Attention O.V.N.I., Objet Violent Non Identifié. Un
véritable amas de sons entremêlés, entrechoqués, aux antipodes du bon sens et
du bon goût. Abstract Corn Cloud se nourrit d’influences telles que le Cybergrind,
le Deathcore, la Techno et l’Electro cheap, laissez mariner le tout vingt-huit minutes
dans une prod’ au rabais et voilà le travail : un ragoût wtf et assumé, sans
aucune prétention. A tel point que l’unique membre de They Ate Isengard fait de
l’anti-promotion sa marque de fabrique, prenant soin de dénigrer chacune de ses
productions. Harvey Parker a ainsi écrit un jour à propos de sa musique « Please don't waste your time on it. ». Eh bien…on va s’gêner.
A l’image de l’artwork, la musique de TAI nous vient d’un univers décalé et effrayant où se côtoient une voix vociférant
du début à la fin et une panoplie de sons tous plus inattendus les uns que les
autres. Il faudra donc un certain second degré ainsi qu’un peu de sadomasochisme
musical pour apprécier cet effort sans concession ni ambition. Du son
hyper-saturé de « Modernism/Cancer » à l’instru totalement décousue
et même presque « démusicalisée »
de « Inverted Abstraction», il faut apprendre à se faire mal. Bien
loin d’être linéaire, l’album délivre des tracks aux influences très variées ;
un tempo quasi Jazzy sur « Mother Cigarette » laisse ensuite place à
quelques échappées plus orientées Electro (« When The Moon Tilted
Backwards ») voire à des beats lorgnant vers le Hip-Hop sur « Twisp
And The Cone », sans ne jamais verser complètement dans chacun de ces
styles. They Ate Isengard se fait un malin plaisir à brouiller les pistes et redéfinit
notre notion de l’Experimental et de l’Avant-Gardisme.
Mais aussi étonnant que cela puisse
sembler, ces agencements chaotiques de notes sorties d’on ne sait où produisent
leur petit effet : les douze titres pondus par ce cerveau malade nous
transportent vers des contrées absurdes aux paysages cauchemardesques, l’ambiance
oscille entre le grotesque et le malsain, façon film d’horreur à petit budget. On en retient des rythmes catchy comme celui
de « Laudanum – 3 :10 », sorte de tube dancefloor pour zombies,
agrémenté de kicks Gabber et de parties vocales autrement plus entraînantes qu’un
sempiternel « Put your hand in the air ! ». Question violence, « God’s
Brothel » se charge du travail et s’avère être le titre le plus « Grind »
de la galette, distribuant même quelques blast-beats au passage, noyés dans une
marée de décibels endiablés. Les mélodies quant à elles ne sont pas non plus en
reste et parviennent à nous surprendre au milieu de « Cassette Deck »
et ses claviers aux sonorités orientales, ou encore sur quelques secondes de « Power
Of The Hour » ; des passages qui auraient parfois mérité d’être
prolongés pour en décupler l’efficacité. Le groupe tire enfin sa révérence sur les
deux derniers titres qui sont probablement le climax de cet opus (« Joastelle »
et « Statics » en tant que bonus track), à l’essence plus sombre que
leurs prédécesseurs. Les chuchotements se font plus présents et les instruments
plus oppressants, silence de mort avant le final apocalyptique de « Statics »
et ses claviers lugubres et envahissants.
Pour un album qui ne paraît être qu’une vaste blague pour son
géniteur lui-même, Abstract Corn Cloud est malgré tout un curieux objet assez
varié et plutôt réussi, valant au moins une écoute pour son jusqu’au-boutisme et
pour l’ambiance qui s’en dégage.
L'album est en téléchargement libre sur le bandcamp du groupe.
A écouter : A la kermesse de l'asile