|
Biographie
Formé en 2007, Touché Amoré se lance dans un post-hardcore dans la lignée de La Dispute, mêlant mélodies et fougue. Une démo voit l'année suivante chez No Sleep Records. Une série de dates lui succède, avant que le combo ne rentre en studio pour son premier album ...To the Beat of a Dead Horse, enregistré début 2009, alors que la sortie physique se fait en Juin de la même année chez 6131 et Collect Records (Label de Geoff Rickly de Thursday). Peu de temps après, Jeremy Zsupnik quitte son poste de batteur, remplacé de pied ferme par Elliot Babin, tandis que le combo sort 2 Splits (l'un avec La Dispute, le second avec Make Do and Mend) ainsi qu'un Live (Live at WERS). Un changement de guitariste après, Touché Amoré se lance dans l'enregistrement de son second opus, Parting the Sea Between Brightness and Me, après avoir signé chez Deathwish. Annoncé pour courant 2011, le second opus filtre sur le net quelques semaines avant sa sortie.
Jeremy Bolm – chant Clayton Stevens – guitare Nick Steinhardt – guitare Elliot Babin – batterie Tyler Kirby – basse
Depuis Stage Four, Touché Amoré semble coller à cette couleur rosée qui illustre ses artworks.
Pour autant, la bande de Jeremy Bolm ne reste pas sur un acquis un brin maladroit sur Lament : De l’intro à fleur de peur de « Come Heroine », du clip empli d’émotion de « Reminders » ou de « Limelight », à chialer avec Andy Hull, tout semble réussir à Touché Amoré.
Entre Emo, Post Hardcore et Punk. Comme toujours, une sorte de mélopée dont les architectes auraient assombri les murs. Lament n’est pas un disque noir, mais il reflète une certaine morosité, une détresse assumée lorsqu’il n’amène pas une nostalgie (« Reminders », dont à mes yeux le lien avec « Sleep In The Heat » de PUP est évident). Tout se ceci se matérialise via la ligne vocale du frontman, mais aussi certains passages (« Savoring »).
En réécoutant Stage Four en parallèle, on se rend aisément compte de l’écart de production entre les différents titres : il y a un son cristallin (cordes ou choeurs) par moment dans l’album précédent que ne semble pas digérer Lament, même lorsque le piano se fait omniprésent (« A Forecast », qui conclut de manière parfaite le disque). On pourrait y faire le lien avec la production de Ross Robinson (qui, au-delà du Neo Metal, a sortie du The Cure, Glassjaw ou Dananananaykroyd), mais peut être aussi un gap passé par les musiciens.
Pourtant, sur des titres comme « Deflector », des réminiscences de « Home Away From Here » se font apercevoir : ces envolées Post Hardcore, une profondeur de guitare qui se juxtapose aux chant (« Exit Row »). Lament, bien plus que Stage Four, semble furieux, prêt à renverser une barrière invisible de sentiments et ce dès le premier cri de « Come Heroine » ou les hurlements du morceau-titre. De The Cure, on retrouvera presque le jeu de cordes sur « Feign » avec ce break magique et quelques nappes de clavier disséminées sur l’album. Un jeu de piste, autant musical qu’émotionnel.
« I’ve lost more family members / Not to cancer but the GOP / What’s the difference I’m not for certain / They all end up dead to me / So here’s the record closer / I’m still working out its intent / I’m not sure what I’m after / But it couldn’t go left unsaid »
Des thèmes, le combo continue son introspection. Le deuil est à nouveau évoqué (« I’l Be Your Host ») lorsqu’on ne fait pas le lien avec le souvenir, le besoin d’exister (« Reminders »). Plus les disques s’enchaînent, plus le sentiment d’exutoire est poussé, sorte de dernières pensées couchées sur le papier pour ne pas être oubliées. Tout est affaire de sentiments, et c’est à nouveau ceux de Jeremy Bolm que l’on parcourt au fil de Lament.
« I’m still out in the rain / I could use a little shelter - now and then »
J’apprécie ce Lament, tout autant que j’eu aimé les opus précédents. Avec ce nouvel album, Touché Amoré fait a nouveau office de rouleau compresseur émotionnel. Touché Amoré vient il de sortir à nouveau un bon disque ? Sans doute oui, au vu de l’effet immédiat et de son appétence à s’inscrire dans une certaine durée.
