|
Biographie
Thy Catafalque voit le jour en 1998 du coté de Makó sous l'impulsion de Tamás Kátai et Juhász. János. Le duo s'est depuis lors, et parallèlement aux autre activités musicales ou non de ses membres, employé à se monter un univers sonore singulier et complexe au croisement des multiples sources d'inspiration des deux hommes. Une démarche remarquable mais qui leur ferme peut être quelques portes au point que Tûnõ Idõ Tárlat, leur troisième album paru en 2004 sera financé de leur poche. Thy Catafalque ne revient finalement que cinq ans plus tard, après que Tamás Kátai ait enfin réussi à concrétiser le travail qu'il avait entrepri avec son autre gros projet (Gire), avec Róka Hasa Rádió son quatrième effort publié chez Epidemie Records.
Chaque nouvel album de Thy Catafalque est une nouvelle pierre posée sur un monument dont l’architecture nous est inconnue. A l’image d’un constructeur/explorateur fou, Tamás Kátai érige une discographie qui ne ressemble à aucune autre. Naiv est la dernière pierre de cette construction, permettra-t-elle de s’approcher encore du firmament comme le fit celle de Geometria il y a 2 ans ?
Tamás Kátai a réitéré l’exploit. A ce stade, il ne sera un secret pour personne que tout le concept de Thy Catafalque est d’aller explorer des sonorités que l’on entend trop peu, ou pour ainsi dire jamais dans le monde du Metal. Pourtant ce que peu savent c’est à quel point c’est réalisé avec brio. Si Geometria piochait beaucoup de ses influences dans le jazz, ici c’est dans le chaudron de l’électro et la pop que nous allons plonger. Le terme d’influence est ici tronqué puisque si nous pourrons trouver des sonorités réminiscentes du The Cure des 80’s (Tsitsushka) ou de ces synthés si caractéristiques des 70’s (Veto). Mais tout ceci n’est qu’un aspect de la complexité et de la finesse dont fait preuve Naiv. Du chant clair en hongrois et en espagnol (Embersólyom) dans un style atmosphérique presque Folk, des gammes orientales dans (A valóság Kazamatái) … tout y est. Loin de nous perdre, la force de Naiv est de superposer des lignes mélodiques diaboliquement simples avec des instruments surprenants pour créer une ambiance unique. Les guitares aussi avec leurs graves et leur « mids » très poussés sont à l’opposé de ce qu’on pourrait attendre traditionnellement. Kék Madár (Négy Kép) résume à lui seul l’intelligence de la composition. Véritable pépite, OVNI magnifique sorti de cieux inconnus, il inspire par son audace et sa liberté.
Il serait criminel de résumer Naiv à un mélange hétéroclite de genres et d’influences : tout ceci ne peut avoir de sens si le maestro sait se servir de cette matière. Nous entrons ici dans ce qui fait la force de Tamás Kátai. Dès les premiers instants, vous allez reconnaître son style. Que vous ayez déjà parcouru un bout de chemin en sa compagnie ou que vous atterrissiez pour la première fois à ses côtés, il vous embarquera dans une escapade folle, assez proche de ce que vous connaissez pour ne pas vous faire peur mais en vous montrant des paysages qui vont vous faire ouvrir la bouche. Szélvész par exemple à une construction relativement similaire à ce que l’on peut attendre d’un morceau standard d’un autre groupe, et pourtant tout dans le chant, les guitares, les mélodies de basse, les synthés, l’utilisation parcimonieuse de la double pédale et cette outro progressive vont vous sembler, à juste titre, uniques.
Nous n’allons pas faire l’inventaire des idées déployées dans Naiv. Le mieux serait que vous alliez écouter ce bijou de créativité et de vous régaler pleinement. Vous allez l’écouter plus d’une fois, non pas parce qu’il est trop compliqué à digérer mais parce que son écoute vous transportera dans des territoires inconnus et magnifiques.
