Insaisissable. Cette musique. Elle nous immerge, puisant une force colossale dans un soleil noir aveuglant de ténèbres, dans un monde hermétique qui nous angoisse. Rien n'y est net, rien n'est défini. Tout joue avec nous, les sons difficilement identifiables, passant d'une mélopée sinistre à un opaque brouillard de guerre complètement dense qui nous étouffe et nous submerge. Les chuchotements se font entendre, des cors de guerre résonnent, quelque chose se prépare, quelqu'un arrive, quelque chose plutôt, vient vers nous. Même le chant, ce murmure hurlé, n'est pas net, marqué, ponctuel. Sans la batterie faisant office de phare montrant la terre ferme, nous serions sans repères aucun dans cette mer déchaînée, d'où partent les cris évanescents des guitares teintées de réverb en de longues lames acérées pointant vers le ciel. Et même ce chant suffoqué et à bout ne nous étouffe pas, non, il n'est pas une agression. Il est une plainte, comme celle d'un animal cerné par la mort avec ses cris de survie déchirants, et son langage corporel nous montrant qu'il n'est pas là pour semer la mort. Comme s'il était intolérable de profiter de la moindre once de beauté sans hurler face à tout ce qui peut noircir le grand tableau du monde, nous sommes écartelés entre des moments de mystères de l'éther à l'oppressante culpabilité qui hante les esprits torturés. De la lumière, il en reste, tout n'est pas derrière nous. Une lumière certes, mais une lumière maladive, empoisonnée, telle une braise qui rougeoie sans avoir la force d'éclairer. Dans cette fournaise glaçante, s'illustre un combat. Personnel et primordial, si commun à tous à la fois, montré avec véhémence mais aussi avec retenue, une délicatesse respectueuse des choses de l'âme. Ces sonorités organiques, vivantes, comme conscientes d'elles-même, étendent ses tentacules jusqu'à nos oreilles, s’immisçant dans notre cerveau pour nous montrer l'intérieur même d'une créature fascinante.