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Biographie
Totorro est un quatuor rennais alors composé de Kevin (Batterie), Jonathan (Guitare), Christophe (Guitare) et de Xavier (Basse), exerçant un Post-Rock à la croisée de Mono, The Evpatoria Report et Envy. Un premier ep composé de quatre titres sorti en 2008 leur permet de partager l'affiche aux côtés d'As We Draw, Guns Of Brixton, Caspian ou encore Tides From Nebula. Le groupe accueille un nouveau batteur, Bertrand qui remplace Kevin, et sort son premier album longue durée, All Glory To John Baltor, en octobre 2011 chez Tokyo Jupiter Records, enregistré au studio d'Amaury Sauvé (As We Draw, The Brutal Deceiver, Hourvari). Totorro tourne ensuite en compagnie de The Forks jusqu'en République Tchèque.
« Ah Totorro, ils ont changé ». Une simple bribe de conversation m'était parvenue ce soir là alors que je n'avais découvert que quelques mois plus tôt ce Home Alone à la pochette minimaliste et presque enfantine qui ne laissait transparaître aucune trace d'un passé post-Hardcore. Après la montée en puissance qu'était All Glory To John Baltor, la naïveté et la légèreté d'Home Alone semblent étonnantes mais pas complètement incohérentes. Que l'on accepte ou non leurs nouvelles allégeances, il est difficile de jeter la pierre à un groupe déjà en métamorphose dès le deuxième album.
La frontière était déjà ténue en 2011 entre le Post-Hardcore et Post-Rock, et c'est ce dernier qui prend l'ascendant sur Home Alone. Très instrumentale, cette sortie éclipse le chant au profit de mélodies aux frontières de la Pop, lumineuses et estivales. Moins d'envolées lyriques propres au genre pour des morceaux plus sautillants et polyrythmés à la manière du Math Rock (« Chevalier Bulltoe »). Totorro a délaissé ses côtés sombres et rangé les guitares abrasives, mettant en oeuvre un talent plus technique dans l'enchaînement des mouvements. Tout cela vous dit quelque chose ? Le lien avec And So I Watch You From Afar se fait assez vite : les Irlandais semblent avoir eu une influence majeure sur le quatuor, bien que celui-ci offre une musique plus minimaliste et épurée. Chacun des huit titres respire, se laisse apprécier dans toutes ses nuances grâce à un espace sonore qui n'est pas saturé. De quoi donner à tous les musiciens un rôle à part entière et ils ne se font pas prier, en particulier le duo basse-batterie trop souvent sous-exploité qui chez Totorro joue sur des terrains variés sans que leur expression ne soit bridée.
Si l'on peut parler de virage assez désarçonnant, Totorro n'a pas perdu ses repères et se revoit titillé par moments (« Osao San ») par son passé plus percutant. La violence exprimée auparavant ne dure jamais bien longtemps et a été principalement mutée en énergie ultra-positive, relâchée pour donner du volume aux notes joyeuses (« Home Alone ») ou mélancoliques (« Festivalbni », « Eric Colson »). Les Rennais ont trouvé un filon dans lequel ils s'épanouissent pleinement et réussissent à emmener l'auditeur avec eux. Bercé entre les six-cordes voluptueuses et le doux chaos, c'est apaisé que l'on émerge de cet album. Surprenant et amusant, Totorro nous prend par la main pour une demie-heure de montagnes russes où l'on ne chute que dans le coton et les plumes. Pas besoin de grands efforts pour se laisser prendre au petit manège du combo, riche en séquences entraînantes, dansantes, qui ont toutes leur place dans les morceaux retenus et à l'effet immédiat. Avec une durée certes assez courte, le pari reste réussi et cohérent pour un opus dans lequel on se replonge encore et encore.
Drôle de vie pour ce groupe qui semble avoir grandi à l'envers, engageant sa progression de la noirceur vers l'enfance. Les géniteurs d'Home Alone signent une belle avancée qui laisse difficilement prévoir l'avenir des Bretons. Quoi qu'il en soit, ici Totorro est beau car insouciant, sans artifice et sans autre ambition que la joie de chaque instant. Et on l'espère, pour longtemps.
Post-rock ambient aux contours post-hardcore, la musique des rennais a vu le jour une première fois en 2008 avec un EP éponyme somme toute relativement classique dans son genre mais déjà bien agencé, qui proposait un post-rock pas trop éloigné de Envy et Mono.
Fin 2011, le groupe revient avec une première livraison en long format contenant seulement quatre titres, mais d’une durée de dix minutes chacun en moyenne. L’objet empreinte un artwork dans la continuité du EP représentant des oiseaux (qui semblent capables cette fois de tirer des lasers...), animal qui colle assez bien à l’image que l’on peut se faire de la musique exécutée ici. L’évolution musicale justement, depuis la première galette, a vu l’ajout d’un élément important, la voix, assurée par l'un des guitaristes qui vient renforcer avec conviction la dimension hardcore du post-rock de Totorro. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que son entrée en scène vers les deux minutes quarante de Lavate Las Manos fait son effet. Une voix puissante, écorchée vive à la manière de Comity ou As We Draw, surgissant des ténèbres après une mise en place progressive, entamée sur l’introductif John Baltor à la violence contenue, comme si les musiciens attendaient l’arrivée du chant hurlé pour tenter de se libérer d'un malaise rampant.
On sait qu’entre le post-machin et le post-truc la frontière est mince, une question de saturation sans doute… Et bien Totorro navigue avec aisance entre les deux, usant de guitares aériennes (voire spatiales) sur de longues séquences progressives tout en gardant une basse lourde en toile de fond, annonciatrice d’une débauche post-hardcore noisy au groove maîtrisé, flirtant parfois avec le screamo. Les rennais alterneront les ambiances avec un naturel déconcertant et, au bout de trois écoutes, l’alchimie qui règne au sein du quatuor se confirme. La variété structurelle de chaque morceau (un peu moins pour John Baltor) est remarquable et la production au poil permet d’entendre chaque instrument distinctement. Une fausse fragilité demeure sur les plans ambient mélancoliques, régulièrement balayée par une lourdeur malsaine, emmenée par une voix malade, habitée. A partir de ces points de ruptures, guitares, batterie et basse descendent plus bas que terre en accentuant la rythmique jusqu’à côtoyer le pendant le plus sombre du post-hardcore (Lavate Las Manos, The Stamped). La fin de The Yellow One laisse entrer la lumière une dernière fois, aussi tremblante et saturée soit-elle, une lueur d’espoir subsiste…
Avec une certaine maîtrise naturelle, Totorro parvient à marier les éléments post-rock et hardcore en les sublimant et en y ajoutant une touche screamo qui accentue le frisson procuré. Les quatre morceaux de ce All Glory To John Baltor sont autant d’invitations au voyage introspectif, mêlant joie succincte, colère vaine gorgée de noirceur et tristesse absolue. La voix fraîchement intégrée n’y est clairement pas étrangère. L’émotion est palpable, et c’est bien là l’essentiel.
L'objet s'écoute librement sur Bandcamp.
A écouter : les yeux fermés.
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