Personnellement, Touché Amoré fait partie des groupes qui, à un moment ou un autre, reviennent aux oreilles, quel que soit le point d’entrée, de la jeunesse de Parting the Sea Between Brightness and Me à l’amertume de Stage Four.
“She passed away about an hour ago while you were onstage living the dream”. Ces paroles, tirées d’Eight Seconds sont également les mots par lesquels Jeremy Bolm apprit le décès de sa mère au sortir d’un concert à Gainesville. Stage Four trouve probablement ses origines dans le choc de l’annonce de cette tragique nouvelle et dans l’océan de culpabilité qu’il déclencha.
Ce quatrième album de Touché Amoré est ainsi celui du deuil de son chanteur, consumé par le chagrin et surtout le remord, celui que l’on ressent après la perte d’un proche, cette consternation que l’on éprouve lorsqu'on se rend compte que l'on a été incapable d'apprécier à sa juste valeur ce qui est maintenant perdu. Stage Four est également un regard rétrospectif très cru sur la maladie, le cancer, et la fin de vie. La sincérité et l’hypersensibilité émotionnelle ont toujours été les marques de fabrique du quintet Californien, le lien l’unissant à sa fanbase. Véritable catharsis, avec ce nouvel LP Jeremy Bolm va encore plus loin dans l’exposition de son intimé. La limite avec le voyeurisme est parfois ténue comme avec la diffusion du dernier message audio laissé par sa mère l’informant de l’arrêt des traitements et lui disant qu’elle ne serait probablement pas à la maison à son retour…
La charge émotionnelle entourant Stage Four est donc colossale. A son écoute, on ne peut pas non plus dire que l’on ne s’y retrouve pas mais voilà, quelque chose manque. Poursuivant la trajectoire d’assagissement généralisé qui touche cette petite scène formée avec La Dispute ou Pianos Become the Teeth, ce nouvel album manque définitivement d’énergie. La fureur disparue ne reste plus que les larmes. La dépression imprégnant chacune de ses secondes, comment penser qu’il put en être autrement ? Définitivement, forme et fond sont d’une incroyable cohérence.
Au final, l’appréciation de ce nouveau Touché Amoré dépend avant tout des affinités personnelles de chacun par rapport à des sonorités plus posées, tenant plus de l’Indie que du Hardcore. L’apparition du chant clair (Benediction, Water Damage, Skyscraper) et de sonorités post-punk très années 80, qui rappellent Collision Blonde de Xerxes, sont ainsi à cette image. Contenant de vraies pépites comme Rapture et d’une qualité indéniable, Stage Four n’est tout simplement pas l’album qu’une partie des amateurs du groupe, séduite avant tout par l’énergie des premiers opus, attendait.
A écouter : Rapture
Depuis Is Survived By, Touché Amoré n’a pas ralenti le rythme. Se mêlant à Self Defense Family, Title Fight ou Pianos Become The Teeth, le combo se décide finalement à revenir sur le chemin du LP. Le groupe semble n’avoir, à première vue, que peu subit d’influences extérieures lors de la réalisation de ce nouvel album, tant les morceaux s’enchaînent en parfait accord avec Is Survived By. Dès l’ouverture de « Flowers and You », on retrouve des sonorités associées au single de Parting The Sea Between et l’on se retrouve face au premier dilemme amené : attends-toi une quelconque véritable évolution à l’instar de Comadre, qui avait marqué une rupture totale entre ses derniers opus, ou alors la manière de composer de Touché Amoré se suffit-elle à elle-même ?
