Trainwreck nous avait ébahi par son 4 way split, son split avec Comadre et son Self-Titled. Ombré par la fureur et la destruction, Of Concrete Canyons And Inner Wastelands est l’étape supérieure.
Le procédé artistique de Trainwreck consiste à limer d'abord, à retourner complètement le sol à grand coup de guitares-bêcheuses et de batteries-moissonneuses batteuses ensuite, avant d’y laisser ce je-ne-sais-quoi de gracieux et d’addictif ("Less Than Nothing"). Dans le sillage de formations comme Perth Express ou Burial Year, le côté nébuleux en plus prononcé, Trainwreck remue la terre, les trippes et les cadences et quand tout semble en charpie, place une mélodie fuoriclasse en arrière plan ("Dem Staub Keine Traene"). Comme une orchidée sur des décombres (L’interlude mélancolique "We’ve got skies in mind but no stars to see" à la Circle Takes The Square).
Tout en brusquerie et en rudesse, le quintet malmène ainsi son tracé, par le biais de riffs sombres et progressifs qui semblent se répandre et occuper de plus en plus d’étendues à mesure que les secondes avancent (Les morceaux sont particulièrement longs et évolutifs pour le genre ["Mistakes and Misdirections"]) . Courbé sous une batterie d’assaut, guidé par une souffrance diaphane, Trainwreck absorbe l’oxygène avec ses guitares buvards et travaille à rendre l’air irrespirable. L’Hardcore ici doit abîmer l’auditeur, le priver de lumière, d’espace, de souffle. Il doit le concentrer dans l’avancée rampante de ce canyon. Les parois rayées évoquent alors le chant écorché d’Andréas, qui tout en étant HxC de filiation ("The Dead Next Door"), emprunte au screamo sa coloration malade, enragée et brisée ("We must run, we must run, we must run").
Eaves, Zann avaient ouvert la voie avec ce style à la croisée des genres entre métal, hardcore et screamo. Trainwreck assoit ce mélange, unit ses tendances, disloque ses rythmes – tantôt effréné, tantôt massif – et offre une brutalité à la limite de l’étouffement. Difficile d’en sortir indemne. Mais "qui cherche la vérité de l'homme doit s'emparer de sa douleur".(G.Bernanos)
A écouter : "Dem Staub Keine Traene", ("Mistakes and Misdirections"