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Biographie
Thy Art Is Murder est un groupe australien de Deathcore originaire de Blacktown, Sydney. Le groupe est formé en 2006, il se compose à l'origine du chanteur Brendan Van Ryn, des guitaristes Gary Markowski et Sean Delander, du bassiste Josh King et du batteur Lee Stanton. Les membres enregistrent une démo composée de trois pistes intitulée This Hole Isn't Deep Enough For The Twelve Of You. Ils reviennent au studio en 2008 pour enregistrer leur second EP intitulé Infinite Death, qui gagne de l'attention grâce aux titres et aux paroles misogynes de Van Ryn.
Après deux ans de tournées internationales sans relâche, Van Ryn quitte le groupe à cause de différences créatives et du manque d'évolution dans leurs sonorités Death Metal. Son départ est annoncé en 2008. Un an passe avant que Thy Art Is Murder ne trouve un nouveau chanteur qui n'est autre que Chris "CJ" McMahon, du groupe de Metalcore Vegas In Ruins. Les membres sont impressionnés par son growl lors de son audition et il est immédiatement accepté. Le bassiste Mick Lowe remplace King peu avant l'enregistrement du nouvel album The Adversary, commercialisé en 2010. Suite à leur seconde tournée européenne, les australiens signent avec le label Nuclear Blast Records en 2013 pour la distribution mondiale de leur nouvel opus Hate. En Juin 2015 parait alors Holy War, troisième album studio de la formation. Après un départ à contre coeur en 2016, et avoir été remplacé sur les tournées par Nick Arthur, chanteur de Molotov Solution, CJ McMahon craque et revient vers les siens pour enregistrer Dear Desolation en 2017. Peu avant la sortie de Human Target en juillet 2019, cinquième opus des Australiens, Il est annoncé que Jesse Beahler remplaçait le poste vacant laissé par Lee Stanton à la batterie.
Figurant parmi les groupes de Deathcore récents les plus respectés et les
plus appréciés, Thy Art Is Murder livre tout juste deux ans après un Dear Desolation très réussi, son cinquième album studio Human Target, Cible Humaine. Ont-ils
visés juste cette fois ci ?
Pas de suspense, oui. Nous sommes dans le prolongement
direct de Dear Desolation. Résolument aussi direct, si ce n’est plus (fallait
le faire) tout aussi violent, et avec la même volonté expiatrice de régler des
comptes avec l’humain dans toute sa déliquescence. Cette dernière, au centre des propos est même
matérialisé dans la production avec un son guitare plus saturé, une batterie avec
moins de dynamique et de surexposition, un mix plus centré dans les fréquences
moyennes et donc un rendu qui confond plus les instruments entre eux. On a donc un
son moins défini, plus crade, comme si le groupe plongeait les mains dans ce qu’il
y a de moins reluisant dans son sujet d’étude : l’Homme.
Les Australiens se positionnent ainsi dans l’action et non
plus dans la dénonciation. Comme le laisse suggérer Human Target, l’Humanité
est une cible à abattre et non plus le coupable désigné. Le jugement à été
rendu, il est temps d’agir contre ce parasite qui détruit la nature jusqu’à se
condamner, qui dérobe les organes de ses semblables pour les vendre au plus
offrant sur le marché noir, qui privatise son système carcéral et réinstaure
ainsi l’esclavagisme, qui use de propagande mensongère pour occulter la vérité
et continuer dans l’impunité ses méfaits et qui élève l’industrie des drogues dures
légales, la pharmacie, au rang de figure divine. Ce sont quelques unes des
thématiques abordées à travers les différents titres de l’album.
Cette implication active est transcrite musicalement par une
musique simplifiée. Death Squad Anthem est un parfait exemple. Une structure
très simple, très répétitive, techniquement extrêmement facile à jouer. Un
hymne à la destruction dans une joie mal placée. Toute l’ironie et la stupidité
de la condition humaine actuelle. Et quand il s’agit de cibler les stupides et
les destructeurs quoi de mieux que de citer les grands auteurs ? Make
America Hate Again. Le slogan de campagne de #45 rendu plus honnête aux yeux de
tous. Cette chanson et ce titre ont beaucoup fait couler d’encre aux USA, entre
convaincus, détracteurs, politiques qui récupèrent ce slogan, et ces
bien-pensants qui ne permettent pas à des »satanistes venus d’Australie de
parler de la grande Amérique ». Encore une belle preuve d’intelligence !
Leur message est clair ; Il faut agir. Tout s’axe
autour cette idée centrale dans Human Target. Opposer la fermeté à la cruauté,
le bon sens aux politiques et le naturel à l’humain, sous peine de voir se
terminer avec violence tout espoir que les choses s’améliorent un jour.
A écouter : Make America Hate Again, Welcome Oblivion
Quatrième album en sept ans (cinq si on compte le split avec Fit For An Autopsy et The Acacia Strain), pour la plupart des groupes, ce côté prolixe annonce
un album en demi-teinte avec un manque de renouvellement ou d'efficacité. Dear Desolation fera t'il partie de l'abondant club des "mouais" ou saura
t'il creuser son trou dans une discographie déjà bien riche ?
