« Ah Totorro, ils ont changé ». Une simple bribe de conversation m'était parvenue ce soir là alors que je n'avais découvert que quelques mois plus tôt ce Home Alone à la pochette minimaliste et presque enfantine qui ne laissait transparaître aucune trace d'un passé post-Hardcore. Après la montée en puissance qu'était All Glory To John Baltor, la naïveté et la légèreté d'Home Alone semblent étonnantes mais pas complètement incohérentes. Que l'on accepte ou non leurs nouvelles allégeances, il est difficile de jeter la pierre à un groupe déjà en métamorphose dès le deuxième album.
La frontière était déjà ténue en 2011 entre le Post-Hardcore et Post-Rock, et c'est ce dernier qui prend l'ascendant sur Home Alone. Très instrumentale, cette sortie éclipse le chant au profit de mélodies aux frontières de la Pop, lumineuses et estivales. Moins d'envolées lyriques propres au genre pour des morceaux plus sautillants et polyrythmés à la manière du Math Rock (« Chevalier Bulltoe »). Totorro a délaissé ses côtés sombres et rangé les guitares abrasives, mettant en oeuvre un talent plus technique dans l'enchaînement des mouvements. Tout cela vous dit quelque chose ? Le lien avec And So I Watch You From Afar se fait assez vite : les Irlandais semblent avoir eu une influence majeure sur le quatuor, bien que celui-ci offre une musique plus minimaliste et épurée.
Chacun des huit titres respire, se laisse apprécier dans toutes ses nuances grâce à un espace sonore qui n'est pas saturé. De quoi donner à tous les musiciens un rôle à part entière et ils ne se font pas prier, en particulier le duo basse-batterie trop souvent sous-exploité qui chez Totorro joue sur des terrains variés sans que leur expression ne soit bridée.
Si l'on peut parler de virage assez désarçonnant, Totorro n'a pas perdu ses repères et se revoit titillé par moments (« Osao San ») par son passé plus percutant. La violence exprimée auparavant ne dure jamais bien longtemps et a été principalement mutée en énergie ultra-positive, relâchée pour donner du volume aux notes joyeuses (« Home Alone ») ou mélancoliques (« Festivalbni », « Eric Colson »). Les Rennais ont trouvé un filon dans lequel ils s'épanouissent pleinement et réussissent à emmener l'auditeur avec eux. Bercé entre les six-cordes voluptueuses et le doux chaos, c'est apaisé que l'on émerge de cet album. Surprenant et amusant, Totorro nous prend par la main pour une demie-heure de montagnes russes où l'on ne chute que dans le coton et les plumes. Pas besoin de grands efforts pour se laisser prendre au petit manège du combo, riche en séquences entraînantes, dansantes, qui ont toutes leur place dans les morceaux retenus et à l'effet immédiat. Avec une durée certes assez courte, le pari reste réussi et cohérent pour un opus dans lequel on se replonge encore et encore.
Drôle de vie pour ce groupe qui semble avoir grandi à l'envers, engageant sa progression de la noirceur vers l'enfance. Les géniteurs d'Home Alone signent une belle avancée qui laisse difficilement prévoir l'avenir des Bretons. Quoi qu'il en soit, ici Totorro est beau car insouciant, sans artifice et sans autre ambition que la joie de chaque instant. Et on l'espère, pour longtemps.
Du bon Math-rock bourré d'amphétamines , impossible de ne pas taper des doigts sur ton canapé ou du pied dans l'ascenseur . ça sent la fraîcheur , l'été et haaaaaaa...ça fait du bien!!!!