La réponse n’est au final pas si facile à identifier : d’une part, on pourra reprocher au combo d’user de la même recette, au risque de trouver des liens trop marqués entre certains titres. De l’autre, il sera aisé justement d’apprécier cette constance dans l’écriture, qui identifie en général un morceau du groupe dès l’ouverture. La variation sera sur les ajouts vocaux (« Benediction » et « Skyscraper », bien que ce dernier reste à part sur l’album) plus que dans le reste : le mix entre Post-Hardcore et Screamo s’envole sur « Palm Dreams » ou « Posing Holly », avec toujours une cassure sur le refrain (chant, break, …) qui ne surprend plus. Les mots utilisés pour le split avec Pianos Become The Teeth ne changent pas : intensité, fureur de vivre. Mais ici, une amertume s’ajoute à l’ensemble, à l’image de l’histoire derrière ce disque (la mère de Jeremy Bolm étant décédée d’un cancer fin 2014), beaucoup plus audible dans les cordes et peaux que dans le reste (« Displacement »).
Bien au-delà de cette sensation, les Américains ne déméritent pas mais restent dans cet Ouroboros initié par Parting The Sea. On ne sait s’ils décideront d’en sortir au final, mais c’est ce qui amènera à apprécier (ou non) ce disque : les avis vont sûrement diverger, mais nul ne pourra nier que les artistes connaissent sur le bout des doigts la musique.
Stage Four ne fera pas pâle figure face à ses prédécesseurs. On y retrouve les mêmes sensations, les envies d’évasion, la poésie délicate et le timbre de Jeremy Bolm qui ne failli jamais. Inlassablement, Touché Amoré poursuit sa route, ravissant le cœur de certains à nouveau. Je fais partie des conquis, ne le nions pas.
A écouter : Benediction - Palm Dreams
Un instant. A peine une poignée de minutes. Juste un split de deux titres. Un chacun. Si peu et beaucoup à la fois. L'éternel paradoxe. Parce qu'ils ont tant à partager. Comme un fragment d'eux mêmes.
Deux groupes, deux approches différentes, mais le même propos. Les plumes sont identiques, l'épilogue se fini inéluctablement de la même manière. Seuls les mots entre chaque chapitre diffèrent.
Au recto, Pianos Become The Teeth est à terre, Empire! Empire! (I Was A Lonely Estate) dans le souffle court, les voix brisées (« There’s no good in your eyes anymore »), les cordes d'une tristesse infinie, les pulsations de la batterie défibrillateur redonnent vie au mourant. Kyle n'abandonne pas le combat, s'égosille (« But you can’t stay angry forever, and I know but you can’t stay angry forever, or so I’m told »), mais le groupe garde cet équilibre instable, cette fragilité précieuse, cette tension qu'il peut basculer à tout moment. Pianos Become The Teeth vient d'écrire le plus beau morceau de sa carrière.
Au verso, Touché Amoré. Dans une autre optique, la rage aux lèvres, la rythmique épileptique et la basse frondeuse, sans détours. Tout est dans l'intensité, la fureur de vivre, avec Defeater comme blason. Comme une fuite (à l'image du clip) un goût de cendre dans la bouche. Mais la lumière viendra de ce break magnifique en milieu de titre avec les paroles à se rouler en boule (« It was the first time, in a long time, that I felt alive. At least I tried, and my highest hopes were realized, then it flat lined »). Et pourtant, Touché Amoré fini complètement abattu, plus désespéré que jamais.
Si peu à écouter, mais tant d'émotions à vivre. Ne passez surtout pas à côté de ce split.
A écouter : oui
Attendu de pied ferme, Is Survived By avait sur ses épaules le poids de l'attente, de l'espérance. On attendait à minima un disque à la hauteur de Parting The Sea Between Brightness and Me, capable de rivaliser avec son prédécesseur et de confirmer l'évolution depuis la démo de 2008 et son enchanteur "Honest Sleep". L'artwork bleu ne laisse rien deviner, si ce n'est les cinq silhouettes et une ville dans le fond : ce sera donc une surprise complète, sans indication sur un hypothétique fil conducteur ou une thématique récurrente.
C’est via « Just Exist » que Touché Amoré se lance donc à l’aventure. Il faudra bien moins des deux minutes du titre pour se remettre dans le bain tant le cocktail se révèle dans la continuité de l’opus précédent. Et ce ne sont pas « To Write Content » ou « Anyone / Anything » qui iront contredire ce ressenti, alors que « DNA » fera définitivement s’envoler les derniers doutes avec son passage central. Attention toutefois, Is Survived By masque ses racines hardcore pour s’orienter un peu plus vers ce qu’ont pu nous produire La Dispute ou Pianos Become the Teeth en terme de sensations : les adeptes de la Démo ou To The Beat of a Dead Horse pourront donc un peu tiquer s’ils recherchaient la sueur plus que les larmes.