A écouter : Pour sa richesse
Il y a énormément de choses à dire sur Geometria, mais si nous allons à l’essentiel, on peut dire que rarement un groupe aura obtenu avec autant de brio ses lettres de noblesse dans le domaine de l’inclassable. Quelques explications s’imposent quant à cette anomalie plaisante, dernière création de Thy Catafalque, fabuleux caméléon à la créativité illimitée.
Piochant dans tous les univers pour ne retenir que ce qui est le meilleur, Thy Catafalque sort du lot. Il ne s’agit pas d’une énième formation qui va essayer de se démarquer en mélangeant des styles hétéroclites dans le seul but de faire parler d’elle, ici c’est au service des sensations que se font les mélanges. Death Metal, Synthwave, Jazz, Post-Rock… les étiquettes sont aussi nombreuses qu’inutiles tant elles sont réécrites avec brio par la main experte de Tamás Kátai, seul maître à bord. Toutes ces saveurs se mélangent pour donner naissance à des images éthérées qui se visionnent les yeux fermés, des sensations qui viennent vider la tête et remplir le cœur d’un riche foisonnement.
Inattendu sans être brutal, subtil sans être fade et d’une indéniable cohérence malgré sa diversité, Geometria est la représentation de l’équilibre. Dans ses constructions, l’apparente simplicité des mélodies leur permet de se superposer et de créer des pistes "à étages" ouvrant la possibilité à de nombreuses écoutes sans lassitude. A l’image de leur pochette, ces lignes s’assemblent pour former un tout dense sur lequel l’attention est en permanence sollicitée. Une seconde de plus et c’est une nouvelle forme que nous avons dans les oreilles, un délicieux plot twist qui vient encore et toujours modifier l’approche que nous avions de Geometria. Il est extrêmement difficile de mettre une piste en avant plutôt qu’une autre puisque chacune regorge d’idées et d’inspiration. Pourtant l’empreinte auditive est indéniable et impossible à contrefaire car le hongrois fait de ses morceaux des histoires si uniques que lui seul sait les raconter comme il se doit.
Il est rare de s’attarder sur les performances techniques et pourtant nous allons faire une exception ici. Chaque instrument donne le meilleur de lui-même, la batterie tout en finesse et retenue, le violon intense, les synthés créatifs, les guitares volatiles… sans faire étalage inutile de talent, c’est tout en simplicité que les pistes s’enchaînent, nous laissant sans voix devant tant de brio. La production est également au service de ces fulgurances, ces petits gimmicks, killswitches bien trouvés, le travail sur les saturations… ces petits ornements qui font de l’œuvre un joyau plutôt qu’une pierre brute qui n’aurait pas su exprimer tout son potentiel.
Arrivé au summum de son talent, Thy Catafalque propose une œuvre déstabilisante à différents niveaux. Tant par sa technique que par sa diversité, nous sommes en présence d’un disque comme il s’en fait trop rarement et que nous devons soutenir. Geometria montre qu’il est encore possible de créer sans aller dans l’excès, qu’avec le talent et le travail on peut encore bousculer les genres et avoir la prétention d’être unique.
A écouter : Oui
Que le temps passe ! Quinze ans déjà que Tamás Kátai nous fait profiter de sa vision passionnante du Metal avant-gardiste. Quinze ans de chevauchées rétro-futuristes, de cavalcades riffesques quelque part entre la Folk traditionnelle hongroise et la bande originale de combats interstellaires dans une galaxie lointaine, très lointaine. Depuis Tűnő Idő Tárlat en 2004, les albums se suivent et se ressemblent dans la qualité pour Thy Catafalque. Quatre ans après l’excellent Rengeteg, le one man band est de retour avec Sgùrr, qui confirme une nouvelle fois la qualité intrinsèque de ce projet.