Commençons par les évidences. Dear Desolation est résolument
plus Death Metal que les deux opus précédents. Les ambiances propres aux groupes sont
toutefois toujours présentes mais se rapprochent plus de The Adversary, et
c'est une bonne chose. Si vous avez lu la chronique de Holy War, ce
dernier jouait trop sur ces ambiances et y perdait en brutalité. Le moins qu'on
puisse dire c'est qu'ils se sont rattrapés ici. Entre les arpèges et picking
très rapides propres au Death, la batterie toujours aussi véloce et la férocité
irrépressible de CJ McMahon qui signe son retour, on s'en prend plein les
esgourdes. Autre axe d'amélioration qu'ils avaient et qui cette fois était
soulevé dans la chronique de Hate, les structures des morceaux étaient
souvent semblables. Là encore une fois, niveau renouvellement les australiens
ne se sont donc pas fichus de nous. Savoir écouter sa musique et y analyser les
forces et les faiblesses est une tâche ardue et nécessite une longue réflexion
et de prendre du recul. Vraisemblablement, ils ont également cette carte dans
leur jeu. Chapeau !
2016, 2017 et surement 2018 marquent une nouvelle étape dans
le développement du Deathcore, celle de la différenciation. Carnifex ont opté
pour agrémenter du Black Metal, Whitechapel se sont eux plus tournés vers le Heavy Metal,
Suicide Silence vers … on ne sait pas. Thy Art Is Murder ont donc eux opté pour
une approche qui tire moins vers la fusion mais qui se recentre sur les
origines. Un peu comme s'ils ne faisaient plus du Hardcore teinté de Death, mais
du Death clairsemé de Hardcore. La
nuance est subtile à percevoir certes, toutefois, elle relève d'une approche
musicale différente et c'est surement ce qui donne cette saveur très Death à Dear Desolation. Le mix de l'album a légèrement évolué en ce sens également. La
batterie et le chant sont certes toujours mis en avant comme dans n'importe
quel album de Deathcore, mais les guitares sont plus saturées, moins
artificiellement définies ce qui donne une touche moins contemporaine et moins
synthétique. Rien que l'intro de Slave Beyond Death, premier morceau de l'album, illustre ce propos.
Quant aux textes, après s'être attaqué au chaos anticipatif
d'une société malade, à la sainte autorité religieuse, cette fois, il est
dénoncé la nature de l'homme. Bon ok, la religion s'en prend toujours plein la
gueule, mais en même temps, elle a été inventée par l'homme car (à la base car c'est
dans sa nature d'expliquer des phénomènes incompris d'une manière ou d'une
autre et de se chercher un but profond, mais après la volonté des uns d'imposer
leur vision aux autres, les divergences d'opinions et la bêtise d'un organe
artificiel de toujours vouloir dominer, asservir et écraser les autres, on
conduit à quelques menues dérives). Mais je m'y perds. On y parle également de
manipulation, d'assassinats, de guerre, de mort et d'asservissement aveugle.
Nous restons donc toujours dans ce filigrane de dénonciation de la nature
psychopathique de l'homme qui est présent depuis les débuts du groupe.
Bien moins évident d'approche à la première écoute que ses
prédécesseurs, cet opus est tout autant une réussite de part sa composition que
par le tournant pris par Thy Art Is Murder dans son approche musicale. A la fois prolongation et renouveau du groupe,
aucun doute sur le fait que Dear Desolation ait sa place dans la discographie,
espérons le, encore massive du groupe.
A écouter : The Son Of Misery, No Absolution
La guerre sainte tire sa source de la religion, elle est
lancée au nom d'un dieu ou approuvée par une autorité religieuse. Dans ce
contexte très actuel, c'est ce qu'ont choisi de dénoncer Thy Art is Murder via Holy War. Successeur de Hate qui a mis la barre très haut, ce nouvel opus
relèvera t'il le niveau ?
Musicalement, on retrouve d'emblée l'ambiance lourde et
oppressante symptomatique du quintet de Blacktown. Des rythmes syncopés
entremêlés d'arpèges aigus ciselant les mélodies. La fureur rugissante d'un
vocaliste insoumis, bref, du vrai Thy Art . Globalement, chaque chanson a sa
place sur l'album, d'ailleurs Absolute Genocide et Holy war sont deux
merveilles de composition et trouveront sans hésitation une place pérenne dans
le set du groupe. Il manque néanmoins dans le reste de Holy War, une chose
cruciale : la brutalité. Si on devait dresser une comparaison, ce dernier est
plus fort dans les ambiances et la décadence que Hate, avec parfois des petits
cotés de Burnt by the Sun qui ne sont pas pour déplaire (cf : Child of Sorrow),
mais il a fait perdre du mordant au global. Résolument plus sage, quelques
mélodies lancinantes restent en tète là ou auparavant un déferlé de sauvagerie
faisaient se mouvoir compulsivement la nuque, les poignets et les chevilles. Sans
pour autant être dans la contemplation, quelques changements de rythmes plus
brutaux, quelques blasts plus prononcés et quelques mélodies plus agressives
n'auraient pas été superflues.