Il est à signaler que Touché Amoré s’essaie pour la première fois à composer des morceaux dépassant les trois minutes (la second moitié de l’album au final). Ce ne sont toutefois pas ceux ayant le tempo le plus lent au global, bien au contraire (« Social Caterpillar » ou « Is Survived By ») et même si le combo perd légèrement en immédiateté, l’intensité reste la même.
Rien à redire, Is Survived By est un parfait successeur à Parting The Sea, dans cette même veine Emo Hardcorisé à fleur de peau. Le cocktail fait effet, avec une recette et une saveur proche : pas besoin de faire dans le détail, tout s'enchaîne sans discontinuer, avec un niveau similaire. En résulte un disque équilibré et un groupe qui connaît son chemin pour un coup de coeur de 2013.
A écouter : Social Caterpillar - Is Survived By
A trop regarder en arrière, on ne vit plus l'instant présent ni ceux à venir, on ressasse encore et encore les mêmes mélodies. Touché Amoré semble ici se lancer dans cette épique aventure musicale qui inclut remords, amertume et soupirs; qui laisse écroulé sur le sol, les larmes aux yeux, tout en se tournant en même temps vers un futur lumineux, comme d'autres le font depuis des années. Cliché ? Peut être à première vue, pourtant alors que le combo avait déjà tracé son chemin sur To The Beat Of A Dead Horse, la bande de Jeremy Bolm revient sur Parting the Sea Between Brightness and Me, fragment de vie et d'histoires. Voguant au gré de ses envies, porté par un son que l'on peut rapprocher sans crainte de La Dispute et Pianos Become The Teeth, Touché Amoré a décidé de ne pas plier, de vivre même si le doute est omniprésent. Que les paroles s'accordent sur le thème de la musique ou du vécu, les Américains ne finissent pas de porter haut leurs sentiments, avec toute l'intensité de Defeater ("Pathfinder", "Crutch"). Touché Amoré ne se contente pas de jouer, les musiciens vivent leur musique avec sincérité, se posent la question de leur existence ("You often find yourself putting off everyone while finding comfort in other songs / To distract the fact that you’re actually disappearing" sur "Amends") tout en étant bercés par des rythmiques entraînantes ("Home Away From Here" ou "Uppers/Downers"). Parting the Sea Between Brightness and Me ne réfléchit pas sur un hypothétique futur, justifiant déjà son présent ("The Great Repetition") et expiant son passé ("Face Ghost"). Ce nouvel opus n'a pas à se cacher derrière ses prédécesseurs car même s'il manque peut être un titre du calibre de "Honest Sleep", Touché Amoré joue d'une main de maître, peaufinant ses mélodies à la manière d'un Pianos Become The Teeth ("Method Act") et concluant chaque titre dans un dernier soupir ("Face Ghost", "Condolences"). Sentiments exacerbés, poésie d'un dimanche d'automne pluvieux, Touché Amoré va au-delà des attentes, se rapprochant d'un Caravels par l'énergie dégagée et l'explosion du chanteur (Profitez-en pour écouter Floorboards si vous regrettez les 20 - trop courtes - minutes de Parting the Sea Between Brightness and Me!).
Mélodies éreintantes, hargne dévoilée et décharges émotionnelles via un frontman qui pousse jusqu'à l'extrême son phrasé, tradition musicale oblige : Touché Amoré sort donc un album peaufiné jusqu'à l'extrême, qui fera encore rayonner l'aura du quintet qui commençait à poindre sur To The Beat Of A Dead Horse. Là ou La Dispute manquait d'un zeste de souffle, Touché Amoré respire à plein poumons, le torse gonflé de fierté, ce qui donne lieu à des titres tel le mouvementé "Home Away From Here", d'une intensité envoutante. Convaincu ?
A écouter : Condolences - Face Ghost - Home Away From Here
|
|