Les albums se suivent et se ressemblent pour Thy Catafalque. Si cette formulation pourrait d’ordinaire induire un reproche, ce n’est pas le cas ici. La similarité se joue surtout dans la forme proposée. Un album plutôt long (ici 52 minutes), composé d’au moins un morceau de quinze minutes (ici deux) en version hongroise originale sans sous-titre. Les habitués du groupe ne seront ainsi pas décontenancés face à cette nouvelle sortie discographique. La principale différence avec les précédents efforts se situe dans la ligne artistique choisie par Tamás Kátai. Au revoir la Folk qui venait tempérer les déflagrations supersoniques des guitares, ici le parti pris est celui de la violence, de la première à la dernière seconde. L’agressivité s’immisce dans chaque recoin, sournoise et pernicieuse pour nous offrir sans conteste possible l’album le plus violent du groupe. Le chant clair a totalement disparu pour laisser place à un growl puissant ci et là, la majeure partie de l’œuvre étant instrumentale. Finalement, les seuls moments de tempérances viennent au beau milieu des deux longues et géniales aventures galactiques de plus d’un quart d’heure. Mais là encore, elles n’ont pour objectif que de nous laminer plus encore la tronche avec une accélération terrible dans la foulée. Ce n’est du reste pas le milieu de Sgùrr Eilde Mòr qui nous contredira. Quelle sauvagerie !
Chose étonnante dans l’esthétique toujours très soignée du projet, la pochette de Sgùrr tranche radicalement avec les précédentes. Alors que, comme nous le disions, le contenu est plus radical que d’antan, il s’agit sans nul doute de l’illustration la plus lumineuse du groupe. Une contradiction de plus me diriez-vous pour un groupe qui s’est toujours joué, à cloche-pied, des sentiers battus. La construction de l’album quant à elle ravira les amoureux de la symétrie. Une intro et une outro d’une vingtaine de secondes chacune, un second et un avant-dernier morceau de cinq minutes, un troisième et un avant avant dernier morceau de quinze minutes chacun. Il y a fort à parier que tout cela a été méthodiquement pensé. Pour autant, si les deux mastodontes sont indéniablement formidables, dans la grande lignée des prouesses jouissives de Thy Catafalque depuis six albums maintenant, les morceaux plus courts ne sont pas aussi percutants. Trop similaires aux autres, ils n’offrent pas de véritable valeur ajoutée à l’ensemble et auraient pu être inclus au sein des pérégrinations progressives de l’album sans que la différence ne s’en ressente. Malgré cela, l’ensemble reste cohérent et offre une nouvelle odyssée osée, aux confins des genres et des frontières stylistiques, où l’auditeur se verra brinquebalé dans l’univers toujours plus incroyable de Tamás Kátai.
Sgùrr est une nouvelle preuve du génie créatif de son géniteur. Si l’album manque un tant soit peu de surprises, il reste d’un intérêt certain et convaincra à n’en pas douter les amateurs d’un Metal aventureux et résolument moderne.
A écouter : Avec des lunettes 3D.
Il n'est qu'assez rarement question de l'Europe de l'est sur Metalorgie et il n'y a à priori pas d'explication cohérente à cela. Peut être est-ce parce qu'inconsciemment, nos oreilles, comme celles de beaucoup d'autres, ont naturellement d'avantage tendance à pointer au nord (Grande Bretagne et Scandinavie) ou à l'Ouest (Etats Unis/Canada) lorsqu'elles ne se penchent pas sur le cas de groupes du coin. Peut être. Ce constat est surement regrettable et pourtant il n'est pas question ici de réparer quelconque injustice. Uniquement de parler d'un groupe et d'un album qui le méritent. Ce groupe c'est Thy Catafalque. Ils nous viennent de Hongrie et se présentent devant nous en brandissant fièrement Róka Hasa Rádió. Et il y a de quoi...
