ce soient les riffs et soli rock'n roll au possible ou les ralentissements effroyables (« Curse of Resurrection », « Beyond the Horror », « Graveyard Ghouls », etc), impossible de ne pas succomber face aux assauts du combo. Et même quand la tendance est au tempo élevé, le batteur sait insuffler assez de finesse à son jeu pour un maximum d'efficacité sur toute la ligne. Quant aux grattes, outre le grain « tronçonneur » typique du old school, les riffs démentiels n'en finissent plus de pleuvoir. C'est simple, chaque titre a son mot à dire et même les plus modestes sauront vous filer la bougeotte et marquer votre esprit à leur façon. Et c'est sans compter les gimmicks "WAH" et "OUUH" du chanteur qui s'en donne à cœur joie pour faire rutiler ce bijou de plus belle, en plus de son débit déjà bien élevé. Outre la qualité des titres, les 32 minutes que dure l'album contribuent elles aussi à rendre le potentiel d'écoute de The Horror inépuisable. Dur dur de dompter la bête ! Jusqu'à « Graveyard Ghouls » qui achève d'exploiter les rythmes les plus vicieux du Death Metal, rien n'y fait, on est happés par cette plongée dans un enfer sur lequel n'auraient pas craché G.A.Romero et consorts.
Que demander de plus que des compositions à la fois intelligentes, furieuses et assez efficaces pour s'ancrer durablement dans nos esprits ? Bon ok on pourrait demander des milliards d'euros en petites coupures, mais tout ça pour dire que Tribulation nous offre avec The Horror un excellent condensé putride de Death occulte, un revival d'excellente qualité.
L'essayer, c'est l'écouter. Pour toujours.
A écouter : Crypt of Thanatopihila, Beyond The Horror, Spawn of the Jackal
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