D'un point de vue symbolique et littéraire et si l'on fait
attention aux textes, les Australiens s'en prennent ni plus ni moins qu'à la
bêtise, crasse et absurde. Celle qui fait croire que la Terre a été crée en sept
jours, que tout découle d'un dieu, de la volonté divine et qu'il faut adhérer à
cette pensée ou être exclu. Celle qui fait que les peuples s'affrontent au nom
d'une pratique différente, d'une interprétation différente et qui fait
confondre peur avec liberté. Autre cible connexe visée : les autorités
religieuses. Celles qui interprètent des volontés divines et qui ordonnent aux
fervents moutons de servir leurs intérêts sous de faux prétextes. Ceux-là même
qui décident que le préservatif est un objet du diable, que l'avortement est un
meurtre et qui ordonnent des attentats suicides à l'autre bout de la planète du
haut d'un balcon. Rappelons au passage que la torah, la bible et le coran sont
trois interprétations de la même religion abrahamique et que le judaïsme,
l'islam et la chrétienté qui découlent de ces textes sont responsables de 247
guerres à travers l'Histoire et d'au moins 450 millions de morts (recensées et
uniquement en temps de guerre).
On a donc au global, un bon album, abouti dans la mesure où
il remplit son rôle d'être l'extension stylistique et développe les idées
abordées dans Hate. Profond, plein de sens et avec un vrai message, ce qui
manque cruellement au deathcore moderne, mais imparfait dans la mesure où il
s'adresse plus aux fans de Thy Art, qu'à un auditoire plus large et désireux
d'une musique toujours plus brutale.
A écouter : Holy War, Absolute Genocide
Sursis d'un couteau dans l'ombre au détour d'une ruelle. L'angoisse pour seule
compagnie. La tête baissée, le pas hâtif en quête d'un sanctuaire pour échapper
à son macabre destin. Quand plus rien ne bouge, un son s'élève, lancinant et
inspirant la peur. Lorsque l'on discerne distinctement la voix, il est déjà
trop tard. C'est un art froid qui prend par surprise et pourfend la chair, et
cet art est le meurtre.
Voilà ce qu'inspirent les premières secondes de Hate. Reign of Darkness comme mise en garde de
l'arrivée d'Australiens fâchés et désireux d'apporter leur pierre à l'édifice déjà
titanesque du Deathcore. A la différence notable que contrairement à énormément
de groupes qui cherchent la destruction colossale et massive via la musique,
tel un barbare armé d'une masse qui ravage tout sur son passage, Thy Art Is
Murder serait plus comme un assassin, faisant voler sa lame sous la gorge de
ceux qu'il croise. Il faut y voir ici une subtilité de composition,
privilégiant les mises en ambiance contextuelles plutôt que la brutalité pure
et simple. Cela peut se traduire par un sample ou une guitare très aérienne sur
les effets (ex : Shadow of Eternal Sin).
Cette dernière qui alterne entre des accords lourds et lents et des arpèges
rapides et frénétiques, mettant ainsi encore plus en exergue cette notion
d'incisivité présente tout au long de l'album. Les solos très techniques sont
quant à eux parfaitement exécutés, (ex : Immolation)
à la fois malsains et poétiques, tels qu'étaient capable le faire Jon Levasseur
de Cryptopsy.
Mais il ne faut pas s'y méprendre, il s'agit bel et bien de
Deathcore avec des passages syncopés de qualité, une batterie très très (oui
deux très) rapide, et un chant haineux à souhait. Bref, à chaque niveau de
l'instrumentation on trouve un musicien technique et qui sait servir le morceau
avant toute autre chose. C'est bien là, la force de Thy Art Is Murder. Ils
parviennent à donner vie par la musique au thème qu'ils ont choisi et mettent
tous les moyens qu'ils ont à leur disposition pour achever ce but. Cette tache
très ardue nécessite une très grande rigueur dans le travail préparatoire et
demande beaucoup d'organisation. C'est d'ailleurs si on prête vraiment
attention leur plus gros défaut également. Mettre en place ceci nécessite une
recette bien particulière et cela se ressent. Les morceaux paraissent calibrés
et cinq d'entre eux, sur les dix de l'album, ont exactement la même structure.
Niveau cohérence de l'ensemble pas de soucis donc, il est toutefois regrettable
qu'une ou deux autres formules n'aient pas été plus utilisées.
Au final une très bonne impression, avec un parti pris dès
le départ et qui est respecté à la lettre. Une ambiance oppressante présente
tout au long de l'album et une inventivité qui permet de tenir le rythme. Un
gage de qualité car comme le disait Albert Einstein lui-même," la
créativité c'est l'intelligence qui s'amuse" Puissent-ils s'amuser et nous
abreuver en musique encore longtemps.
A écouter : Reign of Darkness, The purest Strain of Hate
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