Thy Catafalque, c'est l'association de deux hommes que sont Tamás Kátai et János Juhász qui, depuis onze ans se façonnent un univers sonore atypique, à mi chemin entre extremisme Black Metal, vision prog et sonorités sci-fi et folkloriques. Avec seulement deux hommes pour autant de sources d'inspiration le résultat ne peut être conventionnel. Certains d'entre vous, s'ils ne connaissent pas nécessairement le groupe du jour, ont cependant peut être déjà une idée du rendu. En effet, Tamás, c'est aussi Gire, autre projet dangereusement foldingue finalement abandonné au bout d'un seul véritable album (Gire). Au cours des douze années qu'aura tout de même duré l'aventure, il aura donc aussi lancé, entre autres, Thy Catafalque dont Róka Hasa Rádió est déjà le quatrième album. Musicalement, l'approche est sensiblement identique dans le sens où l'on reconnait immédiatement la patte du sieur aux premiers instants de l'écoute. Le genre de disques dont on ne sait à quel univers le raccrocher si ce n'est celui de son (ses) auteur(s)... ce qui est déjà en soi une belle prouesse de nos jours. A coté de cela, il faudra bien avouer que ce Thy Catafalque n'est pas ce qui se fait de mieux sur l'échelle de l'accessibilité en raison de sa durée (1h08 pour neuf titres) mais surtout de son contenu. De sa construction au sonorités qui le composent, Róka Hasa Rádió a de quoi surprendre. Le son, d'abord, est extrêmement compact et sonne peu naturel, la faute à cette boite à rythme à demi épileptique et à ces claviers omniprésents, tantôt très spatiaux, tantôt d'inspiration folklorique qui empêchent l'esprit d'associer le son de Thy Catafalque à un monde tangible ou a une époque. Il y a ensuite ces deux premiers titres qui occupent d'office une demi heure du disque: on fait à priori difficilement plus indigeste mais ils valent pourtant à eux seuls l'écoute de l'album. Un papier entier pourrait être rédigé rien que sur ce Molekuláris gépezetek de 19 minutes, passant du Metal moderne au pur Black metal (flagrant aux alentours de 4'30) et au Metal progressif, non sans convoquer Electro, Ambient et Metal folklorique sur lesquels viennent se greffer chant lyrique, violon ou encore clarinette. Epique.
La suite de l'album n'est pas en reste mais semblera forcément comme prise de hoquet avec ses sept titres compris approximativement entre 4 et 7 minutes et tous dotés de leur ton propre, là où leurs deux grands frères embrassent la quasi totalité des influences du duo au sein d'autant de compositions disproportionnées. Leur enchainement logique est à prendre, dans le grand tout qu'est Róka Hasa Rádió, comme le troisième et dernier acte de la représentation de Thy Catafalque, chaque titre s'imbriquant parfaitement dans l'autre selon une courbe d'intensité fluctuante. Alors que les cordes sont presque portées disparues à la suite de Köd utánam, elles refont surface accompagnées du chant clair de Tamás deux titres plus tard avec Esõlámpás, sortant ainsi doucement mais surement Róka Hasa Rádió de la torpeur hivernale contemplative dans laquelle il avait plongé. Et, jusqu'à la fin, Róka Hasa Rádió, se jouera entre attirances scandinaves et racines centreuropéennes (Õszi varázslok et sa mélancolie très Drudkhienne croisée au Black symphonique, la Neo-Folk Fehér berek qui rappellera quelque peu Tenhi...). Ca fait beaucoup, oui, un peu comme cette chronique sans fin pourtant réduite au maximum.
Róka Hasa Rádió est un disque riche, très riche, presque trop chargé, qui brouille sciemment les repères stylistiques et temporels. L'exercice est ambitieux, vertigineux et le rendu un peu kitsch au premier abord. C'est tellement "too much" que l'on n'ose vraiment y croire. Et pourtant Thy Catafalque sort là un disque d'exception en ayant affiné ses atouts principaux: une personnalité unique et décomplexée servie par une grande maitrise d'une palette de styles d'une variété peu commune. De l'inventivité sans limite et du talent en somme. Je vais finir par croire qu'ils le font exprès.
A écouter : Tout.
|
|