Biographie

Tim Hecker

Tim Hecker est né en 1974 dans la ville de Vancouver au Canada. Officiant aux confins de l’Ambient et de l’Electronica, il brasse cependant de nombreux genres dans ses créations allant chercher également du côté de la musique classique moderne ou du Drone.

Il a collaboré et/ou tourné avec des artistes tels que Godspeed You! Black Emperor, IsisAidan Baker (Nadja), Ben Frost, Sigur Ros ou encore Daniel Lopatin (Oneohtrix Point Never). 

Depuis 1996, il travaille sous son propre nom ou sous le pseudonyme Jetone. Chaque nouvelle sortie est devenue un événement depuis son premier album Haunt Me, Haunt Me, Do it Again en 2001. Des albums tels que Radio Amor en 2003 ou Harmony in Ultraviolet en 2006 ont connu un succès critique conséquent.

Après avoir sorti en 2011 Ravendeath, 1972, un album très sombre et axé sur l’utilisation des drones, Tim Hecker revient en 2013 avec Virgins.

16 / 20
2 commentaires (16.5/20).
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Love Streams ( 2016 )

L'acceptation de l'insaisissable mouvement de la musique est un perpétuel recommencement, exercice dans lequel Tim Hecker excelle. Il a su le démontrer à travers une discographie qui en impose le respect. Jusque-là, chacun de ses nouveaux albums évoluait dans un espace qui lui était propre bien qu'en s'inscrivant dans un contexte de cohésion reconnaissable à ses prédécesseurs. Après avoir traversé l'univers post-apocalyptique aussi magnifique qu'inquiétant de Ravedeath, 1972, il nous a fallu arpenter douloureusement l'abîme anarchique et incoercible de Virigins. Vient à présent Love Streams, nommé ainsi avec la sobriété dont il a toujours fait preuve dans son travail. Pourtant, Tim Hecker surprend, auditivement bien sur, mais pas seulement. Jamais un de ses albums n'a offert un ressenti de la retranscription sonore aussi net. Quoique "net" soit un bien grand mot quand il s'agit de l'associer au producteur canadien.

Tout ceci n'est pas anodin. Rarement un artiste que j'affectionne m'aura donné tant de mal à trouver des mots pour le décrire. Tel est l'effet qu'a sa musique sur ses auditeurs. Il faut dire qu'il prend un malin plaisir à nous malmener au gré de ses contrées irrégulières, où grâce et chaos se lient dans une explosion imprédictible. Tim se joue de nous, réussissant même à faire passer les notes d'Obsidian Counterpoint pour des sons régulés par une quelconque fréquence, comme si sa musique était soudainement devenue accessible. Mais ce n'est qu'un leurre. Ici, on est bien loin de la discipline du contrepoint.
Ces voix, rappelant certaines expérimentations de Björk, se superposant et dissimulant d'autres voix plus infimes ne font qu'accentuer la mise en orbite de notre esprit, se mêlant encore et encore jusqu'à ne devenir qu'une entité unisexe au discours imperceptible (Music Of The Air). On se met alors en quête de ce dialecte et des échos qu'il induit mais il est déjà trop tard. Il vous faudra attendre le terme de l'album pour tenter à nouveau de saisir cet instant. Ce qui compte c'est de parvenir à assimiler le maximum d'éléments dont il regorge tout en résistant à l'envie de décoller, ce qui n'est pas chose aisée. Car vous décollerez, soyez en certains.

Lorsque l'on parle d'Ambient, la pochette qui illustre l'album devient alors un élément important. Unique point de repère que Tim a bien voulu nous laisser avant de nous perdre dans son monde sans règle. On finit toujours par se rattacher à cette image, abstraite mais presque familière, jusqu'à en inventer une histoire. Elle prend alors le pouvoir sur votre subconscient puis finira par contrôler le décor de votre périple comme le fait Love Streams avec ces couleurs fluorescentes entrecoupées de silhouettes à peine visibles.
Ayant toujours possédé une façon bien à lui de concevoir l'enregistrement d'un long format, cet album ne déroge pas à la règle et a ainsi vu ses sessions de compositions étalées sur deux ans peu après la sortie de Virgins, pour finalement voir le jour au printemps 2016. Tim Hecker a constamment été à part et il continue de le prouver en évoluant dans son univers parallèle, sachant mieux que quiconque allier Drone, Ambient et classique moderne, chose qui facine toujours autant.

