La balafre sanguinaire portée par Ekkaia n'a pas uniquement laissée des traces sur les terres ibériques. Elles remontent au moins jusqu'au sud ouest de l'hexagone. Tol Eressëa en porte les cicatrices, acerbes et encore brulantes. Du feu, puis des cendres, éternelles.
Ce premier EP des toulousains est toutefois bien loin de se contenter des retombées d'une éruption dont l'apogée appartient au passé, il concentre en 6 titres une kyrielle d'influences qui font de Tol Eressëa un équilibriste, en résonnance avec un punk hardcore virulent et teigneux, un crust punk noirâtre et sulfureux et une poignée de mélodies à se damner. Si certains titres, propulsés par une rythmique quasi fast-core et un chant nerveux, conservent du début à la fin les gênes primitifs et furieux d'un punk abrasif sans aucun compromis ("Desesperance", "No Solace"), d'autres brouillent les pistes et placent le combo sur des terrains davantage vallonnés, mais toujours bercés par le même filigrane, tissé d'une rancœur et d'une âpreté intensément palpables.
Parmi ces instants clairement plus ambitieux, il y a bien sûr "Hubris", un putain d'hymne punk hardcore épique as fuck, la faute à cette paire vocale féminine/masculine qui se rend littéralement baffe pour baffe jusqu'à épuisement, puis surtout "A Tale From The Eternal Sea", un long titre méandreux et surprenant pourfendu d'un break mélodique à se briser l'échine. Sans aucun doute un des meilleurs morceaux, qui malgré une production home-made fleurant bon le roots et le live, fait ressortir une sensibilité toute particulière et une composition largement décomplexée.
Si pour la suite Tol Eressëa parvient à rester à son meilleur niveau à chacun de ses pas, c'est à dire à conserver son énergie crue et communicative tout en se fendant d'une écriture originale, les braises pourraient bien (re)devenir des flammes. On en demande pas mieux.
A écouter : Hubris - A Tale From The Eternal Sea