Today Is The Day
Hardcore / Noise / Grindcore / Death Metal

No Good To Anyone
Chronique
On n'étalera pas ici le CV de Steve Austin, tout d'abord car d'autres font cela bien mieux en d'autres lieux, et ensuite car nous y passerions la journée. On saluera en revanche la volonté avec laquelle le monsieur fait face à son destin et à sa vie, à la manière d'un Peter Steele ou des jeunots de Nothing, en essayant de faire contre mauvaise fortune, bon cœur si tant est que le mot « bon » puisse être juxtaposé à celui d'un musicien qui a passé l'intégralité de sa carrière à mettre en musique la sauvagerie, la violence et la douleur. D'un Noise Rock qu'on aurait envoyé brûler pour sorcellerie (Willpower) au Metal sauvage infusé au Grindcore et au Death Metal (Sadness Will Prevail), Today Is The Day ne s'est jamais reposé sur ses lauriers et c'est donc en tapant du pied, d'impatience mais aussi d'excitation une fois les premiers extraits dévoilés, que l'on attend No Good To Anyone.
Un titre mais aussi une pochette, dessinée par un artiste tout aussi tourmenté en la personne de Jef Whitehead (alias « Wrest » de Leviathan), qui annoncent bien la couleur d'ailleurs car cette fois-ci, comme son homologue, Steve Austin a décidé de se jeter dans la gueule de son loup intérieur au ralenti. On pourra arguer que le groupe a parfois été tenté de ralentir le tempo de-ci de-là au cours de sa carrière (Animal Mother) mais l'échelle n'est pas comparable. Cet album prend son temps et va piocher à droite à gauche dans des genres auxquels le musicien ne s'était pas encore confronté. Le premier nom qui vient en tête est celui des Swans, tant le disque semble être le pendant vicieux, toujours aux aguets, le cran d'arrêt jamais loin, des derniers disques du père Gira. A ceux qui regrettent les excès de crasse et de glaire des débuts du cygne, Filth en tête, ne cherchez pas plus loin et venez tâter la bête : elle est épaisse, répétitive et lourde mais ne tend jamais du côté Industriel, mettant toujours au cœur de son propos l'humain. Une véritable expulsion glaireuse du mal être emmagasiné par le musicien au cours de ces dernières années et lorsque l'on évoque la lose, la dépression et l'amertume, il y a un nom qui ne traîne jamais bien loin, celui d'Acid Bath. Avec des sonorités quasiment Sludge, des accélérations subites dont il a le secret, No Good To Anyone va chercher du côté des deux meilleurs disques de Sludge des années 90. Et puis enfin, il y a ce Black Metal, ou plutôt cette idée du Black Metal, qui fait son apparition et ce n'est que justice. Qui peut se targuer d'avoir une telle place au panthéon des horreurs musicales et des dégénérescences auditives que Today Is The Day ?
On pourrait alors dire, si l'on avait la langue fourchue et sifflante, que ces comparaisons seraient plus à leur place pour décrire le disque d'un groupe inconnu qui débarquerait d'on ne sait où pour y retourner aussitôt le soufflé retombé. Tout d'abord, ce serait sans prendre en compte le fait que l'âme d'Austin habite l'oeuvre et que l'on y retrouve donc quelques gimmicks qui parcellent sa discographie parmi lesquels des morceaux acoustiques aux relents Blues, celui du Sud, de l'abattement et qui souffle une haleine de mort. Il y aussi ce cri du cœur, cette voix crachant son venin au visage de l'auditeur à la manière d'un Sanford Parker chez Buried At Sea, le sang plein la gorge. Et enfin il y a cette manière de prendre un riff, de le retourner, de le déposer sur la table de vivisection et de l'attendrir à grand coup de scalpel avant de le relâcher dans la nature. Et puis au final, prendre chaque disque d'une entité née en 1992 comme le premier, n'est ce pas aussi la preuve que mister Austin vaut bien son pesant de cacahuètes ?
Nouveau disque donc et nouvel horizon une fois encore pour Steve Austin qui, à défaut de valoir 3 milliards, décroche une réussite de plus à sa carrière. Chacun se fera son idée, certains seront déçus par cette aura sépulcrale que le disque dégage et nul doute qu'il vous faudra sûrement plus d'une ou deux écoute pour l'apprécier totalement. Moins rapide que la sulfateuse de Sadness Will Prevail, moins spectaculaire que les flammes de Temple of the Morning Star et plus insidieux que le couteau de Willpower, le venin est l'arme de choix sur ce disque et il va falloir lui laisser le temps d'agir mais le résultat sera le même.
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