Aussi bien capable de composer la bande-son de la fin du monde que celle de vos rêves, Tim Hecker nous éblouit de son talent telle une lumière diffuse dont la source serait si vaste qu'on a peine à en discerner les limites. Ce qui fera grincer des dents une partie de ses adorateurs est sans doute ce qu'il y a de plus important à retenir de Love Streams. Sa véritable force réside dans cette chaleur et ce panaché de couleurs qui vient contraster avec ses anciens travaux façonnés, eux, ton sur ton. S'il excellait de bout en bout lors de cette phase monochromatique, il ne reste à présent plus qu'à voir ce dont il est capable à travers ce changement de ligne directrice qu'il débute de la meilleure des manières.

A écouter : Bien sûr
17 / 20
4 commentaires (15.88/20).
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Virgins ( 2013 )

Tim Hecker est devenu au fil du temps le plus fidèle compagnon de mes nuits cabossées. Régnant en maître sur l'Ambient depuis plus d'une décennie, ce génie du son perpétue la magie d'une musique aux confins de l'imaginaire, où la cinématographie se dresse sous nos yeux à mesure que les secondes s'écoulent. Ravendeath, 1972 en 2011 marquait l'usage de drones pour parvenir à ses fins. Virgins en 2013 nous plonge dans un maelstrom organique. 

Instants volés d'une pellicule abandonnée, la musique de Tim Hecker est cette photographie jaunie, amoindrie par les facéties du temps. 
Tim Hecker emprisonne ces instants de vie égarés dans une bulle oxydée, où la douce sensation d'étouffement s'entremêle à la jouissance de vivre. 
Les saccades vrombissantes des machines se mettent au service du craquèlement peu orthodoxe d'une vie qui s'émousse mais qui bat. 
D'une beauté insolente au même titre que le talent de son créateur, ce disque est une odyssée cognitive, entre suffocations et espérances. 

Les notes amoncelées d'un piano furtif, souvent torturées, toujours précises, accompagnent les volutes funèbres d'une flûte de mauvais augure. Ces enveloppes balbutiantes et colorées dans un univers saccadé illuminent la marche implacable de la machinerie proposée. 
Ces machines, principaux rouages de l'histoire contée, nous convient au bal des damnés : là où flotte au grès d'une brise funèbre le fameux drapeau noir. 
Telle la fumée grisâtre et monotone s'échappant d'une usine décrépissante, les nappes de clavier semblent enrober la déliquescence ici susurrée. Le piano quant à lui ruissèle le long  de cette obscure fumée, laissant entrevoir les rayons d’un soleil qui emplit les cœurs.

Au beau milieu de cet ectoplasme amenant la musique classique moderne à un niveau insoupçonné, la vie se matérialise à l'aide d’éléments de Field Recording distillés ci et là. Des voix apparaissent et disparaissent rompant un silence maîtrisé. Les instruments utilisés par le musicien se distinguent, les marteaux du piano frappent fort, le bois craque, les éléments se révèlent, les mouvements se devinent. 

De cette étincelle de vie qui enchante et déchante, Tim Hecker en aspire la consistance. Sensation cathartique de percevoir par soubresauts une certaine vérité. Celle du visage buriné du temps, qui jamais ne cède, qui toujours poursuit sa route, entre Charybde, joie et Scylla. Ce disque a bien un arrière goût d'infini mais n’en abusez pas, le retour n’est pas garanti. 

A écouter : A vos risques et périls